Timothy B. Schmit – Day By Day
Benowen Records
2022
Thierry Folcher
Timothy B. Schmit – Day By Day
Les fans des Eagles connaissent bien Timothy B. Schmit, ce discret californien débauché de Poco à la fin des années 70 pour remplacer Randy Meisner à la basse. A ce sujet, si vous ne connaissez pas encore Poco et que vous êtes fan de country rock, je vous encourage vivement à combler cette lacune, tellement sa musique est sincère, loin des tergiversations et des tourments de la bande à Henley. Timothy B. Schmit n’enregistrera que deux albums studio avec les Eagles (The Long Run en 1979 et Long Road Out Of Eden en 2007) mais cela lui suffira pour pondre l’incontournable « I Can’t Tell You Why », assurément une des plus belles chansons du groupe et un rendez-vous immanquable sur scène. Une fois n’est pas coutume, je vais rentrer « tout de go » dans ce Day By Day, septième livraison solo de l’ami Timothy. Cela démarre très fort par « Simple Man », certainement une des plus belles choses que j’ai entendues depuis longtemps. J’ai été estomaqué par la beauté de ce titre qui m’a de suite fait penser à Fleetwood Mac. Le rythme syncopé et le son de guitare me renvoyant à coup sûr vers ce quintet de légende, pourvoyeur de hits et concurrents désignés des Eagles à l’époque. Je ne fus donc pas surpris de constater que Lindsey Buckingham « himself » officiait à la guitare sur ce morceau. Quel toucher, les amis ! Une souplesse remarquable dans un style peu commun mais drôlement efficace. Et histoire d’enfoncer le clou, la voix douce et raffinée de TBS fera le reste. En fait, trois fois sa voix à l’unisson comme pour les habituelles harmonies vocales des Eagles. Cette chanson est parfaite, tellement parfaite qu’elle va faire un peu d’ombre au reste de l’album. Mais bon, on prend quand même les onze titres suivants car ils recèlent, eux aussi, de fort belles émotions.
Cela dit, j’envie celles et ceux qui vont découvrir « Simple Man » pour la première fois, un peu comme une première gorgée de bière, unique et savoureuse. Changement d’ambiance avec le rythme plus soutenu de « The Next Rainbow » et ses sympathiques backings (Donna de Lory et Jeddrah). Sur ce titre, TBS déploie un voile funky très grisant et lance de pétulants cuivres Motown (David Ralicke) qui font vibrer le corps et l’esprit. Alors, même si ce morceau s’écoute avec plaisir, il n’est pas aussi marquant que son prédécesseur, c’était à prévoir. Heureusement, les sept minutes de « Heartbeat » vont réorienter le curseur vers le haut. Je ne sais pas vous mais par instants j’ai l’impression d’entendre chanter Michaël Jackson. Je me suis mis ça en tête et à chaque écoute, j’en suis de plus en plus convaincu. Hormis quelques préférences évidentes, je passe un très bon moment avec Day By Day et ses chansons intemporelles gorgées de soleil et d’ondes positives. La vie devrait ressembler à ça, prendre les événements au jour le jour (day by day) sans ressasser le passé ni craindre l’avenir. Vous vous rappelez du groupe America ? Eh bien c’était un peu la même chose à tel point que « Something You Should Know » aurait très bien pu figurer dans leur répertoire. Guitares acoustiques omniprésentes, chœurs aériens et percussions légères qui se succèdent et se complètent avec un enthousiasme bluffant. Et pourtant TBS est tout seul sur cette confession à cœur ouvert qui s’achève par un soupir bien compréhensible. Je dois revenir sur « Mr.X » et « Question Of The Heart » que j’ai sautés allègrement. Le premier, assez quelconque mais sauvé par un dévastateur solo de guitare signé Errol Cooney et le second que je vois comme une autre pépite du disque. Ce country picking agrémenté d’harmonica est une pure merveille qui vous sortira de la mélasse ambiante et viendra corroborer le sentiment de lâcher prise dont je parlais plus haut. Ce n’est qu’une question de cœur chante Timothy et il a mille fois raison.
TBS prend son temps, les titres s’enchaînent lentement avec la nette impression que rien ne peut perturber l’homme dans son job. Les morceaux tournent autour des cinq, sept minutes pour certains et abordent tous les genres, toutes les structures. A presque 75 ans, TBS ne craint plus rien et nous en sommes les premiers bénéficiaires. « I Come Alive » : « je revis, je me sens à nouveau moi-même », voilà les mots puissants et répétitifs de ce reggae au charme instantané et à la rythmique vocale séduisante. Et puis, « Feather In The Wind » va nous porter dans une atmosphère ouateuse, propre à la rêverie et à la paresse. Cette « plume au vent » donne l’occasion à Timothy de composer une chanson au charme suranné certes mais tellement belle et efficace. Le temps et l’espace n’ont plus d’emprise sur nous et le voyage vers une Californie fantasmée est à portée d’oreilles et de cellules grises bienveillantes. On en arrive au dernier tiers de l’album et le niveau va flancher un petit peu. Le classique « Grinding Stone » envoie un message roots où l’héritage est parfois dur à assumer. L’accordéon et le violon sont à la manœuvre pour authentifier cette ode au passé et aux fondements qu’il faut préserver. Bizarrement, c’est pour moi une des chansons les moins convaincantes du disque, peut-être en raison de son côté sérieux et de son manque de souffle. A noter sur ce titre la présence de John Fogerty et de Jackson Browne aux backings, mais de façon assez discrète, voire inutile pour ces deux monstres sacrés. Pareil pour le traînard « Taste Like Candy » et ses violons sirupeux. Un enrobage un peu trop sucré malgré les jolis passages à la guitare de Kenny Wayne Shepherd. La virée dans les années 60 de « Conflicted » est pour sa part un peu trop prévisible et fait office de remplissage sans grand intérêt. Reste « Where We Belong » au gros son de guitares saturées pour finir sur une bonne note et relever l’animal blessé. Et c’est chose faite grâce à cette belle composition pleine de groove et à Will Ivy dont la guitare perforante fait du bon boulot.
Il me faut rameuter les fans des Eagles (mais pas que) et leur annoncer que le dernier Timothy B. Schmit comporte des moments de grands frissons qu’ils auraient bien tort d’ignorer. La voix de « I Can’t Tell You Why » et de « Love Will Keep Us Alive » ressuscite sur ce Day By Day de très bon niveau même si (pour moi) le petit coup de mou sur la fin est un peu dommageable. Les albums solo des membres et ex-membres du groupe de Los Angeles sont bien trop peu courants pour être boudés et quand la qualité est là, il faut foncer, ne serait-ce que pour « Simple Man ».
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