Soften – Les Heures Blanches
Soften
Murmuration Records
A l’instar de Porcupine Tree, qui n’est que le véhicule artistique d’un génie qu’est Steven Wilson, Soften reste le projet d’un seul homme : le Lausannois Nils Aellen. Après quatre disques chantés en anglais, parus entre 2006 et 2015, la formation helvète se risque au dévoilement pudique dans la langue de Molière. Ainsi, Les Heures Blanches marque un renouveau audacieux. Même si le maître de cérémonie vaudois maîtrise l’intégralité des compositions constituant cet album délicat et élégant, l’enregistrement a pu bénéficier de l’apport de musiciens de haute volée, concourant à transformer cet objectif amateur en réussite professionnelle qui n’a rien à envier aux meilleurs moments de Daho, Dominique A ou Jean-Louis Murat, pour ne citer que les références les plus prégnantes.
Une grosse douzaine de vignettes pop, fraîches et raffinées, parfaitement arrangées et produites qui combleront d’aise les amateurs du genre. Certes, et c’est bien naturel, les influences prennent parfois de la place : par bribes, on a vraiment l’impression d’écouter des pistes archivées et oubliées du jeune Daho, même si le timbre du Suisse apparaît comme bien différent, moins grave et plus aérien. « Première Neige » aurait pu figurer sur le magnifique Toboggan (2013) de l’Auvergnat Murat. Force est d’avouer que chaque titre constitue en soi une véritable pépite pop, mélodique et diablement paradisiaque. « Aurores » aurait pu devenir un tube jouissif si davantage de personnes avaient eu la chance de pouvoir l’ouïr. Il est étonnant d’avouer que la musique de Soften, si elle semble parfois citer la magie des légendes qui l’auront inspirée, présente une unité stylistique parfaitement assumée et étonnante chez un si jeune compositeur. Nils a beaucoup écouté, beaucoup aimé, beaucoup joué, probablement beaucoup travaillé et beaucoup créé avant de pouvoir avoir la fierté d’offrir au public médusé un album de cette qualité.
Puisque la perfection ne semble pas être de de ce monde, il semble honnête de regretter que les textes pourraient être plus affinés, sans forcément plonger dans un ésotérisme digne d’un Manset ou un mystère digne de Katerine. Alain Bashung a prouvé que chanter en français pouvait écraser n’importe quel Léonard Cohen ou autre Bob Dylan. La prochaine étape qui pourrait hisser Soften à hauteur des plus grands (Feu ! Chatterton, Kent, Christophe). Un petit joyau horloger à marquer d’une pierre blanche.
Christophe Gigon
[responsive_vid]