Jethro Tull – Thick As A Brick : Live In Iceland
Jethro Tull
Eagle Records
Un nouveau live de Jethro Tull ?. En fait non, pas tout à fait, car Jethro n’est plus, et il s’agit là de Jethro Tull’s Ian Anderson ; différence explicite pour un angliciste, aussi significative que par exemple le Pink Floyd de Roger Waters ou celui de David Gilmour, etc. Bref, si Jethro Tull est mort et enterré depuis quelques années au profit de la carrière solo de son leader, le nom reste sur la boîte, comme sur un camembert, la musique aussi. Alors, quid de l’esprit ? Ian Anderson est le seul membre du line-up historique présent ici (même Martin barre est absent de la session live islandaise), mais il occupe malgré tout le terrain et restitue sans trop de distorsion l’esprit et le son du groupe originel. Le son est bien entendu « moderne », c’est-à-dire plus propre (un peu trop parfois), pas assez lo-fi sans doute pour tromper une oreille habituée au grain seventies du Jethro Tull d’antan. Ce son nouveau passait bien dans les années 80 mais un peu moins ici, forcément, dans ce clin d’œil appuyé au passé du groupe, à savoir l’époque « TAAB 1 » (1972). De même, l’intervention de sons de claviers très néo-prog ici et là, sauvés (ouf !) par un orgue (un Hammond sur scène, annonce le leader sur le livret, ce qui reste à vérifier, mais peu importe ; samplé ou non, ça fait du bien !).
Et l’intervention d’une seconde voix surprend, comme une erreur, un cover pirate glissé dans l’original, car on n’en avait jamais eu qu’une seule dans la longue vie de JT, hormis sur les chœurs. La voix de Ryan O’Donnell est trop éloignée pour faire illusion car, depuis l’origine Jethro Tull, c’est avant tout une voix, non ? Dans le livret, Ian Anderson justifie cet alter ego multicartes (acteur, musicien, danseur et mime, excusez du peu) d’un point de vue scénique, c’est-à-dire sans overdub. Ne pouvant être à la fois à la voix, à la flûte, bref, un peu partout, l’artiste a voulu se donner un peu de champ libre pour ses riffs à la flûte ou à la guitare. Il n’empêche que ça surprend, parce que l’alternance n’intervient pas sur les titres, mais au cours du set, sans doute chaque fois que notre cher Ian a besoin de se dédoubler sur scène, pour souffler… dans sa flûte.
Ah oui, la flûte, ingrédient indispensable ! Or là aussi, le son a mué, plus clair et métallique que dans les grandes années, avec moins de souffle et de grain ; sans doute un instrument trop contemporain (une flûte traversière classique ?) pour être issu de l’arsenal prog vintage. En revanche, notre diable dansant n’a pas perdu le sien, de souffle, pour s’en servir. Et là, c’est comme autrefois : un bonheur pour les oreilles, malgré ce son vif-argent un poil trop ciselé, aux harmoniques un peu trop propres et tranchantes en passant du boisé au métal.
Le set « TAAB 1 » s’est voulu d’un seul tenant ou presque, sous forme de deux épics enchaînés, comme sur l’original de 1972, ce qui pose quand même un souci de principe car l’interlude longuet (minutes 24 à 28, ça fait long !) est très dispensable, une sorte de jeu avec le public et de clin d’œil trop appuyé du leader sur son âge… et sur le leur, avec les soucis de santé (prostate !) que cela implique. On peut certes vouloir écouter ça une fois par pure curiosité et compassion pour le leader (du moins l’auditeur anglophone), mais ce long solo parlé brise le set trop longtemps.
Et on aurait souhaité disposer de trois plages séparées pour retrouver la formule originale et sauter à volonté ce parasite à l’humour un peu lourdingue, au lieu que l’auditeur impatient (on le serait à moins) doive jouer de l’avance rapide. Voire quatre plages tant qu’à faire, pour pouvoir sauter aussi l’intro qui n’est pas du tout dans le ton ni dans le son « TAAB ». Faute d’image sur ce qui se passe, cette entrée en la matière ne se justifie guère que sur le DVD ; on croirait entendre les intermèdes du Jean-Michel Jarre des « Concerts En Chine » ou ce genre de bande-son aéroportuaire.
Le set « TAAB II » nous ramène le découpage en plages (la cohérence de tout ça ?) et un son identique au premier CD (normal, c’est a priori la même session live, dixit le leader à la fin du CD1… juste avant d’aller vider sa vessie ?). Et l’enthousiasme comme l’esprit des seventies sont toujours là. Normal, « TAAB II », studio ou live, a été concocté pour ça ; donner, quarante ans après l’original, une suite méritée à cet album concept réussi qui avait marqué son temps. En résumé, le Jethro Tull est toujours en forme, malgré quelques petites fautes de goût : le son globalement trop « néo-prog », voire trop « parfait », la seconde voix chantée, qui surprend ou détone (chacun jugera), ou le montage un peu frustrant.
La prise de son aussi correcte que claire est au final un plus, même si elle a tendance à ôter un peu de la magie de ce retour au passé, à l’opposé de cette tendance actuelle au son « à l’ancienne » (retour aux tubes, je veux dire aux lampes, et au matos vintage) qui revient en force dans certains albums studio, et pas seulement dans le monde du rock progressif.
Jean-Michel Calvez (8,5/10)
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Beaucoup de plaisir à écouter Jethro Tull que j’ai découvert au début des années 1970 lors d’un voyage en Angleterre en auto-stop avec un copain qui m’avait conseillé d’acheter une cassette audio de lui (Eh oui, c’était moins encombrant dans le sac à dos.