Celeste – Assassine(s)

Assassine(s)
Celeste
2022
Nuclear Blast
Jéré Mignon

Celeste – Assassine(s)

Celeste Assassine(s)

Celeste est à l’image de ces statues figées, livrées aux aléas des éléments et du temps. Fermement ancrées au sol, subissant le sort des vents, pluies, mousses, champignons, érosions et autres interventions humaines/animales. Cet objet à la vue de tous mais dont on n’accorde négligemment pas assez d’attention… Est-ce pour cela que le groupe lyonnais semble bénéficier d’une meilleure notoriété en dehors de son territoire … ? Bien qu’ayant une fan-base française des plus active et affichant un palmarès de démonstrations lives aussi punitives qu’intransigeantes, Celeste n’a jamais réellement brillé dans les cieux obscurs… Cheminant au gré des pistes de traverses et sous-sols, il est tel cet artisan besogneux voulant sortir de son atelier trop étroit pour exposer son œuvre. Chose faite par la signature avec le mastodonte Nuclear Blast (quittant le label arty Denovali) signifiant, inévitablement, force de frappe communicative et moyens conséquents digne d’un berserker en rut. Et pourtant…

Celeste reste lui-même. Une hydre qui s’aventure dans l’obscurité dont les têtes communiquent entre-elles par spasmes musculaires et mouvements contre-natures. Celeste reste cette déambulation au milieu d’un paysage mortuaire et connoté. Pierres tombales, lit défaits et abandonnés, fleurs décrépies et moisies. Cette chape de plomb qui s’effondre, poussant à mettre le genou à terre aussi bien par faute inavouée qu’infamie et bassesse de l’âme où seule reste cette lumière aveuglante d’un œil inquisiteur sur notre existence.

Celeste Assassine(s) Band 1

Celeste est toujours resté fidèle à son code esthétique et sa mythologie obscure. Titres d’albums au féminin conjugués à des artworks photographiques noir & blanc, de toute beauté, où pointent cette mal-aisance, les silences, non-dits et interprétations personnelles ambiguës. Celeste c’est la beauté innocente détruite par les pires instincts. Au pluriel. C’est la vilenie qui parcourt chaque strie dans un frisson mélangé de plaisir et de violence dont on ne peut faire barrage. Ce sont ces ombres menaçantes qui se déploient sur un corps en souffrance. Les yeux qui se ferment, les mains qui agrippent, enlacent, pressent et broient le peu d’innocence dans un corps déjà trop mûr mais pas assez mature…

Celeste est un bloc de noirceur, un bulldozer qui écrase, déchiquette et accable. D’un post-metal en évolution, le groupe s’est métamorphosé en mouvement black-metal pesant, ralenti et oppressant (Animale(s)) sans en oublier l’héritage hardcore/screamo de Pessimiste(s). Celeste a tout d’une pénitence. Les morceaux sont des blocs de granites, le changement est imperceptible dans cette mélasse de noirceur monolithique. Nous DEVONS subir… nous projeter… Assassine(s) poursuit cette lente progression amorcée par Infidèle(s). Si la production gagne en épaisseur elle prend aussi un atour plus net et tranchant. La construction des morceaux se fait d’autant plus disparate. À la pesanteur sismique du sludge se greffent rythmiques syncopées, mélancolies spectrales et intonations plus sépulcrales que boueuses.

Celeste Assassine(s) Band 2

Assassine(s) contient et serre en étau cette rage chère aux Lyonnais mais celle-ci revêt dorénavant une devanture plus triste et désespérée que véritablement haineuse. Si Celeste charriait des torrents de terre à déterrer un cadavre sous la pluie, il laisse maintenant place à un vent glacial pénétrant se proférer. Il ne faut pas se leurrer, Celeste n’a pas baissé sa garde pour autant, même si son brouillard semble s’éclaircir… C’est pour mieux mettre de netteté sur ces visages fermés et ces regards cachés sur des yeux clos. C’est pour mieux nous attirer dans son cauchemar aux atours de rêve pervers. Le monde n’est qu’un dégradé du noir le plus opaque au blanc laiteux le plus imperfectible car noyé dans une brutalité bestiale, intime, commune et barbare. Suivant un ordre de titres pouvant se répondre en une longue phrase, le groupe se permet, comme c’est d’usage depuis Animale(s), d’y apposer un titre instrumental polymorphe ((A)) où l’album semble basculer. Un titre où l’auditeur y choisira son interprétation si ce n’est un consentement dans un acquiescement aussi inconscient que morbide. Ici, on appréciera les effluves électroniques se faire graduellement manger dans une spirale saturée et entêtante, permettant de prendre cet embranchement tectonique alors que la batterie devient de plus en plus protéiforme et maligne, s’autorisant l’apparition d’un chant féminin en même temps qu’il écrase définitivement à coups de marteau ce qui pouvait rester d’échappatoire.

Celeste est plus mélancolique.

Celeste est plus éclatant.

Celeste est plus tranchant.

Celeste assassine…

https://celesteband.com/

 

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