Chris Watson/Bj Nilsen – Storm
Chris Watson/Bj Nilsen
Touch
J’ai déjà parlé des deux hommes dans ces pages. Tous deux excellents dans la prise de sons directe d’environnements, et il n’y a pas mieux dans le genre, point barre (allez, mis à part Thomas Köner, Francisco López et Jana Winderen). Et j’adore le field recordings, voilà ! Cet album est surtout l’occasion pour Chris Watson et Bj Nilsen de, non pas se confronter à qui aura la plus grosse intervention naturante (vous avez de ces idées !), mais de prêter et organiser un ensemble. « Storm » n’est pas réellement un split album. Il commence comme un disque de Chris Watson avant qu’un partage ne s’opère et que Bj Nilsen ne reprenne le flambeau pour terminer celui-ci. Si vous avez vu le titre, vous savez de quoi il retourne sur cet album. Et si l’ouvrage commence avec des chants d’oiseaux, et pour tout dire, en « douceur », Chris Watson fait monter la tension avec ses enregistrements capturés en cinq années, tout de même.
Ce qui intéresse l’anglais, ce sont les bruits animaliers (difficile de passer outre), mais aussi sa manière d’agencer toutes ces sonorités en une construction sonique bluffante. Cependant, et j’insiste là dessus, l’artiste possède une manière unique de capter les sons les plus forts perceptibles par les microphones (détaillés dans la jaquette, et ce n’est pas du petit matériel, croyez-moi !) ou du moins ceux ayant le caractère psychoacoustique le plus prononcé. C’est bien simple, on se trouve transporté sur la mer du nord ! Une transition se fera avec le sound-artist suédois sur l’imposant « Sigwx » du haut de ses presques 19 minutes (le premier véritable enregistrement d’orage n’apparaît qu’à 3 minutes 30 environ). Ou, comment opérer un passage subtil de la mer anglaise jusqu’aux remous nordiques extrêmes. Le vent siffle, les vagues grondent, la pluie abonde. On se laisse dériver. Le soleil percera-t-il ? Tu parles ! Les turbulences se font sentir. Les basses « créées » par les captations prennent au corps. On en arriverait presque à tendre la main pour toucher une parcelle d’eau imaginaire. Et puis, c’est sur la dernière partie que la puissance des éléments se fera sentir et deviendra tactile. Là, vous aurez vents à écorner les boeufs, vagues, marée qui nous entraîne à l’horizon, mais pas que ça. C’est aussi cette sensation, cette écoute décuplée, car tout simplement privée des yeux. C’est un fantasme, une idée de formes et d’éléments naturants.
Ecouter « Storm », la nuit, dans la ville, c’est le vivre chez soi, se déplacer sans bouger. Voir les yeux fermés sans que les rumeurs d’automobiles tout comme le silence ne perturbent. « Storm » ne bénéficie d’aucun effet, il est tel qu’il a été capté et mixé. C’est ce qui en fait sa force et son attraction.
Jérémy Urbain (8/10)