Wolves In The Throne Room – Celestite
Wolves In The Throne Room
Artemisia Records
Pour faire du black metal, rien de tel que de se poser en forêt, question d’inspiration. Comme ça, on est plus proche de Dame Nature, enfin, ce qu’on en dit hein !? Même si je me demande ce que madame pense de ces drôles de gugusses grimés d’outre-tombe. Mais bon, c’est un autre sujet. Pour faire cette musique vénéneuse donc, l’une des plus noire jamais créée, il est question d’ambiance, de vapeur délétère, de production rachitique, de souffle glacial, bref, d’un sentiment d’abandon total. Wolves In The Throne Room, c’est déjà un goût particulier sous le palais. Des américains qui viennent du hardcore straight-edge et qui se mettent à faire du black metal tendance atmosphérique, comme des gros hippies mais sans Charles Manson. On dira ce qu’on veut, ce n’est quand même pas banal. Alors, après quelques albums, forts appréciables au demeurant, les gugusses se disent que ça ne sent pas encore assez le champignon. Logiquement, ils en rajoutent une couche qui asticote les narines. Et c’est là, précisément, que ça devient intéressant.
Ce « Celestite », qui a fait couler pas mal d’encre à sa sortie, est d’une simplification toute relative, de la forme, mais une épuration radicale des moyens. Fini le chant, plus de batterie, ni tempo. Plus rien, sauf… Cette ambiance, glaciale, cosmique, un son spectral, sans attache, sans corps, ni piédestal, au milieu des barbes et cheveux longs. Alors, maintenant, si vous cherchez un angle d’écoute, pensez à Tangerine Dream et Klaus Schulze première époque, Popol Vuh ou encore Vangelis. Voilà, vous savez de quoi regorge « Celestite ». Vous le sentez ? Le retour dans les années 70, l’analogique, le grain qui crache, les sons désuets mais rugueux, scintillants comme les effets spéciaux des vieux péplums italiens. Déjà, ça me plaît bien. Quelque part, écouter cet album, c’est un peu comme si je voyais la « stop motion » de Ray Harryhausen. Je sais que c’est ringard, mais la magie opère quand même, le côté nostalgique, le travail artisanal et besogneux.
Le sourire en coin se mue graduellement en une expression plus concernée, et une fois que l’on sait que ce n’est pas du black, que les intros (bien longues) sont les développements narratifs, on peut se laisser pleinement envoûter par « Celestite ». Et le visuel met bien dans l’ambiance : du champignon, des confréries cosmiques forestières bleutées partout, et un petit côté Lovecraft. Parce que prendre certaines substances, ça te fait voir autre chose que des spirales, sans oublier que Yog-Sothoth n’est jamais bien loin, le rascal ! Rajoutez à cela quelques guitares drone, l’autisme façon Sunn O))), des sons de cornes et trompettes, des mélodies qui s’insèrent, et on obtient LE disque d’ambient avec une évolution et des circonvolutions.
« Celestite » ne sombre pas, ne stagne pas, il évolue. Et, résultat, il enterre tous ces pseudo-disques d’ambient électronique pour progueux. Musicalement ? Chaque titre est une découverte et un voyage. Des mélodies cinématographiques, un côté rétro assumé (bien que ce soit la mode ces derniers temps) mais qui fonctionne parfaitement sans que l’on ne sache réellement pourquoi. Respectueux du genre sans le côté « je-prend-la-pose-devant-mes-synthés », hors des canons « intello-drone » et à mille lieues des adeptes du passéisme électronique, « Celestite » fait presque office de courant d’air frais.
Maintenant et dans quelques années, il aura le même statut incompréhensible, et « What The Fuck », tout en mettant un bon gros doigt à la face d’une f(r)ange exaspérante. À partager entre personnes de bonne compagnie, comme un bon gros « oinj » avec une bière belge en pression !
Jérémy Urbain (8,5/10)