Moon Halo – Chroma
Pure Music
2020
Thierry Folcher
Moon Halo – Chroma
La lune a toujours été une grande inspiratrice pour les hommes, car à l’inverse du soleil on peut la regarder en face et se mettre à rêver. Alors, quand la lune se pare d’un halo mystérieux, la rêverie s’amplifie et nous absorbe entièrement. L’esprit de Moon Halo se trouve peut-être là. Dans cette façon hypnotique de nous présenter sa musique. Cette toute nouvelle formation britannique qui débarque en ce début d’année avec son premier album Chroma est sortie de l’imagination de Marc Atkinson (Riversea, Nine Stones Close), David Clements (Riversea) et Iain Jennings (Mostly Autumn). Nos trois compères ont réussi le tour de force à nous amener assez loin de leurs univers habituels pour nous proposer une aventure inédite et envoûtante. La tentation de reproduire des schémas bien connus s’est vraiment évaporée pour laisser le groupe s’engager dans des lieux plus incertains. A l’écoute de l’album, on a vraiment l’impression que nos trois amis ont laissé au vestiaire leurs anciens costumes pour en enfiler de tous nouveaux, hyper seyants et pleins de paillettes. Attention quand-même, on n’est pas chez Gary Glitter non plus et les fans (dont je fais partie) des groupes pré-cités y trouveront à coup sûr leur compte. Tout d’abord, parce qu’on ne peut pas se défaire des souvenirs que nous renvoie le chant de Marc Atkinson, cet attachant ménestrel qui commence à laisser une belle empreinte dans le paysage progressif anglais. Et puis, dans la conception on a affaire aux mêmes artisans qui savent écrire, composer et superbement manier leurs instruments. Ce qui change, c’est l’orientation musicale très diverse et pleine de fraîcheur qui s’éloigne assez de leurs précédents enregistrements. Pour preuve les deux titres introductifs alertes et dansants que ne renierait pas Mike Rutherford pour ses « Mechanics ». « The Web » et « Seize The Day » sont deux petites pièces funky pop sans prétention mais qui fonctionnent parfaitement. Mais là où Moon Halo fait preuve d’intelligence, c’est de ne pas s’installer dans un genre qui finirait à la longue par lasser. Donc, arrêt brutal et changement de décor radical avec « Chroma » le titre suivant qui puise son inspiration dans Northlands et Twin Peaks, c’est dire si le climat est devenu un peu plus frisquet.
Marc, David et Iain ont travaillé de longs mois à la réalisation et à la production des treize titres de Chroma, entourés pour l’occasion par une belle bande de copains pleins de dynamisme. Des recrues toutes désignées et piochées en grande partie chez Riversea et Mostly autumn. A signaler la participation du talentueux Martin Ledger (Heather Finlay Band) à la guitare et du fidèle Alex Cromarty (Riversea/Mostly Autumn) à la batterie. Nous voilà donc en présence d’une formation rock classique qui a fière allure et peut donner pas mal de complexes à certains. Avec un tel potentiel, on souhaiterait presque que Moon Halo s’installe durablement quitte à laisser de côté les autres engagements. Mais ça, c’est l’accueil du disque qui en décidera. Déjà, le très bel emballage devrait susciter l’intérêt, surtout que ce halo qui explose en mille couleurs donne une vrai indication sur la diversité musicale du projet. Le livret est comme on les aime, chatoyant et bien documenté. Ce n’est pas grand chose, mais pour d’obscures raisons artistiques ou de packaging, cela devient de moins en moins fréquent de retrouver un emballage aussi bien détaillé. J’ai même acheté certains CD où il n’y avait… rien, si ce n’est la mention : « pour plus d’informations rendez-vous sur le site du groupe ». C’est pas comme ça qu’on va sauver les supports CD. On avait laissé Chroma (l’album) enveloppé des nimbes inquiétantes de « Chroma » (le titre) en se demandant vers quelle direction Moon Halo se dirigeait. En fait « Chroma » n’est rien de plus que le préambule à « The Veil », une sorte de slow à l’ancienne sur lequel la voix de Marc est particulièrement touchante. Une intensité émotionnelle renforcée par la présence vocale d’Anne-Marie Helder (Panic Room). Puis c’est l’étonnant « Parachute » qui hausse le ton avec sa courte et légère intro orientale qui va servir de guide tout au long du morceau. Un véritable tour de force musical qui prouve que certaines associations, pas forcement habituelles, peuvent fonctionner. On est dans un rock puissant avec des guitares qui rugissent et un chant qui devient percutant.
Je vous le disais, on est dans la diversité, on ne s’ennuie pas une seconde et les changements de tempos et d’atmosphère sont fréquents. La preuve avec « Somebody Save Us » qui ralentit à son tour la cadence et redonne la priorité au chant. Comme à son habitude, les paroles de Marc Atkinson sont puisées dans les phénomènes de société actuels et dans les alertes qu’elles inspirent. C’est aujourd’hui un « songwriter » accompli, totalement convaincant dans sa démarche et dont le groupe tire ici le meilleur parti. Nous sommes quasiment à mi-chemin et les premières certitudes apparaissent. Moon Halo est un navire qui accoste sur bien des rivages. Un peu de psychédélisme, une pincée de space rock, un soupçon de Dire Straits, un écho de ZZ Top (mais oui!), quelques envolées Gilmourienne, du symphonisme et beaucoup de funky music. Mais tout ça ne vient que par petites touches sans jamais alourdir ni dénaturer un ensemble étonnamment solide pour un premier album. Vous verrez (ou plutôt, vous entendrez), chaque morceaux recèle des surprises au clavier ou à la guitare qui vont ravir les amateurs de progressif un peu « old school » mais drapé de ses plus beaux atours. Ne loupez pas, entre autres, les backing « Genessiens » de « What’s Your Name » ou le joli solo de Iain Jennings sur « Let Me Out », un titre très accrocheur porté par une basse funky disco diabolique. Et puis, il y a aussi le piano romantique de « Across The Great Divide » et surtout les vocaux de « Don’t Let It End Like This » (Olivia Sparnenn-Josh) qui risquent de vous faire frissonner. Un dernier titre qui termine en apothéose (quel solo de Martin Ledger !) et les 60 minutes de Chroma ne redemandent qu’à repartir au début.
Moon Halo est le type même de compagnon musical que l’on aime posséder, partager à l’occasion et sur qui on pourra toujours compter. Une vraie réussite, bien écrite, bien interprétée et super bien produite. La seule interrogation reste sur la pérennité de la formation. Tous les musiciens présents font partie d’un collectif à géométrie variable et interchangeable qui se retrouvent à l’occasion de tel ou tel projet sans jamais devoir s’installer durablement. L’avenir nous le dira et quoi qu’il advienne, Chroma suffit aujourd’hui à notre bonheur.
https://moonhalomusic.bandcamp.com/releases