The Doobie Brothers – Walk This Road

Walk This Road
The Doobie Brothers
Rhino Records
2025
Thierry Folcher

The Doobie Brothers – Walk This Road

The Doobie Brothers Walk This Road

Écouter les Doobie Brothers en 2025, je ne crois pas que l’on puisse faire plus cool. Et lorsque la célèbre formation californienne nous propose « de suivre cette route » (Walk This Road), le seul mot d’ordre est d’accepter l’invitation sans la moindre hésitation. D’autant plus, que si cette route ressemble à celle de la pochette, c’est presque en courant qu’il faut y aller. C’est vrai qu’il est beau ce paysage nord-californien illustrant leur seizième production discographique. Franchement, on aimerait bien s’y installer pour écouter les dix titres d’un album qui fleure bon l’Amérique, les années soixante-dix et une tradition rock insufflée par un groupe qui étonne encore par sa présence et son énergie. Pas de doute, avec les Doobie Brothers, on ne risque pas de s’ennuyer. Leurs prestations sur scène et sur disques sont de véritables performances qu’il faut se passer en boucle sur tous les supports audio/vidéo possibles. On en ressort le plus souvent groggy, mais tout heureux d’avoir reçu sa dose de good vibes. La fraternité chez les Doobie, c’est avec la marijuana qu’elle s’est construite, d’où leur sobriquet de Doobie Brothers (littéralement : les frères « joint »). Une histoire commencée par une belle partie de « défonce », mais qui se révélera riche en succès et en périodes artistiques très diverses. Les bio ne manquent pas et les reproduire ici ne servirait à rien. Je veux juste rappeler que des titres comme « Listen To The Music », « Long Train Runnin’ » ou « Minute By Minute » sont profondément ancrés dans la mémoire populaire et continuent encore à soulever les foules. Sur ce nouvel album, la paire des débuts composée de Tom Johnston (guitare, chant) et de Patrick Simmons (guitare, chant) est toujours là. Deux musiciens de grand talent auxquels s’ajoutent le revenant Michael McDonald (claviers, chant) et le non moins précieux John McFee (guitare), eux aussi membres anciens du groupe.

Un quatuor de rêve, qu’il ne faut surtout pas minimiser malgré le poids des ans. Les dix chansons de Walk This Road sont de très bon niveau et parfaitement mises en boîte par un John Shanks (Bon Jovi, Sheryl Crow, Alanis Morissette…) très à l’aise avec le son Doobie Brothers. Mon premier contact avec ce disque, je l’ai eu en écoutant « Learn To Let Go », un titre de toute beauté sur lequel Michael McDonald ressuscite son « blue-eyed soul » qui avait tant charmé la planète rock lors de son arrivée dans le groupe en 1976. Croyez-moi, ce fut un choc de réentendre cette voix unique et cette façon toute particulière de chanter les moments intimes de la vie. Ici, c’est l’apprentissage du lâcher-prise qu’il adresse avec compassion à tous ceux qui ont vécu des peines de cœur insurmontables. Je sais, ce n’est pas très nouveau, mais chanté de cette manière, c’est une tout autre affaire. Ici, le temps s’arrête et le message atteint sa cible, immanquablement. Et puis, il ne faut pas oublier que sur ce titre, l’accompagnement musical est tout simplement incroyable. On est sur du velours, de la douce ondulation rythmée par des chœurs célestes et un tempo que je qualifierais d’idéal. Ni trop lent, ni trop poussé. Cela paraît simple, mais il faut posséder de sacrées qualités pour arriver à un tel résultat. Inutile de rappeler que The Doobie Brothers est une formation vocale par excellence. Parmi nos quatre compères, trois sont de très bons chanteurs, capables d’évoluer dans un même registre tout en possédant des voix différentes. On s’en rend véritablement compte en écoutant la chanson-titre « Walk This Road » qui ouvre l’album et qui voit se succéder chaque membre du groupe au micro. Une belle façon de (re)prendre contact avec eux. Sans oublier l’apport non négligeable de Mavis Staples pendant ces quelques minutes de gospel absolument irrésistibles.

The Doobie Brothers Walk This Road Band 1

Bien entendu, la chanson « Walk This Road » est à prendre au sens métaphorique. Ici, elle propose de nous amener vers les bons sentiments et la bonne direction à prendre dans la vie. Chanter, c’est bien, mais quand on est chez les Doobie Brothers, on sait d’avance que les guitares vont nous cisailler sur place. Difficile de rivaliser avec un tel potentiel et si, en 2025, le public n’a toujours pas perdu son enthousiasme, ce n’est pas par hasard. Tom Johnston et Patrick Simmons sont de très bons guitaristes et les solos de qualité ne manquent pas. Pour notre plus grand plaisir, les trois acteurs principaux vont se partager équitablement les chansons, tant dans l’écriture que dans l’interprétation. Trois pour Simmons, trois pour Johnston, trois pour McDonald plus une dernière où ils apparaissent en commun (« Walk This Road », on vient de le voir). À telle enseigne que la question : « Qui fait quoi ? » ne se pose même pas. Sur le superbe « Angels & Mercy » par exemple, c’est Patrick Simmons qui est à la plume, au chant et à la six cordes. Pareil pour « Call Me » où c’est au tour de Tom Johnston d’accaparer l’intégralité de la chanson. De telle sorte que l’auditeur saura toujours à qui il a affaire. Par ailleurs, la grande force du groupe (depuis son origine) est de savoir manipuler les mélodies pour en faire de puissantes machines à investir nos cerveaux. Il suffit d’écouter une seule fois une chanson pour être capable de la fredonner. Je peux vous assurer que le démoniaque « Here To Stay », écrit par Tom Johnston en fait partie. Ça commence par un solide chant choral qui propulse le titre vers une allure funky des plus seyantes. C’est percutant tout en étant sensuel, avec cette façon imparable d’aboutir à un hymne qui soulèvera le public lors des concerts. Justement, l’étroitesse du format studio ne demandera qu’à exploser sur scène afin de révéler le formidable potentiel d’une chanson désormais bien vissée dans nos neurones.

Walk This Road est très riche, chaque titre possède sa propre personnalité et l’équilibre est rigoureux. Chaque face du vinyle se termine (volontairement ?) un peu de la même façon. La première avec « State Of Grace » dont le ton compatissant rejoindra celui de « Lahaina » sur la seconde. Si bien que la musique de Patrick Simmons nous semblera très proche sur ces deux chansons. À la différence près que « State Of Grace » s’adresse à un individu et « Lahaina » à tout un peuple. La force de l’écriture réside alors dans cette capacité d’être convaincant en toutes circonstances. Deux passages très émouvants, surtout le deuxième qui revient sur le gigantesque incendie de 2023 qui a quasiment rayé de la carte la ville de Lahaina sur l’île de Maui à Hawaï (voir la vidéo ci-dessous). Un très beau texte soutenu par une musique poignante sur laquelle Michael McDonald nous gratifie d’un joli solo tandis que Mick Fleetwood à la batterie, Jake Shimabukuro à l’ukulélé et Henry Kapono au chant complètent une affiche haute en couleur. Je fais le bilan de mes impressions et je me rends compte que beaucoup de choses restent à commenter. Notamment, l’importance des cuivres sur « Call Me », les nuits fantasmées de « New Orleans », les accents reggae de « The Kind That Lasts », la présence de Pino Palladino à la basse, la qualité des percussions de Victor Indrizzo, l’implication artistique de John Shanks ou tout simplement l’indispensable travail de John McFee que j’ai peut-être un peu trop laissé de côté. Beaucoup de choses qui demandent de l’attention et que je vous laisse découvrir à votre guise et avec vos propres perceptions.

The Doobie Brothers Walk This Road Band 2

La concision dans les chroniques est certainement une qualité qui doit s’appliquer le plus souvent possible pour ne pas perdre le lecteur. Mais la sobriété et le dépouillement ne font pas bon ménage avec un album tel que Walk This Road. Si nos amis des Doobie Brothers ont mis autant de matière, de passion et d’enthousiasme dans ce disque, c’est qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Leur carrière est loin de ressembler à une succession d’œuvres stériles à consommer frugalement. En définitive, seize albums en plus d’un demi-siècle n’est pas, à proprement parler, une performance. Cela dit, les décennies pauvres en sorties studios ont été largement compensées par des tournées quasi ininterrompues. Le public a toujours répondu présent et des publications comme Liberté en 2021 ou ce tout dernier Walk This Road doivent être vues comme des offrandes faites à toutes ces années de rencontres où le seul mot d’ordre était de procurer de la joie autour de soi. Walk This Road s’inscrit sans peine dans cet état d’esprit et méritait bien que je m’y attarde plus que de coutume.

Coup-de-Coeur

https://thedoobiebrothers.com/

 

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