Esse – A Frenchy Moody Evening
Auto-production
2021
Christophe Gigon
Esse – A Frenchy Moody Evening
Sébastien Bournier fait partie de l’aventure Sousbock et Lunear, il n’est donc pas un perdreau de l’année. Esse est son projet en solo. Son premier essai, Sans Ciel, avait d’ailleurs été discuté sur Clair & Obscur lors de sa sortie en 2018. Ses vidéos de reprises de Genesis, Radiohead, Porcupine Tree ou Jean-Jacques Goldman, visibles sur sa chaîne Youtube donnent déjà un aperçu des intérêts de l’artiste ! A Frenchy Moody Evening est donc la deuxième production de Bournier en solo. Il a (presque) tout composé, écrit, joué, arrangé et produit, aidé par d’autres amis musiciens pour certaines parties, les plus « difficiles à jouer », comme il l’écrit humblement dans le superbe livret du disque compact qui est sorti cet été en autoproduction après une courte levée de fonds. Le clip « Just A Boy » avait fait parler de lui à l’époque et donné l’envie au musicien d’aller plus loin en proposant un album complet du même acabit. Ce disque possède une unité de style et de son remarquable. Une seule et même ambiance est distillée tout au long des onze pièces mélodiques du projet. Et, contrairement à ce que pourrait laisser croire la photographie d’illustration de cet article (voir plus bas), le bonhomme est loin d’être un bras cassé !
La tonalité générale de l’album doit beaucoup au Marillion le plus calme, celui de Happiness Is The Road (2008) ou F.E.A.R. (2016), le côté aventureux en moins. En effet, on ne parle pas ici, du tout, de rock progressif. Il s’agit de rock mélodique, principalement écrit aux claviers, sur lequel le maître de cérémonie pose sa voix fragile, à la justesse souvent mise en danger. Le choix, discutable, voire dangereux, de chanter dans la langue de Thom Yorke peut sembler contre-productif tant l’accent français de Sébastien reste (volontairement ?) marqué. On peut imaginer que le créateur était conscient de ses limites puisque le titre-même de la galette semble annoncer la couleur: il s’agira de créer une ambiance « tristounette » « à la française » tout en chantant en anglais ! Certains auditeurs, fans de Radiohead ou de Steven Wilson, trouveront le résultat un peu plat, minimaliste, voire trop « variétoche ». En revanche, les amateurs de l’épure « à la Mark Hollis » y trouveront probablement leur compte. Cependant, force est d’avouer que le constat reste mitigé: la simplicité évidente, et désirée, de cette grosse dizaine de chansons mène l’expérience d’écoute aux limites de l’ennui. Ensuite, la maîtrise vocale, perfectible, crée un léger sentiment de malaise tout au long du voyage. Pour finir, l’absence totale de guitares et la prédominance constante de nappes de claviers produit un résultat quelque peu somnifère, comme savait si bien le faire Jean-Jacques Goldman (un mentor avoué de Sébastien Bournier), avec des titres comme « Veiller Tard » ou « Famille ».
On ne trouvera pas dans A Frenchy Moody Evening le coté pop réussi que l’on connaît chez Lunear ni la madeleine de Proust « goldmanienne » qui fait le sucre de Sousbock. Une semi-réussite ou une demi-déception, à voir. Mais n’oublions pas que l’on parle d’un projet solitaire, auto-produit et auto-financé. Quand tant de gens critiquent sans faire (comme l’auteur de ces lignes), sachons rester redevables à ceux qui créent, proposent et offrent. Ainsi, merci.