Itiberê Orquestra Família da França – Live A Paris

Live A Paris
Itiberê Orquestra Família da França
Tui Tui / Inouïe Distribution
2024
Lucas Biela

Itiberê Orquestra Família da França – Live A Paris

Itiberê Orquestra Família da França – Live A Paris

Souvent associé au mouvement avant-gardiste, le Brésilien Hermeto Pascoal appelait sa musique « música universal ». Dans une interview accordée au Guardian en 2011, il définissait ainsi sa musique : « Elle [ma musique] vient de l’univers, c’est pourquoi je l’appelle « música universal », c’est une énergie qui ne s’arrête jamais. Elle plane au-dessus de nous, où que nous soyons ». Un de ses fidèles collaborateurs depuis la fin des années 70, le bassiste et fin arrangeur Itiberê Zwarg, a beaucoup contribué à la direction que sa musique prenait alors.

En 2022, c’est à l’occasion d’une résidence de 15 jours que le compère d’Hermeto donne à Paris un concert rassemblant 19 instrumentistes, aux côtés de ses deux enfants et du saxophoniste Benoît Crauste, avec lequel il a conçu le projet. Cette collaboration a été baptisée Itiberê Orquestra Família da França. Cela renvoie non seulement à la binationalité de la création, mais également aux liens forts qui lient les deux pays, la France étant le deuxième pays où Hermeto Pascoal et Itiberê Zwarg ont donné le plus de concerts après leur pays d’origine.

Itiberê Orquestra Família da França – Live A Paris band1
Issues entièrement de l’imagination fertile de notre septuagénaire, les cinq compositions bouillonnantes qui ont été dévoilées sur scène à Paris se réfèrent à des impressions laissées par le passage du groupe de son ami Hermeto en France. Ainsi, les couleurs pastel des maisons d’Annecy se retrouvent dans la profusion de notes et dans l’exubérance du morceau d’introduction. En effet, à un tuba insistant se joindront des flûtes bucoliques, ou encore des violons csardiens qui passent aisément de la mélancolie à l’allégresse (la référence à la csárdás n’est pas incongrue puisque cette danse comprend une partie lente et une deuxième plus rapide). Plus loin, les saxophones tout excités rejoindront la danse. Après des passages vocaux exquis, les flûtes délaisseront le calme de la campagne pour le tumulte de la ville. À travers l’exemple d’Annecy, c’est ainsi le monde dans toute sa diversité qui nous est présenté. Toute cette explosion de couleurs sera parsemée dans la deuxième moitié de la pièce par des interventions enflammées de deux invités exceptionnels. D’une part, dans les notes pétillantes de ses claviers, le maître du flamenco-jazz Chano Dominguez apportera au public le soleil de son Espagne natale. Ensuite, ce sera au son des gammes toutes fières de la mandoline du compatriote d’Itiberê, Hamilton de Holandaque, que la salle savourera une virtuosité sans faille. Après Annecy, c’est Juan Les Pins qui nous est dépeint. On retrouve un peu du Brésil de notre maestro, ou tout au moins de son soleil, dans cette station balnéaire. C’est en effet sur un rythme chaloupé qu’une trompette triomphante fera son entrée. Les vocalises y seront d’ailleurs étourdissantes. Il faut en effet s’imaginer les Northettes d’Hatfield & The North sous acide qui croiseraient le chemin des choristes du thème du Star Trek des années 60 ! Après les couleurs, nous avons donc pu profiter d’un soleil éblouissant. Mais voici venu le tour de Paris. Ici, le ton est plus espiègle, avec une belle complicité entre les cordes et les bois, avant que l’on ne se retrouve dans un bal populaire au son de… vous l’aurez deviné… un accordéon. Les couleurs sont toujours là, avec cet arc-en-ciel éclatant, dans lequel l’instrument diatonique brille de mille feux aux côtés des cuivres et des bois. Quand vient le tour de fêter les Gaulois, baignant dans la bonne humeur et l’air frais de la campagne (à nouveau ces flûtes candides), les voix reviennent au pas de charge. Elles le feront ici tantôt dans des tonalités lyriques teintées de surprise et d’amusement (les Northettes sous acide), tantôt dans un scat habité (un peu à la manière d’Urszula Dudziak… Hein, vous ne savez pas qui c’est ?). Le saxophone un peu perdu nous fera sourire, avant que l’émerveillement ne nous saisisse dans cette grande fête à laquelle nous convient le xylophone enjoué, le tuba pressé, les violons exultants et les trompettes rutilantes. C’est à Grenoble que nos itinérants finiront leur périple. Le tuba enthousiaste donnera l’impulsion à la pièce. Nous sommes alors invités à danser sur des rythmes groovy et funky. Mais le ciel ne va-t-il pas nous tomber sur la tête quand l’inquiétude des voix s’associe à la précipitation des instruments pour tirer la sonnette d’alarme ? Non, c’était juste un court passage pour s’assurer que nous étions toujours attentifs ! Ce sera ce saxophone perdu dans ses pensées qui prendra le relai avant qu’une flûte ne vienne chatouiller les nôtres. Le morceau reviendra aux sons groovy et funky des débuts dans sa conclusion. De toutes les couleurs mises en avant, il ne nous faut pas oublier celles qu’apporte la progéniture du maestro. Avec sa flûte enchantée et son piccolo délicat, la fille, Mariana, fait souffler un vent de poésie sur la scène. Ensuite, tout le long de la performance, le fils, Ajurinã, jongle avec ses toms et ses cymbales aussi adroitement que le personnage de la couverture avec ses couleurs.

Itiberê Orquestra Família da França – Live A Paris band2

Quand la famille d’Itiberê Zwarg rencontre un orchestre français, c’est un univers plein de couleurs et de poésie qui s’offre à nous. Il est intéressant de voir que la musique est capable de transcender les frontières pour ne faire plus qu’un. C’est en essence le message qu’Hermeto Pascoal voulait faire passer à travers le syncrétisme de ses œuvres, et c’est celui que son compère Itiberê Zwarg relaie avec brio à travers cette prestation scénique.

https://www.facebook.com/itibereofdf

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