David Bowie – The Next Day
David Bowie
Columbia
On n’allait pas passer sous silence le retour de notre martien favori après 10 bonnes années d’absence. David Bowie, le caméléon, le créateur de modes musicales, le dandy androgyne du rock, œuvrant en clair-obscur, brouillant les pistes, racontant une chose pour faire son contraire, la résurrection de ce mythe ne pouvait passer inaperçue. Tout le monde lui doit quelque-chose, tout le monde le respecte, et son retour est un évènement. Sans tambour ni trompette, David Bowie, que l’on disait malade, voire carrément mort, a ressurgi tel un pantin dans sa boite, et nous amène en grande forme son album le plus réussi depuis « Outside », le chef d’œuvre avant-gardiste du monsieur, coproduit par Brian Eno qui s’était également chargé des synthés et des sons triturés gravement barrés de ce monument paru en 1995. Il faut dire qu’après ce coup de maître, les albums suivants ont paru bien fades. « Earthling » en 1997, drum and bass à fond les manettes, réveillait les esprits mais lassait à la longue, « Hours » succombait à la variété classique, « Heathen » montrait que Bowie en avait encore sous le pied pour nous étonner mais, hélas, l’opus était par trop inégal. Quant au dernier en date, « Reality », il alternait bons morceaux pop avec d’autres plus dispensables. L’impression générale était le manque d’ambition de ces disques, l’originalité de l’artiste était toujours là, mais la volonté de surprendre s’était perdue.
« The Next Day » sort donc 10 ans plus tard et Bowie, à 66 ans, chante comme au premier jour, avec sa voix si particulière et reconnaissable. Peut-être que les années passant et l’artiste manquant sérieusement au paysage rock britannique, on en devient plus indulgent avec lui. Car « The Next Day » n’est pas une révolution. 14 titres composent l’album (+ 3 pour la version deluxe) et les chansons, aussi variées soient-elles, naviguent en terrain connu. Par contre, il est indéniable que la sophistication de son auteur est toujours présente et saute aux oreilles, tant sur la production que sur les compositions, jamais faciles, et certaines à rebondissements.
Bowie aime les ambiances torturées, sorte de chaos musical, où tout se rencontre en même temps, mais n’oublie pas les mélodies agréables à l’oreille (« I’d Rather Be High », « So She », « Valentine’s Day »), les hits potentiels (« The Stars (Are Out Tonight) », le nostalgique « Where Are We Now ? », le pêchu « (You Will) Set The World On Fire », la balade à tomber « You Feel So Lonely You Could Die »), les atmosphères expérimentales (l’hypnotique « Heat », « Dirty Boys » qui renvoie autant à David Lynch qu’à Tom Waits), et les morceaux au son typiquement Bowie (« The Next Day », « If You Can See Me », « Boss Of Me »). On retrouve avec bonheur du saxophone, empreinte classique du maestro. Enormément de riffs de guitare tous excellents, et qui animent l’intérêt à chaque fois. Les morceaux renvoient beaucoup à différentes périodes de l’artiste, notamment la trilogie berlinoise « Low », « Heroes » et « Lodger », mais aussi aux albums « Black Tie White Noise » et « Outside ». Des moments fugaces rappellent ici où là des titres connus. La pochette, d’ailleurs, est celle de « Heroes » avec un carré blanc dessus où le nom de l’album est écrit !
Produit par le fidèle Tony Visconti, on retrouve avec plaisir des figures connues dans l’univers du Thin White Duke, comme Gail Ann Dorsey, Tony Levin, David Torn ou Sterling Campbell. Cet album est loin d’être parfait, certains titres (heureusement peu) sont faiblards, mais il reste étonnant de vitalité et d’originalité, même s’il est loin le temps où Bowie écrivait l’histoire du rock.
Fred Natuzzi (8/10)