Autechre – Lp5

Lp5
Autechre
1998
Warp Records

Lp5

Ma première confrontation avec le duo de Sheffield (le terme « expérience » ne me parait pas à propos), ce fut « Lp5 » et sa pochette, sobre et minimaliste. Autant dire que le ravalement de façade fut douloureux. Imaginez la surprise du néophyte lorsqu’il tombe là-dessus ! Avant, il y avait Aphex Twin dans l’inconscient collectif. Et puis, on découvre Autechre, son esthétique de la fragmentation, ses particules et autres protons menant une danse frénétique sur une toile spatiale, cette structure des morceaux donnant l’impression d’avoir été conçue lors d’un bug maousse d’un ordinateur en fin de course, ces noms de titres qui ne veulent rien dire, cette déconstruction rythmique affolante (incroyable « Acroyear 2 ») et paradoxalement si prenante et hypnotique (« Rae » ou « Under BOAC »). Cela va tellement plus loin, que ce soit dans ces mélodies éthérées, ces ralentissements et autres allongements de séquences ne laissant qu’une peau, dernier conducteur d’énergie et d’émotion aussi lointaine soit-elle (la fin de « Vose In »).

L’électronica se fait abstraite, étrange et non moins fascinante. Elle travaille la spatialité du son, ce qui équivaut à refaire à neuf l’installation hi-fi. On a cette impression, tenace que tout cela est l’œuvre d’androïdes et, pourtant, on ne peut nier apport humain à cette entreprise. Il en reste une fibre qui parcoure l’échine mécanique de cet album, comme ces voix triturées inintelligibles ou ces vagues relents de rythmes épurés hip-hop et techno.

Alors on pourra toujours dire que « Lp5 » fonctionne de manière quasi autarcique vis à vis de celui qui l’écoute. Ou peut-être notera-t-on des longueurs intellectualisantes (« Caliper Remote » et son côté musique électroacoustique post-futuriste) et physiques (« Arch Carrier », dispensable). Cependant, rien n’enlève cette sensation d’être sur une surface tridimensionnelle vierge, poussant la logique de musique électronique dans les retranchements les plus conceptuels avec le superbe « Drane2 », un petit bijou en soi où l’expérimentation (car c’est bien de ça qu’il s’agit) ne se prive pas de narration, nous contant une histoire.

Alice au Pays des Merveilleuses Machines ?

Jérémy Urbain (8/10)

http://autechre.ws

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