Pet Shop Boys – Electric
Pet Shop Boys
x2 recordings
Cela fait maivntenant presque 30 ans que les Pet Shop Boys ont inventé l’électro pop. Mâtiné de disco et de new wave, ce son a enflammé les années 80 et 90, avec des tubes comme « West End Girls », « Opportunities (Let’s Make a Lot of Money ) », « It’s A Sin », « Go West », « Domino Dancing », et j’en passe… Neil Tennant et Chris Lowe se sont bâtis une sacrée aura, avec leurs titres synthétiques et leur mélancolie intrinsèque, Neil Tennant n’étant pas le plus joyeux des chanteurs et ses paroles reflétant un certain mal de vivre, une ironie mordante de la société, ou tout simplement une vision de l’amour orientée « gay » (et pas seulement d’ailleurs) à la portée universelle qui n’a pas son pareil pour sombrer dans une tristesse amère. Bien sûr, certains morceaux sont vraiment orientés vers la lumière, mais ce n’est pas vraiment la majorité. Et rien n’est meilleur chez les Pet Shop Boys que lorsque Neil chante une histoire. Erudit, lucide, intelligent, Neil élabore des paroles qui apparemment ne s’intégreraient pas à une musique dance. C’est la marque de fabrique des Pet Shop Boys, ce qui les a rendu différent et a établi leur crédibilité, en plus d’être à la pointe de tout ce qui se fait en matière de dance music. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont collaboré avec les plus grands : David Bowie, Liza Minelli, Dusty Springfield, Robbie Williams, Rufus Wainwright, Madonna et même Rammstein ! Et la liste est encore longue. En concert, le duo porte des costumes délirants, élabore une scénographie avant-gardiste, construit des jeux de lumières, et s’entoure des danseurs les plus doués, sans se défaire d’une attitude tout à fait British. Un spectacle qui se renouvelle à chaque tournée, là où d’autres se contenteraient de sourire bêtement et de débiter des beats sans aucune originalité.
Vous l’avez compris, la qualité de ce groupe réside en sa capacité à innover. Seulement voilà, les années passant, le son du duo n’a pas vraiment évolué, même s’il a contribué à faire émerger différents courants électro dance, et force est d’admettre que la fin des années 90 a failli les cataloguer de ringards. Que nenni ! Repartis de plus belle, les années 2000 ont apporté au duo une estampille culte et branchée. Ils ont multiplié les albums jusqu’ à 2012, où « Elysium » les voyait faire un constat assez triste de la vie, la mort, et les déceptions, dans un album écho à « Behaviour » en 1991. Moins d’un an après, ils quittent Parlophone, leur maison de disque depuis 28 ans, pour fonder leur label, x2, et sortent cet « Electric », leur douzième, en réaction au précédent.
C’est donc avec une vitalité retrouvée que nos Anglais ont créé ce disque et cela se ressent tout du long. Tout d’abord, c’est Stuart Price qui s’occupe de la production, et il faut dire que l’homme, habitué à Madonna et Lady Gaga, leur a donné un son digne des plus grands dance floor du monde, avec un bombardement gigantesque de décibels. Mais attention, ce n’est pas pour pondre un album bateau, remplis de rythmes déjà entendus, sans recherche et sans fond, c’est pour mieux faire ressortir chez Chris Lowe sa capacité à écrire des morceaux efficaces et effacer les tendances à se répéter. Bien sûr, on pense ici où là aux autres albums des Pet Shop Boys, clin d’oeils oblige, mais ils se renouvellent en allant là où on ne les attendait plus : la vraie electro pop ! Les PSB se lâchent, les morceaux durent plus de 5 minutes, et l’ambiance est fun.
« Axis » en est le parfait exemple. Très Giorgio Moroder dans l’âme, ce titre balaye tout sur son passage et en impose par son gigantisme et son dynamisme. On pense aussi à l’Alan Parsons Project du début des années 80. Un retour inattendu à ce style de morceau très enthousiasmant. « Bolshy » revient à un son typiquement PSB, habilement construit, et très cool. « Love Is A Bourgeois Construct » recycle un thème d’Henry Purcell, celui déjà utilisé par Michael Nyman, pour un titre de plus de 6 minutes, aux lyrics intelligents, comme seul Neil Tennant sait les écrire. « Fluorescent » démarre en électro énorme, alliant vintage et futurisme, rejoignant Kavinsky sur ce terrain. Un must. « Inside A Dream » fait penser à la B.O de Silent Hill avant de plonger dans une dance plus classique. « The Last To Die » est le plus surprenant titre de l’album, puisque c’est une reprise de … Bruce Springsteen !
A priori, aucun point commun entre les deux artistes. Mais les PSB ont une habileté peu commune à adapter leur univers à n’importe quel chanson. Et le côté dénonciation de ce morceau est du coup renforcé par la musique, un peu en retrait dans les couplets, et qui pourra en faire danser plus d’un au cours des refrains ! Le morceau le moins réussi est « Shouting In The Evening » dont les rythmes technoïdes auraient pu être évités. Le rappeur Example est invité sur « Thursday », que l’on croirait sorti d’un album des années 80, et dont on n’en pensait ses auteurs plus capable ! Enfin, « Vocal » est fait pour faire danser, avec encore une fois d’excellents lyrics, qui résume la démarche des PSB.
Cela faisait très longtemps que les PSB n’avait pas réussi un disque à ce point, capable de faire voler en éclat leurs acquis pour mieux les réinventer, nous surprendre, se mettre en accord avec eux-mêmes, et laisser exploser leur son, dans toute leur créativité et leur splendeur. Des bâtisseurs sonores, qui démontrent à tous les petits jeunes qu’ils sont bien là. Et pour encore longtemps.
Fred Natuzzi (9/10)