Catchlight – Amaryllis
E.O.S. Production
2016
Catchlight – Amaryllis
Une fois n’est pas coutume, je démarre cette chronique par la fin, à savoir que je décerne mon premier coup de cœur 2017 à Amaryllis de Catchlight. Ceci est d’autant plus méritoire qu’il s’agit d’un combo français. N’y voyez aucun racisme anticocardier, mais le problème avec les groupes français est que souvent le phrasé de notre langue nationale claque moins que le chant anglophone à moins d’être un Lazuli, par exemple. Le choix de l’anglais par Catchlight est heureux et renforce le côté dramatique de leur album.
Catchlight donne dans un metal progressif perfusé aux sonorités électro et excelle dans l’alternance avec des pièces atmosphériques ou dark. On y discerne assez souvent les influences de Tool, Porcupine Tree, Anathema ou Karnivool sans sombrer dans l’imitation simiesque. Et, comme si la barre n’était pas assez haute, le groupe a cumulé les prises de risques en se lançant également dans le difficile exercice de l’album conceptuel. Ah, comme c’est périlleux d’équilibrer les morceaux en faisant coller les ambiances musicales aux textes sans dénaturer l’histoire générale mais surtout en évitant les longueurs ou redites qui accouchent de passages limite chiants voire carrément ridicules. C’est un peu comme passer le cap Horn par un jour de tempête. Beaucoup se sont retrouvés drossés sur les rochers. Pas Catchlight le bien nommé qui a braqué un gigantesque phare sur le parcours sinueux à emprunter par le vaisseau Amaryllis afin de l’amener à bon port. Le combo lyonnais/grenoblois bâti autour de Sébastien Arnaud n’a pourtant que 18 mois d’âge et Amaryllis est son premier effort. Qu’importe, il met en pratique la citation célèbre « Aux gens bien nés, la valeur n’attend pas le nombre des années ».
Après une telle mise en bouche, je vous sens piaffer d’impatience. Alors il est temps d’entrer dans le vif du sujet.
Il semble bien qu’Amaryllis ne soit que le premier volet de l’histoire que veut nous compter le groupe. Le sujet n’est pas des plus originaux puisqu’il traite d’un avenir post-apocalyptique amenant la race humaine au bord de l’extinction. La Terre étant devenue inhospitalière, les quelques survivants se sont réfugiés sous sa surface dans la cité d’Amaryllis protégée par un simulateur solaire et gérée par E.O.S., une intelligence artificielle dictatoriale. L’album traite de la naissance d’un hybride dans les laboratoires d’ Amaryllis répondant au doux nom de Tithon.
Au delà du côté pas hyper original du thème, c’est surtout la symbiose parfaite des morceaux avec l’histoire qui interpelle. La cerise sur le gâteau est que si vous ne vous immergez pas dans l’histoire, chaque morceau pris individuellement ou enchaîné aux autres est quand même très accrocheur pour des raisons parfois très différentes.
Je t’ai perdu cher lecteur ? C’est normal ! Tu raccrocheras les wagons dans la suite de cette chronique.
Comme tout concept-album qui se mérite, l’instrumental d’intro bardé d’électro crée d’emblée une ambiance bien prenante qui transpire sur l’ensemble des titres, même sur les plus musclés. Et justement, puisque je parle d’électro, j’ai franchement adoré toutes ces sonorités tordues ambient ou indus qui fourmillent sur Amaryllis créant un background musical très fourni mais jamais trop envahissant.
Ensuite, une inquiétante « Eclosion » nous prend aux tripes avant que l’ambiance étouffante ne laisse place à un riff que Mike Oldfield n’aurait pas renié. L’hybride prend vie et avide de connaissances, se pose d’innombrables questions sur son ego. Alors, on découvre également une qualité très importante pour moi : celle des refrains qui vous trépanent le cerveau.
La boîte de Pandore est ouverte et « Long Night » enfonce le clou. Lui aussi démarre lentement tout en introduisant une dose de groove déprimant, un peu à la façon d’Anathema, surtout au niveau du chant. Son refrain est dantesque de puissance. Il me donne les bosses d’oie, eh oui les fameuses « goose bumps » équivalent british de notre chair de poule. Le riff final bardé d’électro est stratosphérique.
Ca y est, je suis attrapé par la lumière comme un papillon de nuit et le phare de Catchlight ne s’éteindra jamais tout au long de cette galette.
Chaque morceau réussit l’exploit de se différencier du précédent tout en conservant cette ambiance si particulière et ces refrains accrocheurs qui donnent la banane sur chaque morceau. Ainsi « The Awakening », où Tithon se montre épris de liberté et de soif de connaissances, est plus heavy tandis que l’agressif « Criminals » laisse une place beaucoup plus large à l’électro en particulier pour les percussions. L’hybride, écartelé entre Tool et Porcupine Tree, semble perdre ses illusions. J’en arrive même à kiffer le chant death qui apparait sur le refrain éponyme (un truc que je déteste … sauf quand il est distillé à bon escient) et qui le renforce fort opportunément.
Pour sonner la révolte de Tithon contre ses créateurs avec son refus d’endosser leurs erreurs, les sonorités électro deviennent prépondérantes sur « Chrysalide », un peu à la façon de Demians avec là encore quelques incursions de chant death jamais outrancières. Les 2 derniers titres consacrent la chute d’Amaryllis avec un « E.O.S. » doomesque à la voix de synthèse et un « Imago » métallisé à bloc et au final surpuissant qui me laisse aphone à défaut d’être sourd (car ça serait dommage de rater ça !). Bon, j’ai quand même trouvé les growls de fin un peu too much.
Je termine cette chronique en partant à la recherche du lecteur perdu : m’as-tu retrouvé et surtout compris ? Dans le cas contraire, il ne reste qu’une seule chance de survie : faire comme ceux qui ont capté, à savoir te ruer sur Bandcamp pour t’immerger dans l’univers post-apocalyptique de Cathlight sous peine d’être condamné à croupir sous terre comme ces humains irresponsables du prochain millénaire.
Rudy Zotche
PS: A noter qu’en 2018, Catchlight a remasterisé Amaryllis avec un nouvel Artwork et de nouveaux graphismes.