Glass Beach – Plastic Death

Plastic Death
Glass Beach
Run For Cover Records
2024
Thierry Folcher

Glass Beach – Plastic Death

Glass Beach Plastic Death

Vous voulez de la nouveauté ? Vous êtes orphelins de Radiohead ou de Muse ? Vous êtes prêts à prendre des risques et à ne pas vous faire que des amis ? Moi, j’ai ce qu’il vous faut, mais il ne faudra pas m’en vouloir et dire plus tard que je vous ai fait prendre de drôles de chemins pas très bien fréquentés. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je crois que je ne pouvais pas faire plus alléchant comme entrée en matière. Le paquet-cadeau s’appelle Plastic Death et n’est autre que le deuxième album des inclassables trublions de Glass Beach. Croyez-moi, avec eux, ça part dans tous les sens, c’est énergique, décousu et loin de tout repaire solide. Pour essayer de situer Glass Beach, je peux vous dire que la case math rock est bien pratique et que le monde progressif serait tout heureux de les accueillir (c’est déjà fait chez ProgArchives). Enfin du sang neuf qui prend des risques et qui ne ressemble à rien de connu (ou très peu) ! Il faut malgré tout que ce soit écoutable et que l’on n’ait pas affaire à l’escroquerie de la décennie. Si j’ai pris la décision d’introduire nos quatre amis de Glass Beach dans le monde exigeant de Clair & Obscur, ce n’est pas sans raison valable. Écoutable ? C’est une évidence et bien plus que cela. Il y a longtemps que je n’avais pas ressenti une telle euphorie et un tel désir de partage avec une nouveauté venue de je ne sais où. En fait, oui, ils viennent de Los Angeles via Seattle, mais ne vous attendez pas à une bande son locale, bourrée de clichés. Leur musique est tout autre, en perpétuel mouvement, comme l’explique le guitariste Layne Smith : « J’aime la musique qui ne s’arrête jamais. De la musique que vous ne pouvez pas simplement mettre en arrière-plan. Une musique qui dit : « Tu dois m’écouter tout de suite ! ». Une musique qui exige votre attention active et qu’il est impossible d’ignorer ». Que dire de plus, sinon que la philosophie de notre blog est carrément raccord avec ça.
À présent, il est important que vous sachiez que tous les membres de Glass Beach font partie de la mouvance Queer ou LGBTIA. À titre personnel, je n’ai rien contre, mais je ne cours pas après non plus. Pour ma part, je m’en tiendrai uniquement à la musique sans venir alimenter un débat ou des postures qui me dépassent et pour lesquels j’avoue humblement mon incompétence. Dans son ensemble, la musique de Plastic Death est gentiment brutale (c’est le meilleur oxymore que j’ai trouvé) et grâce aux nombreuses variations de rythme et d’intensité, cela devient vite attrayant. Les hurlements sont éphémères et le chant reste la plupart du temps très doux. Prenons par exemple « Coelacanth », le titre qui ouvre l’album. D’entrée, la voix de J Mcclendon rappelle celle de Thom Yorke et ce n’est pas forcément une bonne chose. Le ton est geignard, comme sait si bien le faire le chanteur de Radiohead. Je vous avoue que je n’ai pas du tout accroché avec le chant et si j’ai résisté, c’est parce que la musique compensait largement ce manque d’attrait. Pour moi, les parties vocales restent le gros bémol de cet album et s’il y a une chose à améliorer, c’est bien celle-là. La production, elle aussi, est un peu brouillonne et devra se professionnaliser pour pouvoir conquérir un plus large auditoire. Alors, me direz-vous, quel est l’intérêt d’écouter ce disque ? La musique, tout simplement. Et, peut-être aussi, le fait qu’avec quelques ajustements, on peut détenir la grosse sensation du moment. Possible que je me trompe, c’est déjà arrivé, mais je ressens un tel potentiel chez ces gars-là, qu’un avenir radieux leur tend les bras. En fait, ils sont rock’n’roll et c’est plutôt rare de nos jours.

 

Glass Beach Plastic Death Band 1
Donc, ce premier titre partait avec le lourd handicap d’une voix de fausset. Une gêne vite compensée par la qualité de l’instrumentation. Un soupçon de thérémine, un piano inspiré, une rythmique jazz pleine d’allant et de perpétuels changements de direction en font une aventure de première classe. On s’en doutait, vu le contexte, les paroles sont tourmentées et forcément très fermées. Mais de son côté, la musique est universelle et se déverse en chacun de nous avec un réel enthousiasme. Le très spectaculaire « Motion » qui enchaîne juste après, prend des airs de fusion où se dévoilent une gentille guitare lead, quelques notes eighties, une mélodie accrocheuse et une rage finale bien compréhensible compte tenu des propos malsains déversés tout au long de ce titre. À ce stade de l’écoute, j’étais presque étonné de ne pas avoir encore zappé et d’être presque impatient de connaître la suite. J’ai donc écouté l’album en entier et pourtant, il est long (plus d’une heure). À la sortie, la seule interrogation consistait à savoir si j’avais envie d’y revenir. Non seulement ce fut le cas, mais en plus, croyant détenir le truc à ne pas louper, l’envie de partage s’est vite imposée. Si vous êtes comme moi, pris au piège, vous comprendrez de quoi je parle et « Slip Under The Door » vous aura peut-être rappelé l’homme schizoïde du 21e siècle. Une évocation éloignée, certes, mais l’aspect métal de la fin plus deux, trois accords Crimsoniens créeront un lien presque évident. Et on n’est pas au bout de nos surprises.
L’aspect progressif est aussi très fort avec le tendre et court « Guitar Song » qui avait tout pour séduire, si ce n’était cette voix énervante qu’il faut vraiment rectifier. Idem pour « Rare Animal » et son habile rythme syncopé (Jonas Newhouse à la basse et William White à la batterie) prélude à une explosion nucléaire qui va quasiment tout irradier. « Cul-de-sac » est contaminé et, malgré ses bonnes intentions de départ, cultive un chaud et froid assassin qui met l’auditeur en extase et sur les genoux. Avec son introduction exotique plus quelques jolis ornements, « Whalefall » repose un peu le client abasourdi, même si cela semble illusoire et de courte durée. Ce qui me fascine le plus chez Glass Beach, c’est cette capacité à nous sortir de petits motifs comme autant d’accessoires capables d’embellir une chanson. On le voit entre autres avec le violon de Camille Faulkner sur « The Killer » ou avec l’atmosphère presque Beach Boys de « 200 ». Ces petites choses sont tellement éparpillées qu’il est impossible de les énumérer. Après de nombreuses écoutes attentives, elles surgissent encore de nulle part. Du rock progressif tout simplement. Pour finir, il est indispensable que je vous présente « Commatose », qui du haut de ses dix minutes fiévreuses règne en maître absolu sur cet album. Ce morceau est un résumé de tout ce dont est capable Glass Beach. Une belle carte de visite qui passe de la caresse à la violence sans aucune difficulté. Le départ est très calme et mélodieux avant que les choses ne s’accélèrent et deviennent carrément intenses, voire brutales. Un changement d’attitude qui maintient malgré tout la même ligne directrice et la même beauté froide. Le final devient grandiose et garde l’auditeur pantois, presque incertain d’avoir tout compris. « Commatose » est une réelle réussite qui laisse à l’ultime « Abyss Angel » le soin de clore Plastic Death, je dirais, un peu trop banalement par rapport à ce que je viens d’entendre précédemment.

 

Glass Beach Plastic Death Band 2
Je me répète peut-être, mais avec de petits réglages, les quatre membres de Glass Beach peuvent prétendre à quelque chose de grand. Si le public (mais aussi le groupe lui-même) se concentre en priorité sur la musique et un peu moins sur l’univers restrictif qui les entoure, tout est permis. Leur premier disque, The First Glass Beach Album (2019), était déjà de bon niveau, mais Plastic Death démontre un vrai passage dans une autre dimension, celle des œuvres étonnantes qui ne demandent que confirmation. Actuellement, le groupe travaille sur son troisième opus et sera, à n’en pas douter, surveillé de très près. Cela étant dit, je dois faire partie de ces gens qui attendent beaucoup et qui risquent peut-être une grosse désillusion. L’avenir nous le dira.

https://glassbeach.band/

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