Rush – Clockwork Angels
Rush
Roadrunner
Rush est une institution au Canada et aux Etats-Unis où chaque tournée se joue dans de grands stades et d’immenses salles. En France, c’est une autre histoire… Pourtant, ce groupe qui a tant inspiré Dream Theater, Metallica, et beaucoup d’autres, est incontournable. Geddy Lee, son bassiste chanteur est un modèle pour des milliers d’apprentis musiciens, le jeu du batteur Neal Peart est un exemple pour beaucoup de progueux et de metalleux, quant au guitariste Alex Lifeson, il est une sommité également. A eux trois, ils se sont bâti une légende, qui perdure depuis près de 40 ans. A leur début, les premiers albums ressemblaient un peu à Led Zeppelin, la voix très haut perchée de Geddy Lee ayant une vague ressemblance avec celle de Robert Plant et leur musique tendant vers un hard rock blues à la mode à l’époque. Puis, l’élément progressif a vite pris le dessus, et le trio s’est retrouvé à faire des albums très axés science-fiction, avec des morceaux qui frôlent assez souvent les 10 minutes. Très prolifiques, ils enchaînent les albums, plus brillants les uns que les autres, comme « 2112 », « Hemispheres » ou « Moving Pictures », pour ne citer que ceux-là, puis changent un peu de direction dans les années 80, avec un peu moins de prog et plus de synthés. Et à force de sortir des albums à cadence métronomique, l’inspiration s’essouffle. Le principal défaut reproché, c’est le manque de diversité du combo, répétant la même formule. Les albums se suivent et se ressemblent, mais Rush continue de remplir les salles US.
Rush devient de plus en plus accessible mais un regain d’inspiration revient dans les années 90, avec l’excellent « Test For Echo » (auquel on pense souvent pendant l’écoute de ce nouvel opus) qui remet le groupe en selle, et qui offre un retour aux sources avec un son plus prog. Cependant, suite à une tragédie familiale, Neil Peart quitte le groupe et s’en va parcourir les Etats-Unis en moto, effondré par son drame personnel. Il revient néanmoins en 2001, et Rush sortira 2 albums en 6 ans, témoignages d’une puissance et d’une violence musicale jamais égalée. Il leur faudra à nouveau 5 ans pour sortir ce « Clockwork Angels », retour aux concepts de science-fiction tant aimés dans leur jeunesse. Le livret du disque annonce la couleur : une horloge nous annonce qu’il est …21h12 ! Très soigné, avec de superbes illustrations du toujours très inspiré Hugh Syme, chaque titre est précédé d’une petite intro situant la chanson dans le concept. Un homme raconte ses différentes aventures sur une planète où chacun est endoctriné de façon à croire vivre dans le meilleur des mondes ; il y rencontre des tas de personnages à la manière d’un candide, embarqué dans un destin qui l’entraine malgré lui dans de multiples aventures. Neil Peart, parolier du groupe, nous a encore pondu de remarquables lyrics !
Côté musique, le groupe est dans une méga forme, et tient là son meilleur album depuis « Moving Pictures », c’est dire ! Album somme, on retrouve le son Rush dans toute sa splendeur, mélangeant toutes les époques. La voix de Geddy Lee n’a quasiment pas changé depuis toutes ces années, plus mature cependant. La basse gronde, nous emporte, la guitare acène riffs ravageurs et solos d’enfer, la batterie enfonce le clou de la puissance et de la technicité des musiciens. Ajouté à tout cela, des cordes enrichissent le paysage musical et ajoutent aux compos une finesse rarement vue chez Rush.
« Caravan » ouvre le bal : rythmé, dynamique, prog avec des breaks, un riff énorme, une basse qui gronde, une batterie impressionnante… Chef d’œuvre instantané ! « I Can’t Stop Thinking Big » chante Geddy Lee. Il a raison, tout l’album est à l’avenant. C’est énorme. « BU2B », passé une intro calme, nous plonge dans un power rock immense qui rappelle que c’est bien Rush qui a inventé le metal prog moderne. « Clockwork Angels » fait semblant de calmer le jeu un petit instant et repart de plus belle dans un morceau qui mélange les genres, prog, rock, blues. « The Anarchist » rappelle un poil Yes pour sa basse grondante comme un Chris Squire sous speed, ses cordes au milieu du titre intriguent, superbe solo de Lifeson. « Carnies » fait penser à « Test For Echo », même dynamique progressive, mais plus directe. « Halo Effect » balade acoustique bienvenue aère le concept, puis retour aux choses sérieuses avec « Seven Cities Of Gold », typiquement Rush et « The Wreckers », morceau plus direct au refrain imparable. « Headlong Flight », malgré son intro furieuse, est peut-être le titre le plus faiblard, car peu nuancé, comme on pouvait en trouver sur « Snake And Arrows » par exemple. « Wish Them Well », lui aussi décevant, possède cependant une construction intéressante. Le final « The Garden » par contre, avec ses cordes, sa belle partie acoustique et son crescendo énorme, est un classique immédiat, assez original dans le répertoire de Rush.
A l’issu de cet album, il se dégage une impression de sérénité, comme si le groupe était arrivé au sommet de ses capacités, à une maturité tranquille, un album ultime, dernière étape d’une carrière époustouflante. Rush ne capitalise pas sur ses acquis mais progresse encore, notamment par l’ajout subtil de cordes et la finition de chaque morceau laisse pantois. Chapeau bas. Rush en a encore beaucoup sous le capot.
Fred Natuzzi (9,5/10)
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