Dawn – Darker

Darker
Dawn
2014
Laser's Edge

Dawn – Darker

Dawn est un groupe qui évolue depuis une quinzaine d’années mais qui, avec ‘Darker’, n’en est qu’à son deuxième album. Au départ sextet, ils se retrouvent quartet après le départ de leur violoniste Frédéric Tschumi et de leur chanteuse Nadine Nicolet.

Leur premier album ‘Loneliness’, publié en 2007, et proposant un rock progressif symphonique très marqué par celui de leurs aînés de l’âge d’or, a reçu de très bonnes critiques. Dawn a renouvellé l’expérience en 2013 avec « Darker », qui voit l’arrivée d’un nouveau batteur. Le groupe est actuellement composé de René Dugoumois (chant, guitare), Julien Vuataz (basse), Manuel Linder (batterie), et Nicolas Gerber (claviers). Nous allons voir par la suite comment s’articulent les 8 pièces de cet album. Commençons avec « Yesterday’s Sorrow » : une ouverture solennelle, dont Jean-Baptiste Lully aurait été fier et où se mêlent un mellotron orchestral, un orgue Hammond tout en retenue, des claviers pompeux et une batterie type « timbale », se met en place après un orgue méditatif et humble que l’on pourrait rapprocher davantage de l’oeuvre de Jean-Sébastien Bach.

Le disque se poursuit (« Cold »), avec une complicité orgue-basse qui n’est pas sans rappeler les passages les plus fougueux du « Thick As A Brick » de Jethro Tull. Une voix haut perchée avec un thème de flûte soyeux au mellotron (cette fois-ci c’est le « Strawberry Fields Forever » des Beatles qui vient en tête) succèdent à la tempête. Le premier break est sinueux avec une guitare rythmique rageuse et insistante, que vient tempérer une guitare plus conciliante. Un second break est plus posé avec sa guitare « gyrophare » et la batterie qui emprunte un chemin moins sinueux. La voix devient théâtrale avant qu’un dernier passage « Tullien » ne conclut le morceau. « Darker » commence dans la panique avec un orgue aquatique, des guitares saturées « grunge », une batterie insistante et des synthés alarmés. L’orgue prend ensuite des airs majestueux, avec une guitare en contrepoint, puis la voix vient nous rassurer. Un passage pastoral avec guitare acoustique et orgue presque « sacré », auquel s’adjoint une batterie distante, vient comme une bouffée d’air frais. L’impression de quiétude se poursuit avec une guitare lancinante aux airs frippiens et une batterie jazzy en accompagnement. L’orgue prend le relais de la guitare et la voix revient progressivement. La basse donne alors un côté groovy à l’ensemble. La guitare poursuit dans l’esprit Robert Fripp, avec ses tonalités éberluées. A noter un gros travail créatif du batteur sur cette section, dont le coda reprend le thème musical principal.

Dans « Lullabies for Gutterflies », les claviers donnent une impression de fête foraine avec des échos d’orgue de barbarie tandis qu’un Rhodes répétitif, que l’orgue finit par mimer, rappelle les expériences minimalistes de Philip Glass. Une guitare sinistre et une batterie dansante (type shuffle de Jeff Porcaro dans « These Chains » de Toto) se joignent au motif répétitif de claviers et l’effet global est hypnotique, plus que berçant comme suggéré par le titre.

« 8945 », avec sa longueur avoisinant les 19 minutes, est le plat de résistance de ce menu de choix. Il présente une ambiance psychédélique avec une batterie type « timbale » (comme dans « Set The Controls For The Heart Of The Sun » de Pink Floyd) et un orgue lancinant (rappelez-vous « She Chameleon » de Marillion). La voix est angoissée et implorante (le questionnement dans les paroles). La guitare est « déchirée », avec des effets d’écho, et le mellotron est mélancolique. Puis un rythme de marche militaire avec des touches de claviers répétitifs à la Tony Banks (le tout quelque part entre le « Fly On A Windshield » de Genesis et le « Squonk » du même groupe) viennent appuyer le propos anti-militariste de la chanson (qui tourne autour des bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki : le titre fait référence à la date de largage de Fat Man sur Nagasaki, bombe référencée dans les paroles, au même titre que Little Boy, bombe larguée sur Hiroshima trois jours avant Fat Man). Un chant implorant conclut la section de « marche militaire », et est suivi d’un chaos avec guitares dissonantes, verre cassé, et batterie « maltraitée », seul l’orgue dubitatif maintenant le fil avec le reste de la chanson. Un extrait de discours d’Harry Truman justifiant l’usage de la bombe à Hiroshima vient à nouveau poursuivre l’oeuvre de dénonciation de l’absurdité de la guerre atomique. La musique se fait alors plus insistante avec effets de répétition, comme si plusieurs tentatives de raisonnement trouvaient lettre morte et étaient réitérées jusqu’à un résultat qui ne viendra jamais.

« Out Of Control » est plus léger avec son orgue espiègle et sa batterie frétillante. La voix est enjouée avec les paroles en mirroir (King Of Fools, and Fool To The King). La guitare se veut dissonante dans le break, quelque part entre Arto Lindsay et David Torn, mais des synthés cosmiques remettent la chanson sur les rails de la « garden party » qui ne va cependant pas durer car une sorte d’élégie mélancolique conclut le morceau avec son mellotron larmoyant et sa guitare éplorée. « Lost Anger » est un courte pièce instrumentale avec une batterie émoustillée qui gagne en assurance quand la guitare aérienne se joint, et un orgue répétitif tout du long. Le morceau de clôture, « Endless », a un mouvement berçant avec son orgue aquatique et sa batterie lente. Un synthé bourdonnant auquel se joignent une batterie plus désorientée, un mellotron angoissant et une guitare acoustique hypnotique viennent assombrir les cieux. Un choeur généré par le mellotron, suivi par un rythme tribal de la batterie avec un mellotron plus serein et des nappes de clavier optimistes, viennent petit à petit sortir le groupe de la pénombre.

« Darker » est un album bien ancré dans le rock progressif des années 70, essentiellement sa branche symphonique représentée par Genesis, Yes et sa branche plus sombre représentée par la période Wetton de King Crimson. Les vocaux sont haut perchés et proches de ceux de Mischa Schleypen de Violet District, qui étaient à raison assimilés à la rencontre des voix de Klaus Meine (Scorpions) et de Dave Gahan (Depeche Mode). L’instrumentation les rapproche également de leurs influences (les claviers vintage notamment) : pas de nouvelles technologies, tout est joué dans la grande tradition du rock progressif de la première moitié des années 70. Les musiciens sont excellents, la technique est au service de la mélodie et l’album passe comme une lettre à la poste.

Lucas Biela (8,5/10)

http://www.dawnprog.com/

 

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