Pomplamoose – Photogénique
PomplamooseMusic
2025
Thierry Folcher
Pomplamoose – Photogénique
Le nouvel album de Pomplamoose vient de sortir, il s’appelle Photogénique. Voilà une annonce peu commune qui risque de ne pas éveiller grand-chose chez bon nombre de nos lecteurs. Déjà, le nom Pomplamoose mérite une explication et lorsque j’aurai éclairé votre lanterne, vous ne verrez plus du tout la Californie de la même manière. En fait, ce nom vient de la façon dont nos amis américains prononcent le mot pamplemousse. C’est sûr, ce n’est pas le plus facile de la langue française, dont les origines latines ne se marient pas très bien avec les habitudes phoniques anglo-saxonnes. Cela dit, Nataly Dawn n’a pas ce genre de problème. Son enfance passée en France et en Belgique lui a permis de s’exprimer dans notre langue sans aucun accent et avec une aisance assez remarquable. De retour aux États-Unis, elle a naturellement conservé son bilinguisme ainsi qu’une incroyable attraction pour les chansons populaires françaises. Une passion qui allait fortement impacter le répertoire de Pomplamoose qu’elle partage depuis 2008 avec Jack Conte, son binôme de mari. Le public californien, séduit par cette formule pour le moins exotique, a répondu présent avec beaucoup d’enthousiasme et de fidélité. À telle enseigne qu’aujourd’hui, vous pourriez très bien entendre siffloter du Brassens dans les rues de San Francisco. Pour ma part, j’ai fait leur connaissance sur YouTube grâce à une épatante reprise de « Mr Blue Sky » d’Electric Light Orchestra. D’habitude, je ne suis pas très friand de ce genre d’exercice, mais là, je dois avouer qu’ils m’ont complètement bluffé. C’était frais, joyeux, hypnotisant et parfaitement produit. Pas étonnant qu’ils soient parmi mes chouchous d’un YouTube qu’ils alimentent de façon régulière et avec une audience grandissante (plus d’un milliard de vues, dixit Jack Conte).
C’est donc avec impatience que j’attendais la sortie d’un nouvel album pour pouvoir partager leurs belles harmonies, leur richesse mélodique et cette incomparable bonne humeur qui transporte l’auditeur loin de la grisaille ambiante. De Brassens à Trenet en passant par Brel et Renaud, notre sémillant duo francophile a souvent intégré des reprises françaises dans sa discographie (les albums En Français de 2020 et Impossible À Prononcer de 2021). Mais pour Photogénique, il s’agit uniquement de matériel original, signé Nataly pour les paroles et Jack pour la musique. Des chansons en français, pour la plupart dévoilées au cours des trois dernières années et qui ne demandaient qu’à être rassemblées sur un seul et même projet. Cela dit, une simple compilation fut loin de satisfaire Jack Conte qui s’est aussitôt empressé de réenregistrer certains titres pour plus d’homogénéité et de cohérence. Fort de cette refonte, Photogénique se présente aujourd’hui comme un véritable album à découvrir dans son intégralité ou à redécouvrir pour les familiers des premiers enregistrements. Pomplamoose annonce cette nouvelle sortie comme un album de bossa-pop française, luxuriant et groovy. Et très honnêtement, je ne pense pas qu’il y ait de meilleures formules pour désigner ces douze saynètes intimes, principalement issues des souvenirs de jeunesse de Nataly. Du fait de son titre, la première chanson intitulée « C’est Simple » résume à elle seule ce qui attend l’auditeur tout au long de ce disque très facile d’accès. Un voyage sans embûches où la voix de Nataly sera l’adorable porte-parole de cette virée nostalgique, souvent coquine et débarrassée des habituelles postures convenues. La musique de « C’est Simple » est enjouée, parfaitement construite et bien soutenue par une bossa terriblement sexy. Un début, non pas en fanfare, mais tout en douceur pour accrocher des oreilles déjà conquises.
À présent, je ne pense pas me tromper en disant que la cible principale de Photogénique est américaine. La couleur française doit être perçue comme une fantaisie, une étrangeté qui est désormais associée à l’image du groupe et qui a, sans doute, façonné une part de son succès. Au-delà de la fierté que je ressens, je ne peux m’empêcher de repenser aux déboires de notre francophonie souvent mise à mal sur ses propres terres. Il faut que ce soient nos lointains cousins qui la mettent en valeur et lui restituent ses lettres de noblesse. Surtout que le cas Pomplamoose n’est pas isolé ! J’ai en mémoire l’album Raconte-moi… de Stacey Kent qui lui aussi, rendait hommage à nos chansons populaires. Que tous ces artistes en soient remerciés. Revenons maintenant à Photogénique et à son habile cocktail de claviers luxuriants, de basses bien rondes et de propos le plus souvent susurrés. Dans une diction qui rappelle Bardot, Nataly nous amène « À Cabo », une plage mexicaine au romantisme tropézien apte à favoriser les rencontres amoureuses. Le rythme est séduisant, volontairement rétro et bien agrémenté par les claviers de Larry Goldings, la belle attraction de Photogénique. Prendre un tel monument du jazz comme compagnon de studio (et de tournée) est assurément une des meilleures pioches réalisée par Pomplamoose. Mais cela ne doit pas minimiser pour autant le talent et le travail des autres musiciens impliqués autour de ce projet. Les basses de la souriante Eliana Athayde, les guitares ciselées de Brian Green et les percussions légères de Rob Humphreys sont également à saluer dans un grand professionnalisme typiquement américain. La belle équipe se rassemble ensuite pour évoquer une certaine « Angélique » qui pourrait aisément nous faire fantasmer si l’ambiguïté des paroles de Nataly n’était pas sujette à interprétation. À n’en pas douter, cette charmante parolière sait manier le français, ses rythmes et toutes ses subtilités.
Comme annoncé, la bossa nous accompagne très souvent tout au long de ces visites privées, mais à aucun moment, je n’ai ressenti la moindre lassitude ou l’envie de passer à autre chose. La diversité est bien là et se manifeste grâce à de nombreuses trouvailles musicales ou chantées, comme les cuivres de « Tu Peux Pas Savoir » ou le duo charmant avec Laura Cahen sur « On Est Bien Là ». Même si la construction des chansons semble parfois se répéter, les surprises sont toujours présentes et attirent à chaque fois des oreilles de plus en plus conquises. Il n’y a qu’à écouter l’explosif « Nuclear Kittens » pour s’en convaincre. Concernant ce titre, plutôt que de vous donner une vision approximative avec mes mots, je vous joins ci-dessous la vidéo de la nouvelle version. Grâce à ces quelques minutes passées en studio, vous comprendrez mieux l’esprit Pomplamoose, sa joie de jouer, de créer et de partager. Le temps passe et il reste encore d’autres bons moments à découvrir comme la délicate et poignante « Valse d’Antan », la déclaration embrumée de « Tu Me Manques » ou celle plus directe de « Julie ». Cette dernière est d’une spontanéité remarquable avec des paroles toutes simples bénéficiant d’une orchestration lumineuse et inventive propre à investir nos neurones de façon durable. En fait, c’est bien là l’atout numéro un de ce disque dont les mélodies se retiennent sans peine et accaparent vite nos fredonnements. Depuis le début, les filles sont à la fête… en fait, pas vraiment, à l’image du parcours chaotique et tourmenté de cette pauvre « Pauline ». Mais une fois de plus, quelle brillante mise en musique ! La fin approche et le questionnement cosmique de « Nulle Part » ainsi que le constat gagnant (et à mon avis personnel) de « Félicitation ! » terminent cet album rayonnant de beauté et d’ondes positives. Bravo Pomplamoose et à bientôt !
Voilà en détail, un retour sur Photogénique, la dernière et très belle prestation de nos amis californiens de Pomplamoose. Mais après mûre réflexion, je me demande si ce genre de disque demande à être décortiqué de la sorte. Je serais d’avis de vous dire, écoutez ! Vous verrez bien et trêve de longs discours ! Le plaisir simple et immédiat est peut-être la seule chose à retenir. Le problème (ou pas) chez Clair & Obscur, c’est qu’on n’est pas capable de survoler les sujets. Certainement nos habitudes de grands observateurs des sorties musicales et de leurs messages à décrypter. Je vous aurais quand même bien vendu la chose et si, comme moi, vous tombez sous le charme de ces chansons un tantinet en dehors des clous, vous en deviendrez vite accro. Gros coup de cœur, non seulement pour cet album, mais aussi pour l’ensemble du travail accompli par Nataly et Jack depuis bientôt vingt ans. C’est simple, mais c’est beau, je n’en dirai pas plus.