Motoi Sakuraba – What’s Up ?
Motoi Sakuraba
Musea
Motoi Sakuraba est un artiste qui n’est pas né de la dernière pluie. En effet, le claviériste, très prisé parmi les amateurs de rock progressif japonais (et pas que chez eux), aura composé une pléthore d’albums depuis le lancement de sa carrière, et bien plus encore de musique, sachant que tout son prolifique catalogue n’aura pas connu le privilège d’une édition CD. Rappel des faits pour le néophyte : Sakuraba fait son apparition sur la scène progressive nippone à la fin des années 80 avec le groupe Deja-Vu, au sein duquel il s’impose comme leader et principal compositeur. Le style du combo, qui ne publiera qu’un seul et unique album studio en 1988 (le désormais culte « Baroque In The Future »), est tout aussi influencé par l’exubérance pompière d’Emerson, Lake & Palmer, que par les fastes symphoniques des références progressives italiennes issues des glorieuses seventies. Après la séparation de son groupe, Motoi Sakuraba ne tardera pas à s’illustrer en solitaire, avec un remarquable premier album sorti en 1990, intitulé « Gikyoku Onsou », qui s’inscrit dans la droite lignées amorcée par Deja-Vu, et qui contient déjà tous les ingrédients qui vont définir le style « Sakuraba » jusqu’à aujourd’hui.
Mais, contre toute attente, le musicien japonais trouvera sa vraie notoriété totalement en marge de la scène progressive internationale, en s’illustrant avec succès dans la composition de bandes originales… de jeux vidéos ! On lui doit ainsi les soundtracks de grands classiques ludiques plus ou moins pixélisés, édités par les firmes Sony, Sega et Nintendo, tels que « Shining Force », « Star Ocean », « Valhalla Knights », « Valkyrie Profile », et même la série « sports » du célébrissime et emblématique Mario ! Quelques-uns de ces travaux de commande sont néanmoins sortis en albums, avec en têtes de série les excellents « Force Of Light » (paru chez Musea en 1999), « Beyond The Beyond », et surtout « Shining The Holy Ark », selon moi LE chef d’œuvre absolu de Motoi Sakuraba. Bien malheureusement, ces deux derniers enregistrements, devenus rarissimes même à prix prohibitifs, ne seront probablement jamais réédités sur support, pour la plus grande peine de l’auteur de ces lignes et de bien d’autres amateurs, très certainement.
On pourra toujours se consoler avec ce « What’s Up ? » fraichement disponible chez Musea, le nouvel album instrumental du sorcier des claviers, mais pas si « nouveau » que ça non plus. En effet, la dernière galette en date de Motoi Sakuraba n’est autre que la version « complète » d’un album paru en 2011 sur le label Strange Days Records et intitulé « After All… », mais que peu de fans français doivent posséder (hormis les plus invétérés), fort heureusement pour eux. Car « What’s Up ? » n’ajoute au final que 4 nouvelles compositions aux 10 présentes dans la tracklist de son prédécesseur (dont le dispensable « Illusion Of Darkess », aussi laconique que chiant comme la mort !), un peu passé inaperçu chez nous. Il semblerait juste que ces morceaux déjà composés bénéficient de nouveaux arrangements qui en atténuent la (très relative) pondération. Au programme, une nouvelle avalanche d’orgue Hammond, de Minimoog, de synthétiseurs en tous genres et de virtuosité décomplexée. Motoi Sakuraba, une fois n’est pas coutume, assure ici tous les instruments, section rythmique comprise. La batterie est tenue avec maîtrise et feeling par le maître, quant à la basse et les quelques rares guitares, celles-ci sont jouées aux claviers, avec une illusion parfaite.
Le style est toujours emphatique, grandiloquent, mais suffisamment mélodique et contrasté pour ne pas conduire l’auditeur à l’épuisement total au bout de 10 minutes. En cela, Motoi Sakuraba a toujours su mieux y faire que ses alter-égos de Gerard (Toshio Egawa) et d’Ars Nova (Keiko Kumagai), pas vraiment reconnus pour leur sens aiguisé de la mesure et de la sobriété ! Introduction et doux intermèdes pianistiques mis à part (« Sorrow », « Not Here » et « Suffering Mind »), c’est à un véritable feu d’artifice symphonique auquel le claviériste nous convie ici, sans grandes respirations malheureusement, avec des titres ramassés au propos musical parfois trop « concentré » et explosif, justement.
Parmi les belles réussites de l’album, on retiendra l’alambiqué et fou furieux « Megrim » (avec un thème mélodique « Sakurabien » en diable), « Try Again » (et ses martèlements rythmiques qui évoquent les passages les plus fougueux du démentiel « Karn Evil 9 » d’ELP), « Stand Still » (habile mixage de classique et de jazz-rock), ou encore l’étonnant « Change Of Mind », qui flirte parfois pour le meilleur avec le style metal-progressif, les guitares incisives en moins. Si Motoi Sakuraba peut parfois nous assommer avec un « What’s Up ? » sous tension quasi-permanente, il nous épargne cependant les quelques touches de franc mauvais goût sonore qui viennent parfois ponctuer et entacher certaines de ses œuvres (« Star Ocean », « Valkyrie Profile »…). Rien de grossièrement kitsch à déplorer ici, à moins d’être un radical détracteur du genre, auquel cas personne ne pourra rien faire pour vos grincements de dents et autres crispations maxillaires.
Au final avec « What’s Up ? », nous avons affaire à un bon album de Motoi Sakuraba, jamais médiocre, rarement génial, une œuvre qui devrait contenter la plupart des fans du compositeurs sans pour autant devenir leur disque de chevet du moment. Alors, à quand un véritable nouvel album dans tous les sens du terme, ou une réédition miraculeuse de « Shining The Holy Ark » ?
Philippe Vallin (7/10)
http://sakuraba.snesmusic.org//
Bonjour Nicolas. Si vous êtes fan de Motoi Sakuraba, alors cet album pourra dignement intégrer votre collection, même si le meilleur du claviériste avait déjà été fait avant. J’adorerais que « Shining The Holy Ark » (et « Beyond The Beyond ») soient réédités un jour en CD, mais il y a peu de chance que ça arrive malheureusement. Bonne musique à vous et merci pour ce com ! Amicalement, Philippe.V A bientôt !
Article donnant vraiment envie d’écouter cet album. Sakuraba étant un de mes compositeurs préférés (la série « Shining » me fait perdre toute objectivité) et je partage votre avis : Holy Ark est le
chef d’oeuvre de Sakuraba
« Shining the holy Ark » et « Beyond the Beyond » sont deux merveilles mais elles ne seront jamais rééditées : les labels japonais d’origine ont fait faillite et Sakuraba-san n’a pas pu récupérer les
droits de ces deux CDs.
Cordialement,
Bertrand