O.R.K. – Soul Of An Octopus
RareNoiseRecords
2017
O.R.K. est un de ces « super groupes », ou groupes de super-héros musiciens qui fleurissent régulièrement et dont les membres cherchent à explorer de nouvelles contrées, souvent bien lointaines des formations qu’ils occupent depuis un moment. O.R.K, hydre à quatre têtes, est composé de Lorenzo Esposito Fornasari / LEF (Obake) au clavier et vocaux, de Carmelo Pipitone (Marta Sui Tubi) aux guitares, de Pat Mastelotto (King Crimson) à la batterie et de Colin Edwin (Porcupine Tree, Obake) à la basse. Du très beau monde donc qui a déjà fait ses preuves et qui s’est uni pour essayer de proposer de la musique originale. Pas forcément évident quand on vient de King Crimson ou de Porcupine Tree, et qu’on a défriché de nouveaux sentiers, mais ces quatre baroudeurs des portées musicales ont décidé de relever le défi.
Après un EP très inspiré, sorti en 2014, et un premier album, Inflamed Rides, en 2015, un peu déconcertant car faisant la part belle aux guitares saturées et décevant par rapport aux promesses annoncées, le quatuor cosmopolite nous revient avec un disque à l’ambiance volontairement décalée, tout en assurant une certaine cohérence d’ensemble. Mais voyons voir si une telle coopération de talents musicaux individuels est à l’origine d’une bonne, et belle œuvre, mais là c’est plutôt une histoire de goût personnel.
Sur Soul Of An Octopus, la construction des morceaux se veut plus abordable que sur Inflamed Rides, presque pop. Mais le groupe reste très proche du courant RIO (Rock In Opposition) dans son approche de la composition. Cela donne des compositions décalées, presque torturées, mais qui laissent quand même une impression de facilité d’écoute. Pour résumer, on pourrait dire que les quatre musiciens ont gardé leur côté avant-gardiste tout en voulant le rendre plus abordable. La musique de O.R.K. reste néanmoins très riche. Le groupe ne s’est imposé aucune limite et propose donc un gros melting-pot de styles, passant du gospel au rock atmosphérique, en passant par du country-blues sous forme de boucles qui dégénèrent en stoner, puis en une sorte d’electro-pop ténébreuse à la Depeche Mode en s’achevant dans un mur sonore que ne renieraient pas les adorateurs de Mogwai ou Sonic Youth.
Contrairement à Inflamed Rides, aucun morceau n’est plus faible qu’un autre. On peut déceler des petits passages à vide par endroit, comme ce début un peu laborieux de « Just Another Bad Day » ; mais heureusement, le groupe redresse la barre très vite pour s’envoler dans des parties soit délicieusement mélodiques, soit furieusement saturées, voire les deux à la fois ou se succédant sans aucune transition, laissant l’auditeur complètement sonné. Et encore, contrairement à Inflamed Rides, le propos du nouvel album est plus cohérent : là où le premier opus partait un peu dans tous les sens, Soul Of An Octopus est construit de manière homogène.
Devant tant de maîtrise musicale, il est peu aisé de définir quel est l’instrument qui a le rôle principal. Et c’est là tout à l’honneur de ce super-groupe qui aurait pu être tenté, à l’instar d’autres formations du même type, de laisser une place dans chaque morceau pour que chaque instrumentiste puisse montrer tout son talent. Ici, point de démonstration technique, le groupe est soudé, forme un ensemble homogène qui ne sert qu’un seul but : la musique. Le jeu de Mastelotto est tour à tour sobre, léger, puissant et tentaculaire. La basse d’Edwin ronronne, caresse les tympans comme elle peut aussi rugir ou être percutante (« Collapsing Hopes »). Cette polyvalence et cette grande étendue de jeu se retrouvent aussi dans la voix de LEF qui se la joue autant crooner à la voix grave et sensuelle, que rocker avec les cordes vocales en surfusion, qui peuvent partir dans des chœurs épiques (« Dirty Rain »). Enfin, les guitares ajoutent lourdeur, mélodie ou passages plus enlevés selon les besoins des chansons. On pourra d’ailleurs noter une utilisation assez fréquentes de samples de six cordes, faits maison (car rien ne vaut le fait maison… mais je m’égare), retraités et rejoués comme un instrument electro.
Album très riche, Soul Of An Octopus n’est en rien indigeste et fait preuve de grands moments de subtilité. L’esprit de la pieuvre est certes torturé, mais on arrive à le suivre dans les moindres méandres de ses neurones, dont l’action nous donne l’impulsion nécessaire pour faire vibrer notre palpitant. O.R.K. signe ici un album abouti qui montre tout le potentiel de ces musiciens réunis. Vivement le prochain!
Guillaume Beauvois
[responsive_vid]
Ouiii il me plait ce Soul Of An Octopus et je le trouve aussi plus homogène que son prédécesseur. Après quelques écoutes, on garde tout et on en redemande. Le final Till The Sunrise Com est magnifique! Bien vu Guillaume!!