David Bowie – Let’s Dance
EMI
1983
David Bowie – Let’s Dance
Après Scary Monsters (And Super Creeps), Bowie part vivre à New York. Entre-temps, il n’a guère chômé : enregistrement du titre « Cat’s People (Putting Out Fire) » avec Giorgio Moroder pour le film La Féline, enregistrement du titre « Under Pressure » avec Queen, poursuite de l’expérience théâtrale The Elephant Man, tournage de l’adaptation télévisuelle de la pièce de Bertolt Brecht, Baal et enregistrement du Baal EP, tournage cinématographique de The Hunger (de Tony Scott, le frère de Ridley, avec Catherine Deneuve et Susan Sarandon ; Les Prédateurs en français), et surtout tournage du film de Nagisa Oshima, Merry Christmas Mr Lawrence (Furyo en français, avec le musicien Ryuichi Sakamoto – qui réalise la BO du film – dans le rôle du capitaine Yonoi)…
David passe des vacances bien méritées à écouter notamment du rhythm’n’blues. Lassé de son contrat finissant avec RCA, il signe chez EMI et décide de donner un tournant radical à sa carrière. Pour ce faire, il décide de confier la responsabilité de son prochain album à Nile Rodgers, le guitariste, compositeur et producteur du groupe Chic. De façon inhabituelle, Bowie laisse la main à Rodgers pour se consacrer quasi exclusivement au chant. C’est une nouvelle équipe de musiciens que rassemble Rodgers, avec en particulier Omar Hakim (nouveau batteur de Weather Report), l’immense bassiste soul et disco Carmine Rojas, une section de quatre cuivres, les frères Simms aux chœurs… Seul apport de Bowie, il impose la présence du guitariste de blues Stevie Ray Vaughan. Let’s Dance marque un retour à David Live et Young Americans qui va en surprendre plus d’un. Véritable tournant dans la carrière de Bowie, Let’s Dance est marqué par la sobriété de la production, très typée années 80, et un certain manque d’inspiration. Néanmoins, des titres comme « Let’s Dance », « China Girl » (version pacifique du titre offert à Iggy Pop) ou « Modern Love » propulsent Bowie en tête des charts et lui assurent un avenir financier confortable.
Contrairement à Simon Critchley (Bowie : Philosophie intime, Paris, La Découverte, 2015), j’ai aimé la tournée « Serious Moonlight Tour ». Est-ce un contexte personnel, les amis présents avec moi à Lyon en mai 1983, le fait de voir Bowie sur scène pour la première et malheureusement unique occasion ? Certes, entouré de Tony Thompson (batteur de Chic présent sur l’album), de Carmine Rojas à la basse, de Carlos Alomar et Earl Slick aux guitares, d’une section de cuivres composée de Steve Olson, Stanley Harrison et Lenny Pickett, de David LeBolt aux claviers et des frères Franck et George Simms aux chœurs, Bowie contrôle un groupe manquant quelque peu de cohésion : nous sommes là dans la période grandiloquente d’un Bowie qui désire plus que tout un succès populaire qui lui a longtemps échappé. Si, bien évidemment, Let’s Dance n’est pas à la hauteur des meilleures productions discographiques de Bowie, il n’en marque pas moins l’entrée dans une période florissante et populaire (mais les années 80 sont-elles si prolifiques que cela ?) qui permettront sans doute le retour inattendu d’un David Jones décisif avec l’inégalable Outside en 1995.
Henri Vaugrand