The Limiñanas – Shadow People
Because Music
2018
The Limiñanas – Shadow People
The Limiñanas fait de la musique depuis un bon bout de temps déjà. Ce duo perpignanais composé de Lionel et Marie Limiñana est à l’origine d’un phénomène underground assez intéressant. En effet, il a réussi à exister (modestement) non pas en France, mais aux Etats-Unis, grâce à des labels américains ! Remarqué par des groupes comme Franz Ferdinand, The Limiñanas n’avait pas vraiment décollé ici. Il a fallu attendre l’avant-dernier album, Malamore, pour voir commencer à s’allumer la flamme par chez nous. Mais c’est réellement avec ce cinquième opus, Shadow People, produit par Anton Newcombe, le leader des Brian Jonestown Massacre, rien de moins, que The Limiñanas se fait connaître. Si vous aimez la musique psyché années 60, le rock, le garage et les choses un peu décalées, The Limiñanas va vous faire vibrer. Shadow People s’inscrit véritablement comme une bande-son d’un film au son tranchant, imposant une patte définitive qui assoit le duo sans demi-mesure dans la sphère des artistes qui comptent.
« Ouverture » en est le générique, une cadillac roulant sous un ciel bleu roi, des cheveux longs de femme ondoyant dans l’air, alors que la route sans fin du désert se déploie à perte de vue. Guitares en avant, rythmique soutenue, sitar magistrale, un grand voyage commence. « Le Premier Jour » ressemble à un trip gainsbourgien, aérien et à l’ombre des volutes de fumée de l’artiste, tandis que la voix grave de Lionel emporte l’auditeur. La chanson est une vignette instantanée, fulgurante de maîtrise. Puis vient l’enchaînement des invités de ce disque. Anton Newcombe en tête pour « Istanbul Is Sleepy » où l’on se retrouve plongé avec bonheur dans le psyché 60’s. Une musique envoûtante où l’on se perd volontiers. Emmanuelle Seigner (qui était vraiment excellente chez Ultra Orange) fait ici son retour avec « Shadow People », trip 60’s hallucinant, tirant sur les harmonies Beatles. Le clou de l’album, c’est véritablement avec Bertrand Belin qu’on le trouve. Son « Dimanche », complètement absurde et décalé, est un régal purement jouissif sur une musique urgente et « velvetienne » en diable. Peter Hook intervient à la basse sur le très new wave « The Gift » sur lequel errent les ombres de Joy Divison, New Order (les groupes de Peter Hook en fait !) et The Cure. Un pur moment de bonheur. Tout comme l’instrumental « Motorizatti Marie », dynamique et qui fout la pêche. Il faut apprécier cette musicalité, ces nuances qui montrent que le duo sait travailler ses titres et en tirer toute la substance subtile et épicée qui en font tout le charme. Une autre vignette de charme très 60’s se dévoile avec le suave « Pink Flamingos », tout en douceur, où on a l’impression que tout se passe sur un nuage. On pense au Pink Floyd de Syd Barrett. « Trois Bancs » retrouve le chanté parlé de Lionel sur une musique entêtante. Le fantôme de Gainsbourg plane, comme nous d’ailleurs. Enfin, « De La Part Des Copains » achève ce trip en proposant un générique de fin façon western. On peut aussi se permettre de penser à La Maison Tellier en écoutant ce morceau.
Hallucinant de maîtrise, Shadow People propose un voyage musical qui revigore, qui transporte et nous fait regretter de ne pas avoir connu The Limiñanas plus tôt ! Comme tous les bons albums, il est trop court et ne donne qu’une envie : le repasser pour se refaire le film, se retrouver à nouveau projeté dans cette bulle onirique salutaire et enchanteresse. A savourer.
Fred Natuzzi