Nomade Orquestra – Terceiro Mundo

Terceiro Mundo
Nomade Orquestra
Nublu Records
2024
Lucas Biela

Nomade Orquestra – Terceiro Mundo

Nomade Orquestra Terceiro Mundo

Tentet originaire de São Paulo, Nomade Orquestra cherchent à rassembler les cultures à travers leur musique riche en groove. Cinquième album de la formation, Terceiro Mundo a été pensé pendant la pandémie de Covid-19 et se nourrit autant d’inspirations passées que de nouvelles idées. Entièrement instrumental, il puise dans la soul, le funk, l’Afrobeat, ainsi que l’héritage traditionnel. Dans cette musique aussi luxuriante que l’Amazonie, même si cuivres et batterie s’entendent la plupart du temps comme cul et chemise, il leur arrive de prendre des chemins contraires. Cela crée des situations cocasses, comme sur « O Nascimento Do Sol Invencível » où la solennité côtoie l’humour. En effet, d’un côté un orgue grave accompagne une batterie marchant droit devant elle, de l’autre les cuivres semblent n’en faire qu’à leur tête dans leurs accents effrontés. D’ailleurs, les rôles seront inversés sur « Peixeira Amolada & Quebra Queixo ». Dans sa recherche d’évasion, la batterie s’échappe en effet petit à petit quand l’atmosphère se fait plus défiante avec ce hautbois troublé et ces cuivres inquiets. Ces derniers, avec leurs souffles à l’unisson, étaient d’ailleurs rentrés dans le rang, contrastant ainsi avec la désinvolture qu’ils présentaient dans le morceau précédent. Outre ces disparités, c’est également le duo décalé des claviers et de la guitare qui contribue à l’humour. En effet, là où les cuivres parviennent à galvaniser les troupes de « A Invasão De Pindorama » en proposant de se serrer les coudes dans l’épreuve, les deux gais lurons entrent dans un dialogue des plus truculents. Ainsi, l’un émoustillé, l’autre hébété, on les imagine comme plaisantant après quelques verres. En revanche, pour lancer la « Revolução Dos Cocos », la bonne humeur de ces deux-là ne suffit pas pour éviter au souffle terni des cuivres de précipiter le contingent dans le ravin. Amusé d’un côté, insouciant de l’autre, les partenaires tentent en effet de dissiper les doutes entretenus par un oscillateur angoissé, mais saxophones, trombone et trompette en décideront autrement. Quand, à l’inverse, c’est la quiétude qui s’installe, c’est un duo plus en proie à la panique qui vient bouleverser les desseins de nos Paulistes. La sérénité de « Peixeira Amolada & Quebra Queixo » est en effet perturbée par les guitares alarmées et le saxophone perdu dans ses pensées.

Nomade Orquestra Terceiro Mundo Band 1

Qu’ils fassent sourire ou qu’ils interrogent, c’est ainsi autant d’éléments qui apportent un peu de piment à la musique rythmée de nos Brésiliens. Et sur ce dernier point, « Cidade Estrangeira » fait justement la part belle aux rythmes. En effet, on y voit le navire voguer sur des mers tout à tour hip hop, jazz-rock, exotica, acid jazz et mambo (et encore la liste est loin d’être exhaustive). Les cuivres bombent certes le torse quand le tempo se fait alerte, ils n’hésitent cependant pas à emprunter le chemin de la désolation quand il faut compatir à la douleur que la guitare manifeste dans ses plaintes wah wah. C’est un morceau aux nombreux rebondissements, construit à la manière d’un pot-pourri, et démontrant tout le talent de notre tentet à gérer les imprévus. Dans « O Extraordinário Presente », on peut même apercevoir la batterie sauter à cloche-pied ! Il semblerait que groove et allégresse s’y soient donné rendez-vous. D’ailleurs, les claviers éberlués y font des infidélités à la guitare en badinant avec le saxophone hilare dans la touche facétieuse. « Mariposa Tigre » met également l’accent sur les cadences, les percussions y jouant d’ailleurs à armes égales avec la batterie. Les polyrythmies complexes qui sont mises en avant rappellent les très riches heures de feu Fela Kuti et surtout de son batteur fidèle, le tout autant regretté Tony Allen. On note aussi qu’à la fraîcheur du propos rythmé de notre orchestre s’associe par moments la douceur printanière d’une flûte aux accents bucoliques.

Nomade Orquestra Terceiro Mundo Band 2

Ainsi, avec leur nouvelle carte, Nomade Orquestra proposent des menus riches mais équilibrés où se mélangent groove, allégresse, doutes, humour, et un grand sens de la musicalité. Les inspirations abondent. Elles offrent même parfois des opportunités très différentes les unes des autres mais comme ces idées sont toutes lumineuses, il est préférable de les présenter ensemble dans un même morceau (la fameuse construction en « tiroirs » de « Cidade Estrangeira ») que de les perdre. Une certaine cohérence se dégage néanmoins de ce brainstorming et il est heureux de voir qu’il est possible d’unir les voix dans la différence. Nomade Orquestra poursuit ainsi avec bonheur son défrichement d’un monde rythmé et coloré, à la croisée de nombreuses cultures.

https://nomadeorquestra.com.br/

 

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