Corpsessed – Abysmal Thresholds
Corpsessed
Dark Descent
Il fait noir. II fait froid, humide, sale, sordide. Impossible d’avancer, tellement sombre, trop profond, à l’étroit jusqu’à l’étouffement. Les membres sont paralysés, bloqués par un enchevêtrement de racines tortueuses. Seule la tête peut esquisser quelques vagues mouvements plaintifs d’animal apeuré, alors que l’air vient à manquer. L’asphyxie pointe au bout de la trachée. Sentiment acre, terre boueuse, bois pourri et liquide gouttant çà et là, « ploc-ploc », à la base du cou. D’effort en effort, les muscles font davantage souffrir. Les parois se rapprochent, le boyau se rétrécit, enserrant le corps, se gorgeant de sa vie. Le cou se tend, cherchant une échappatoire. Rien qu’un point de lumière dans cet océan de charbon. Un entonnoir, les racines pressent l’étreinte, les doigts craquent, les os se déforment, de la boue entre dans la bouche, les yeux, les narines. Brouillage, étreinte, moiteur. Vers, scolopendres, fourmis montent, s’agrippent, cherchent. Intrusion. Les branches percent muscles, peau, chair. Impossible de crier, trop de boue et de vers dans la gorge. La glotte est arrachée, mangée, digérée. Des racines sortent par les orbites, le boyau se resserre, la peau se désagrège, tombe, engloutie par le flux organique.
Cage thoracique expulsée, tendons transpercés, sucs abreuvés, les larves profitent du festin. Le boyau remonte le corps, ce qui en reste. Eau, boue, mousse, lombrics, un escalier de racines noueuses. De par les orbites, je vois, mes phalanges grattent, poussent. L’air rentre pour aussitôt ressortir de ce trou béant qu’est mon corps, masse informe qui s’extirpe. Ma colonne vertébrale est un tronc spongieux. Je suis un épouvantail, une déjection, ma face putrescente est ma grimace, ma signature, un sourire narquois à la vue de tous.
Des œufs forment mes yeux. La pluie m’indiffère, elle m’apaise, ma chair est consommée, régurgitée, attendant de nouveaux prétendants. Un cycle. Mes doigts pointent le ciel, mon intestin grêle sert d’engrais alors que les charognards dégustent chaque saveur de cette liqueur âpre et aphrodisiaque. Nouveaux muscles, nouvelle chair. Fixe mon regard, observe mon sourire…
Jérémy Urbain (8/10)
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