The Climate Stripes – Debut

Debut
The Climate Stripes
Dalemedia Records
2022
Thierry Folcher

The Climate Stripes – Debut

The Climate Stripes Debut

Au milieu de nouveautés auxquelles je n’ai pas vraiment adhéré, je suis tombé par hasard sur cet album de 2022, perdu et certainement oublié par beaucoup d’amateurs de musique, peu enclins à se détourner d’un droit chemin bien balisé et tapageur. Quelle idée de vouloir vous parler de The Climate Stripes et de leur unique album connu à ce jour, le bien nommé Debut ? Primo, parce que je l’ai écouté (et réécouté) du début à la fin sans interruption et secundo, car je me suis retrouvé avec de drôles de sensations mariant Chris Rea avec le Floyd ou Clapton avec Joe Bonamassa. Du blues/rock old school en fait, sans compromis ni arrière-pensées. Ce que nous sert The Climate Stripes est à prendre au premier degré, avec juste le plaisir d’écouter une musique d’une simplicité confondante et d’un attrait quasi immédiat. Le genre d’album qui pose la question de savoir si la vaine recherche du dernier truc apte à soulever les médias est plus importante que le confort d’une musique, certes ressassée, mais ô combien agréable et parfaitement interprétée. Car, c’est peu de le dire, mais ce sympathique trio, originaire de la banlieue de Manchester, est particulièrement bien affuté et n’a de leçons à recevoir de personne. Le chant et la guitare de Mark James Ross sont d’une grande maîtrise, tout comme la paire rythmique composée de Pete Moran à la basse et d’Harvey Rogerson à la batterie.

Les images sur le net montrent un groupe mature, beaucoup plus rageur sur scène que sur disque et dont le power trio peut s’élargir avec succès de comparses supplémentaires. Drôle de métamorphose et grande aisance prouvant un passé de musiciens rodés et accomplis. Ces quelques séquences filmées ont été édifiantes dans le sens où mon attrait pour The Climate Stripes était juste la confirmation que rien ne peut remplacer les formes basiques d’une musique qui n’a pas besoin de se travestir pour être attirante. De temps en temps, J’aime bien sortir des sentiers battus, mais il faut que ça vaille le coup et que ce soit réussi et sincère. Sinon, ce sont des gens comme The Climate Stripes qui me fournissent les bonnes vibrations compensatoires, nécessaires à maintenir ma foi intacte. Je reste persuadé que cette musique éternelle ne passera jamais de mode et survivra à bien des phénomènes tape-à-l’œil sans lendemain. À présent, découvrons ensemble Debut et ses dix morceaux, entièrement écrits et produits par Mark James Ross aux Dalemedia studios de Rochdale. Le scénario, cousu de fil blanc, commence par une descente orgiaque intitulée « Invisible ». Quoi de mieux que le blues pour conter cette dérive volontaire et jubilatoire ! « I just wanna get me down and dirty » (je veux juste me mettre à terre et me salir) chante Mark avec une réelle volonté de provocation mêlée de déprime. Du blues classique dans le son et dans les mots, mais traité avec suffisamment de teintes pop/rock en vue d’attirer le plus de monde possible. C’est chaud, sensuel, légèrement râpeux et super bien ficelé pour mettre en orbite une guitare à l’évident pouvoir de séduction.

The Climate Stripes Debut Band 1

On poursuit l’aventure en compagnie de « Come Home » (rentre à la maison) et de son triste retour à la réalité. Une chanson aux mots suffisamment évocateurs pour nous conter le manque affectif d’une vie sacrifiée. « Cause I miss you, more than words could say » (Parce que tu me manques plus que les mots pourraient le dire). Là aussi, il n’y a pas mieux que le blues pour exprimer tout cela ! La guitare est en première ligne pour accompagner le chant de Mark, d’une extrême justesse et sans surenchère inutile. Les choses sont dites, point final, et la musique assure sa part d’émotion. Ici, les repères gilmouriens sont assumés et permettent à l’amateur de sensations progressives de se sentir au bon endroit. Vraiment jouissif et sans prétention. Lorsqu’on apprend que la suite s’appelle « Too Late For Lies » (Trop tard pour mentir) et « Why Did You Live Me This Way » (Pourquoi m’as-tu laissé comme ça), on a vite compris que l’histoire commencée par « Invisible » est loin d’être achevée. Des dérives existentielles qui sont un excellent terreau pour produire ces fameuses vibrations blues dont on ne se lasse pas. Je me permets d’insister aussi sur la qualité de l’enregistrement et de la mastérisation qui n’ont rien à envier aux plus grandes productions actuelles. Sur ces deux titres, les rythmes sont parfaitement rendus avec ce qu’il faut d’ornements et d’arrangements pour rendre l’ensemble très chatoyant. Par ailleurs, tous ceux qui suivent de près la carrière de Snowy White (Pink Floyd sur scène, Thin Lizzy), retrouveront ici le même travail léché et des similitudes dans l’approche du chant et de la guitare.

L’aventure continue avec le country jazz de « Long Time Old » dont les ondulations charnelles préparent une guitare aussi tranchante qu’un coup de sabre. C’est très classique, mais avec une touche personnelle qui renouvelle un peu le genre. Ensuite, on change de registre et de cadence pour « No Revolution », un titre qui rend hommage à John Lennon et à sa tragique disparition. Une superbe évocation qui commence par un extrait radio de l’annonce de son assassinat et se poursuit par un discours désabusé, mais joliment terminé par les accords de « Imagine ». Comme sur tout l’album, le souffle de la guitare remporte ce challenge haut la main et s’intègre à la perfection dans la douceur positive de « The Road ». Sur cette chanson, les premières notes et les premiers accords semblent nous être destinés tellement la proximité de la musique nous enveloppe et nous emporte irrésistiblement. Et puis, le climat redevient tendu et « Flesh & Blood » se sort les tripes pour nous parler de la tyrannie (surtout celle faite envers les femmes) qui sévit un peu partout dans le monde. La guitare est mordante, les accords acérés, la construction inventive et l’influence de Pink Floyd, plus que jamais présente. Des constatations qui me confortent dans l’idée que ce disque n’a pas eu l’éclairage qu’il méritait. Mieux vaut tard que jamais et Clair & Obscur est toujours là où on ne l’attend pas. Debut approche de la fin (celle-là, je ne pouvais pas la manquer) et l’introspectif « Light As A Feather (Jenny’s Song) » rencontre la musique folk pour brosser un tableau d’une sérénité de façade et dont la surprise à l’harmonica (très Neil Young) fait basculer l’album dans un tout autre univers. Enfin, c’est le cocasse « Look Under That Rock » qui termine la partition sur les chapeaux de roue en envoyant un shuffle du tonnerre, tout droit venu de la planète Mars (c’est le groupe qui le dit). Comme quoi, il ne manquait plus que de l’humour sur cet album pour être au top, voilà qui est fait.

The Climate Stripes Debut Band 2

Ma conclusion est en forme de gros point d’interrogation. Comment se fait-il que ce disque n’ait pas recueilli plus de suffrages et de soutiens ? Je sais bien que face à l’avalanche des publications musicales, les coups de projecteurs sont limités et se concentrent souvent sur des choses plus dans l’air du temps. Ce problème n’est pas nouveau et laisse régulièrement de petits trésors au bord du chemin. Mais, peu importe, il y aura toujours un affamé de blues ou de bons vieux rock’n’roll pour venir gratter ces quelques pépites oubliées. À noter qu’un deuxième album est annoncé pour la fin 2024, il y a donc de grandes chances pour qu’il soit sorti lorsque vous lirez ces lignes. Une bonne surprise qui vous permettra de poursuivre la découverte de The Climate Stripes grâce à une actualité plus récente. Cependant, il serait dommage de ne pas commencer par cet étonnant Debut, car il vaut vraiment la peine qu’on s’y attarde.

https://theclimatestripes.com/
https://theclimatestripes.bandcamp.com/album/debut

 

2 commentaires

  • Seb

    Merci pour la découverte. En mal de nouveauté blues rock je suis tombé sur votre chronique et bien m’en a pris ! C’est gilmourien et bien produit !
    Seb

    • Thierry Folcher

      Merci Seb, ce genre de retour fait toujours plaisir à lire. Par contre, le second album, annoncé pour la fin de l’année dernière, ne devrait paraître qu’en avril prochain. Son titre : Times Are Strange.

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