« Camel perform The Snow Goose » : Live at the London Barbican Hall – Lundi 28 octobre 2013

Billet d’humeur : quand le management de Camel joue au chameau !

Mercredi 17 décembre 2014, je reçois un email de Youtube m’avertissant que le clip audio du titre « Dunkirk », posté par mes soins sur mon propre compte, et publié sous la chronique de l’album « The Snowgoose 2013 » dont il est extrait, a été supprimé. La raison ? Une réclamation sans préavis du management de Camel pour « violation des droits d’auteurs ». Les conséquences ? Blocage du compte Youtube en question, menace de suppression pure et simple en cas de « récidive », voire de poursuites judiciaires (!!!). Pour publier à nouveau sur le célèbre site web d’hébergement ou simplement consulter des vidéos, il aura fallu que je perde mon temps à visionner un tutoriel sur la législation en vigueur, puis que je réponde (avec succès) à un questionnaire « mise à l’amende » afin que ma modeste chaîne soit enfin réactivée. Je tenais donc à rappeler au groupe, à son management hyper courtois et communicatif (aucune réponses à nos multiples emails), mais aussi à vous toutes et tous qui nous lisez, que C&O, à travers cette démarche d’illustrer chaque article par un extrait audio (souvent disponible légalement sur le net via la production ou le groupe/artiste lui-même), ne fait pas dans la piraterie, mais dans la PROMOTION. Notre but de rédacteurs bénévoles et passionnés est avant tout d’aider ces mêmes groupes/artistes, souvent boudés par les gros médias traditionnels (comme un certain Camel, par exemple !), à élargir leur public, et en conséquence à vendre davantage de disques ou de fichiers en téléchargement. Aussi, nous trouvons complètement déplacée (malgré l’argument de la loi), et finalement assez méprisante, l’attitude du management de Camel, qui s’en prend à nous sans même chercher à dialoguer, alors que la chronique de l’album en question était pour le coup on ne peut plus élogieuse (10/10 par Bertrand Pourcheron !). Mais, comme nous ne sommes pas rancuniers chez C&O, nous publions, malgré cet épisode navrant, le live report du récent concert événementiel du chameau à Londres. Cela dit, à défaut d’être chameaux, nous ne sommes pas non plus des pigeons, et il n’est pas certain que vous lirez ici un jour la moindre info sur le prochain album de Camel en préparation, et encore moins son passage en revue. C’est bien dommage. A bon entendeur…

Philippe Vallin
Responsable de la publication
Pour la rédaction de C&O


 

« Camel perform The Snow Goose » :

Live at the London Barbican Hall – Lundi 28 octobre 2013

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Il est des rendez-vous qui ne se manquent pas, que nous ne pouvons manquer, que nous ne devons manquer. L’événement est de taille, incontournable, et tombe tel un couperet, mais sans mauvaise surprise, bien au contraire. Camel, via sa maison de production sise à Mountain View près de San Francisco, annonce un concert unique au Barbican Hall de Londres avec cette accroche : « Camel perform The Snow Goose ». Autant ne pas s’attarder : obtenir les billets, et les acquérir sans trop attendre. Et justement, parce que c’est prévisible, en quelques jours seulement, les réseaux sociaux aidant, toutes les places partent comme des petits pains : « sold out » le concert du lundi 28 octobre 2013 ! Et rapidement la production d’organiser des dates supplémentaires et de monter une mini tournée européenne.

Pensez donc : pour beaucoup d’entre nous, la dernière fois qu’il nous avait été possible de voir Camel sur scène remontait à un autre 28 octobre (hasard de date ?), en cette année 2003, un mardi. 2003 : dix années d’absence, un long hiatus qui sentait presque la retraite définitive. Nous savions Andy Latimer gravement malade, fortement diminué, fatigué, ses préoccupations primordiales d’alors étant de se concentrer exclusivement sur la préservation de ses fonctions vitales. Et depuis quelques semaines, quelques bruits de coursive laissaient transpirer que Latimer irait beaucoup mieux et, cerise sur le gâteau, qu’il commencerait à reparler d’avenir, dont un créatif, sans écarter même la possibilité de remonter sur scène. Oui, dix années nous séparent de ce concert en la mythique salle du London Astoria, aujourd’hui détruite pour céder la place au futur projet Crossrail 2017. 2003, l’année du « Farewell Tour » avec un set principalement centré sur le dernier album studio en date, « A Nod And A Wink », dont le DVD « The Opening Farewell » immortalise la soirée du 26 juin au Catalyst Club de Santa-Cruz. 2003, l’année d’une jam session mémorable entre Latimer, Andy Ward et Doug Ferguson, où les hypothèses les plus probables commençaient à être émises de toute part. Puis… Les imprévus… Les hasards de la vie…

2013, dix années plus tard, c’est le grand retour de Camel : une mini tournée montée en Europe pour cet automne, un nouvel album studio nous proposant une relecture brillante de « The Snow Goose », une réimpression du dernier DVD, une extension planifiée de cette tournée pour 2014 et pour cette même année, un vrai nouvel album studio dont l’écriture serait terminée.

Lundi 28 octobre 2013. 19h15. Nous pénétrons dans un long couloir menant jusqu’au hall central à plusieurs niveaux. Le stand de merchandising quasi centré est pris d’assaut, mais par une force tranquille, organisée, civilisée : l’édition 2013 « revised » de « The Snow Goose » est bien disponible, entre autres. 19h40. Nous accédons à la salle de concert, sans précipitation, sans fouille, une hôtesse nous accompagnant jusqu’à nos places respectives où un programme nous attend sur chacune d’elles. Nous sommes au Barbican Hall, lieu où le London Symphony Orchestra a élu domicile, siège de la « grande musique », offrant une capacité de presque 2000 places assises, un petit luxe sur lequel nous ne renâclons pas. En vingt minutes, la salle est remplie. Il est 20h00. Précises. « Lights off » ! Feu nourri d’applaudissements dès l’arrivée d’Andy Latimer avec « standing ovation » de près de deux minutes. Tout un symbole : le respect artistique, l’absence trop longue, la résistance face aux imprévus, l’ensemble de l’oeuvre couvrant plusieurs décennies, oeuvre qui témoignera de son passage, qui lui survivra et qui perdurera dans le temps. Camel, sa musique, son unique membre fondateur présent. Les lieux vibrent déjà en harmonie, tout en acoustique soignée.

Comme à son accoutumé, dont nous sommes dorénavant familier depuis l’autre retour, celui marqué par la sortie de « Dust And Dreams », le groupe nous propose un set live bipartite. Nous nous en doutons. Nous le savons. Alors ? L’oie ou le parcours de l’oeuvre en premier ? À peine le temps de se poser les prémisses de cette question que déjà, dans le plus profond des silences, résonnent les bruits ambiançant le « grand marais », sons annonciateurs d’un nouvel envol du palmipède blanc-bleu. « The Snow Goose » donc, présenté ici en cinq mouvements (par rapport aux quatre de la version originale) pour une durée globale dépassant les cinquante minutes :

1st set – The snow goose (revised 2013 Edition) – 50 mn :

1st movement :
01 – The Great Marsh
02 – Rhayader
03 – Rhayader Goes to Town
2nd Movement :
04 – Sanctuary
05 – Fritha
06 – The Snow Goose
07 – Friendship
3rd movement :
08 – Migration
09 – Rhayader Alone
4th movement :
10 – Flight Of The Snow Goose
11 – Preparation
12 – Dunkirk
5th movement :
13 – Epitaph
14 – Fritha Alone
15 – La Princesse Perdue
16 – The Great Marsh (reprise)

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Dès le 1er mouvement, la présence des claviers est beaucoup plus accrue, avec une harmonie nettement plus notable dès l’entrée de la flûte traversière. La rythmique est perçue avec un tempo semblant à peine plus lent. Même si l’oeuvre originale est bien présente, ce sont bien plus que quelques subtilités que nous détectons. Le thème d’ouverture de « Rhayader Goes To Town » sonne plutôt dans le même esprit que celui que nous avons pris l’habitude d’écouter lors de précédentes prestations. Si certains timbres veulent résolument rester dans la veine « vintage », certaines nappes de claviers sont rendues avec beaucoup plus d’actualisation. Le solo « floydien » a lui aussi subi quelques métamorphoses, avec un plus long développement. Du coup, nous prenons un réel plaisir à cette nouvelle écoute qui se déroule de façon naturellement plus attentive.

C’est dans l’exécution du 2ème mouvement que le premier vrai changement se fait entendre dès Sanctuary, notamment dans l’approche et la présentation nous préparant à l’entrée de la mélodie par la guitare, thème se modifiant par la suite en un dialogue à trois : basse, batterie en demi-teinte et pizzicati de cordes par les claviers. Notables variations ici aussi dans le 3e mouvement. Énorme appui de la batterie dans Migration avec une section ajoutée : une rupture dans le morceau par la flûte et les claviers évoquant « Dust And Dreams » avec quelques clins d’oeil aux univers spécifiques de « Mirage » et de « Moonmadness ». Le retour au thème original vient clore ce break. Quasiment le même scénario est à noter sur Rhayader Alone avec un changement encore très empreint de « Dust And Dreams » se clôturant par un renvoi au motif préalablement exposé. Le 4e mouvement est introduit par une séquence en boucle, annonçant le thème principal de « Flight ».

« Preparation » a également subit une relecture consistant en une réverbération sur la structure répétitive provoquée par la guitare, les touches de claviers en nappes et les bruitages de fond. Ce 4e mouvement se termine par une pièce de choix, « Dunkirk », en un magnifique crescendo, évoquant les « Cris De L’Enfer ! » dans les Djinns de Victor Hugo. Les patterns de Denis Clement sont ici très soignées, avec un final tout en feu d’artifice. Pour le 5ème et dernier mouvement, chaque morceau baigne dans une atmosphère qui lui est propre : telle une pièce « classique » ou comme un score d’un film pour « Epitaph », avec un clavier très intimiste pour « Fritha Alone », plus orchestral pour « La princesse Perdue ». Et « The snow Goose » de se conclure par la reprise de « The Great Marsh » : cette oie des neiges nous est revenue rajeunie, revigorée, encore ranimée par ce tout précieux envol vers quelques nouveaux horizons lointains, et pourtant si proches.

Petite pause de vingt minutes. Autant vous présenter les musiciens. Nous avons droit au trio « dur » depuis la dernière tournée : Andrew Latimer (guitars, traverse flute, keyboards, vocals, founding member since 1971), Colin Bass (bass guitar, acoustic guitar, vocals, since 1979) et Denis Clement (drums, percussion, bass guitar, since 2000). Avec le retour, suite à un bref remplacement par Ton Scherpenzeel en 2003, de Guy LeBlanc (keyboards, backing vocals, since 2000). Et le nouveau membre : Jason Hart (keyboards, backing vocals, acoustic guitar, since 2003), également connu pour faire partie de Renaissance depuis 2009.

Quelques autres petites réflexions en vrac et en marge de la musique durant cette pause… Déjà, l’horaire annoncé du début du concert est respecté à la seconde près : pas de fameux « quart d’heure bordelais ». Absence quasi totale de petits écrans de cellulaires aériens captant l’événement pour un futur rendu à l’image floue et tremblotante et au son résolument pourri venant overdoser les YouTube et consorts dans la série « J’y étais ! ». De toute façon, quelques pictogrammes omniprésents invitent à ce respect afin de ne point gêner les spectateurs placés derrière. Les quelques rares aventureux sont délicatement rappelés à l’ordre en une tape amicale : « Disziplin, Otto, Disziplin ! ». Pas de rires systématiques à chaque fin de phrase : nous sentons qu’il n’y a pas de barrière linguistique (j’ai gardé le souvenir du concert parisien au Café de la danse, lors du « Harbour Of Tears » Tour où Andy eut droit à des rires totalement déplacés comme réponse à sa présentation du contexte de The Hour Candle). À noter également, loin du public latin qui aime chanter et danser, l’auditeur, ici, même si conquis d’office, écoute religieusement.

Et surtout, pour en revenir à la musique : quel endroit pour recevoir Camel ! La qualité sonore y est exceptionnelle. Et le cadre aussi d’ailleurs. Nous oeuvrons dans le faste et le confort nous choie avec la plus grande des attentions.

21h10. Place au second set. Déjà, le contenu :

2nd set – 70 mn :

17 – Never Let Go (Camel – 1973)
18 – Song Within A Song (Moonmadness – 1976)
19 – Echoes (Breathless – 1978)
20 – The Hour Candle (A song For My Father) (Harbour Of Tears – 1996)
21 – Tell Me (Rain Dances – 1977)
22 – Watching The Bobbins (Harbour Of Tears – 1996)
23 – Fox Hill (A Nod And A Wink – 2002)
24 – For today (A Nod And A Wink – 2002)

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Notez donc que toute la période 1978-1995 est occultée, ainsi que l’album « Rajaz ». Vous me direz : même « Mirage ». Mais nous pouvons nous permettre de subodorer que… Éventuellement… Comme rappel… Mais nous n’en sommes pas encore là… Je qualifierai le choix des titres de judicieux, un doux équilibre entre quatre morceaux appartenant à l’histoire du groupe, intemporels, suspendus, avec un « Tell Me » qui apporte sa touche surprenante parce que très rare en concert et parce qu’issu d’un album où d’autres chansons primeraient au premier abord (comme « Skylines », par exemple), et quatre autres pièces nettement plus récentes, allant quasiment par paire, dont un « Fox Hill » jubilatoire à souhait. Donc, pas de « Dust And Dreams », pas de « Nude », pas de Ice. Je vous confirme : nous pouvons vivre pleinement ce concert sans. Ce second set débute par un « Never Let Go » en électro-acoustique façon unplugged, afin d’apprivoiser le silence relatif de la pause. Mais rapidement, le groupe se met en place de façon plus électrique pour nous livrer toute une palette aux nuances par myriade.

Même si les morceaux sont restitués dans l’ensemble de façon très proche des compositions authentiques, nous notons quelques apports supplémentaires, éventuellement moins sur l’aspect créatif, mais plus sur le travail harmonique, déjà par la présence de deux claviers, sans compter les possibilités combinatoires des presets multitimbraux. C’est vraiment la signature du groupe sur scène, surtout depuis le « Dust And Dreams » tour, en la présence de Mickey Simmonds, sans parler des autres claviéristes qui ont parcouru l’histoire : Jan Schelhaas, Dave Sinclair, Kit Watkins, Chris Rainbow, Ton Scherpenzeel, et maintenant Guy LeBlanc et Jason Hart. Évoquons aussi l’interchangeabilité des musiciens dans la mesure où chacun pratique au moins deux instruments différents lors du set.

Pour des raisons de coût locatif de cette magnifique salle, pressant par conséquence le timing au plus serré, le groupe ne nous jouera pas ce soir-là Air Born (Moonmadness – 1976) juste après « Song Within A Song », ni « Mystic Queen » (Camel – 1973) pas plus que « Wait » (« I Can See Your House From Here » – 1979) à la suite de « Tell Me ». Nous avons tout de même pu voyager dans l’historique primordial du combo avec « Never Let Go », dans les indispensables classiques avec « Song Within A Song, Echoes » et « Watching The Bobbins », dans l’effet garanti avec « Tell Me », dans la joie intense avec « Fox Hill », et dans l’émotion brute, pure et intacte avec « The Hour Candle » et « For today ». Nous pouvons dire que cette exposition de pièces parmi tout leur répertoire a très bien joué son rôle essentiel et nous a plus qu’amplement comblés.

Encore – 13 mn :

25 – Lady Fantasy : Encounter / Smiles for you / Lady Fantasy (Mirage – 1974)

Et bien évidemment, la touche finale, classique, prévisible, et complètement attendue : « Lady Fantasy » en rappel, en unique rappel.

22h35. Les lumières se rallument. Nous restons en place, mon épouse et moi, comme si nous cherchions à lire la dernière ligne du générique de fin. « The snow Goose » est un peu notre album, celui qui nous accompagne depuis toujours, une partie de l’histoire qui s’entrecroise, cette musique dans notre vie, notre vie dans cette musique. Nous venons d’assister à un événement rare, précieux, durant un instant déterminé.

Ce soir-là, l’ombre de Pete Bardens aura plané au-dessus de nous. Comment oublier son apport créatif jusque dans les moindres mesures de « Breathless », voire dans Sasquatch ?

Ce soir-là, le concert a été enregistré. Il nous sera donc possible de faire perdurer cette magie dans notre intimité. Ad vitam…

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En la mémoire de Peter Bardens (19 Juin 1944 – 22 Janvier 2002), claviériste et membre fondateur de Camel. We miss you already!

Éric Salesse

Photos du concert : Rob Goody (avec nos remerciements)

http://www.camelproductions.com/

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