Black Rebel Motorcycle Club – Wrong Creatures
Pias
2018
Black Rebel Motorcycle Club – Wrong Creatures
Black Rebel Motorcycle Club (BRMC), vous connaissez ? Non ? Oui ? Peut-être ? Alors laissez-moi vous expliquer. C’est un power trio venu tout droit de Californie et qui a emprunté son nom au groupe de motards dans le film L’Équipée Sauvage. Déjà la référence en met plein la vue ! Ces petits jeunots ont débarqué en 2001 avec un album éponyme rempli jusqu’à la gueule de riffs incendiaires et de rock nerveux, inspiré du meilleur des 70’s avec un soupçon de Beatles façon Lennon (le génial « Awake » par exemple ou « Love Burns »). BRMC, c’est le groupe qu’Oasis aurait voulu être mais sans en avoir le talent. BRMC ce sont des brûlots rock and roll dans ta face. Écoutez « Whatever Happened To My Rock’n’Roll (Punk Song) » et vous comprendrez. La dynamique est prenante, les montées en puissance sont jouissives, bref c’est un putain d’album.
Le second, Take Them On, On Your Own, paru en 2003, est du même acabit, et monte le groupe au statut de culte. À ce moment-là, on croyait avoir tout compris à ce combo, on pensait avoir déjà tout vu. Et vint la surprise Howl. Ce troisième album, personne ne s’y attendait. Exit les guitares tranchantes, bonjour la folk et le blues moite, et en avant pour un chef-d’œuvre suintant les influences illustres comme Johnny Cash, Dylan, ou les Stones, avec des morceaux sublimes : « Ain’t No Easy Way », « Sympathetic Noose » ou « Fault Line » pour en citer quelques-uns. Mais à partir de là, BRMC a perdu la moitié de son public qui n’avait rien compris à ce retournement de situation, sans saisir que les BRMC étaient revenus à l’essence de la musique qui les faisait vibrer et qui avait donné naissance à leur rock. Baby 81 remit péniblement le groupe sur les rails d’un rock plus familier à son public mais perdit définitivement sa rage, sa hargne. L’accent était dorénavant mis sur des compositions plus réfléchies et l’on commençait à voir apparaître plus de titres atmosphériques. « 666 Conducer » ou les neuf minutes d’« American X » sont impressionnants de maîtrise.
Quelques albums plus tard et nous voici avec Wrong Creatures, nouvel opus salué comme un retour en force des BRMC. Et d’une certaine manière, oui, car la puissance est de retour, mais sporadiquement. Les BRMC ont mûri, grandi et leur musique aussi (et je ne veux pas vous faire de peine, mais… vous aussi !). Il faut reconnaître qu’ils ont toujours un putain de son. « Spook » retrouve un peu de la hargne d’antan, mais ensuite « King Of Bones » prend aux tripes, et son cheminement est un bon exemple de ce que le groupe est devenu : purement imprévisible. Comme ce « Haunt » à l’ambiance digne d’un Nick Cave, et qui s’envole à la fin, ou le feeling faussement Lou Reed qui se dégage de « Echo » avant son refrain aérien de toute beauté.
BRMC mélange les genres, peut sembler plus fainéant par moment car plus langoureux, et il faut bien se dire que la mèche de la dynamite qui explosait les morceaux des deux premiers opus est bien éteinte, afin d’apprécier le groupe à sa juste valeur. « Ninth Configuration » enfonce le clou. On entre doucement dans la chanson qui se développe progressivement avant de monter un mur de guitares. Sérieusement génial. Par contre, « Question Of Faith » aurait peut-être mérité plus d’intensité vocale et l’atmosphérique « Calling Them Away » peine à décoller, mais quand il y arrive c’est réussi. « Little Thing Gone Wild » ne convainc pas non plus, la faute à un titre assez rock mais passe partout. Et tant qu’à faire de lâcher le morceau, autant utiliser un orgue pour lancer « Circus Bazooko », un titre pour le coup surprenant, mais qui s’avère au final peu intéressant. C’est beaucoup mieux avec « Carried From The Start », avec un retour à une atmosphère prenante et travaillée. Enfin, « All Rise » clôture Wrong Creatures en beauté avec sa fabuleuse montée en puissance hypnotique.
À l’écoute des derniers opus des BRMC, on pourrait donc légitimement se demander « Whatever happened to their Rock and Roll ». En rester à cette interrogation équivaudrait à laisser filer un groupe qui est en permanente recherche, qui travaille ses compositions, et qui propose dans l’univers rock des morceaux toujours intelligents. Ce sont des flèches tirées dans l’obscurité. Par moments, elles touchent en plein cœur de la cible, à d’autres elles tombent à côté. Mais elles ne se brisent jamais. Elles font l’étoffe des grands groupes, et assurément, Black Rebel Motorcycle Club en est un.
Fred Natuzzi
http://www.blackrebelmotorcycleclub.com/