Corvus Stone – Unscrewed
Autoproduction
2015
Corvus Stone – Unscrewed
Je dois bien avouer que Corvus Stone avait échappé à mes sonars progressistes… Et puis, un soir, en écoutant l’émission de l’ami Lucas Biela sur ISKC Rock Radio, je découvre un OVNI instrumental, « Brand New Day », d’une joyeuseté et d’une fraîcheur à vous dégoûter une canicule estivale ! Ni une ni deux, je me renseigne, me retrouve en contact avec Colin Tench, on papote, et je me retrouve avec les 13 pistes qui constituent ce Unscrewed, littéralement « dévissé ». Corvus Stone, c’est un curieux groupe comme il commence à en naître beaucoup via les réseaux sociaux. Des musiciens se contactent, s’envoient des projets de morceaux et s’acoquinent dès que le feeling passe. Du coup, les principaux protagonistes de CS (les quatre principaux musiciens auxquels il faut associer la graphiste Sonia Mota) se sont attelés à l’écriture de deux albums depuis 2012 (« 1 » et « 2 » pour faire simple) et ont également travaillé sur des remixes et de nouveaux morceaux qu’ils ont finalement compilés sur ce nouvel opus, non prévu au départ.
Unscrewed est un joyeux fourre-tout qui vous fait passer du coq à l’âne, sans jamais tomber de Charybde en Scylla ! Bien entendu, l’album est une pure autoproduction qui peut souffrir de légères imperfections. Mais franchement, et je pense que les joyeux lurons de Corvus Stone seront d’accord avec moi : on s’en fout ! Ce qui compte ici, c’est la fraîcheur des compositions, les idées des remixes, le plaisir qui transpire de la part des musiciens à interpréter tout ça, les idées qui s’accumulent sans pour autant prendre la tête, les petits gimmicks qui ramènent immanquablement à des références héritées des 70s, mais pas seulement. Oh, rien de conceptuel là-dedans, les enchaînements de morceaux sont même parfois très surprenants. « Unscrewed », c’est un peu comme la devanture d’une pâtisserie renommée : on a envie de rentrer et de goûter à tout, mais comme il faut être raisonnable, on prend un seul gâteau… et on revient immanquablement le jour suivant !
Aussi, je ne vous ferai pas le pitch exhaustif et fastidieux de cette friandise (un peu trop d’émissions et de boutiques consacrées à la cuisine, non ?), d’autant que vous pourrez la découvrir sur la page Bandcamp du groupe. Non, bien plutôt, je ne peux que vous inviter à suivre ces joyeux drilles dont la gaieté transpire tout au long de l’album, dont la maîtrise technique est indéniable (une médaille particulière pour le jeu de guitare flamboyant de Colin Tench), dont les compositions sont riches et parfois décalées, mais sans longueurs inutiles ni démonstration gratuite.
Outre « Brand New Day », véritable pépite, je sortirai du lot « Early Morning Calls » (pour sa construction et ses lignes de chant magnifiques – ah ce départ « I see it in your eyes… », digne de TenCC), « Horizon (remix) » (génial et léger, avec la ligne de basse dantesque de Petri), « Landfill » (drôle et décalé avec ses percussions tape-à-l’oreille et sa guitare oldfieldienne), le très fusion « Scary Movie Too », « Lost And Found Revisited » (perché entre Blackmore’s Night et Crosby, Stills & Nash), « Cinema Finale » (pour la guitare gouleyante de Colin).
Allez également jeter un coup d’œil à la vidéo de promotion de l’album illustrée par Sonia Mota (X) et vous aurez un panorama complet de la légèreté radieuse mais travaillée de Corvus Stone. A l’heure où bon nombre de musiciens et de groupes se prennent très au sérieux (beaucoup trop pour certains d’ailleurs, au regard de la qualité de leurs productions), Corvus Stone nous ramène aux origines de la musique progressiste : un mélange d’influences bien digérées (rock, jazz, classique, traditionnelle…), d’audaces musicales et d’humour appelant des images cinématographiques dignes de Tim Bruton, des Marx Brothers ou des Monty Python…
Pour toutes ces raisons, Unscrewed est un bol d’air frais au sein d’une production luxuriante et parfois étouffante, qui vous mènera irrémédiablement à écouter le reste de la discographie corvustonnienne si ce n’est déjà fait. À découvrir, et avec le sourire !
Henri Vaugrand