Arch Enemy + Kreator au Bataclan, Paris, le 2 décembre 2014
Arch Enemy + Kreator au Bataclan, Paris, le 2 décembre 2014
M’étant senti poussé des ailes pour chroniquer des albums au début de cette année, j’avais décidé récemment d’ajouter une corde à mon arc avec la critique de concerts. Et celui de Kreator, avec Arch Enemy, tombait à pic pour me lancer dans cette nouvelle activité. Ma soif de musique n’ayant pas de limite, nul ne s’étonnera de me voir faire le compte-rendu d’une affiche de metal extrême, genre qui a bercé mon adolescence et vers lequel je reviens souvent. Les premières parties du concert couvert ici ne s’annonçaient pourtant pas terrible, avec un groupe qui porte très mal son nom (Drone) et un autre qui le porte très bien s’il fait référence à une réaction en retour (Slamdown). Mais comme les apparences peuvent s’avérer trompeuses, une écoute préalable de morceaux des deux groupes précités s’imposait, et celle-ci m’a cependant bien conforté dans mes opinions préconçues. Par ailleurs, que ne fut grande ma déception quand j’appris que, dans les autres pays de leur tournée européenne, les ouvertures étaient assurées par les mythiques Sodom et Vader. Bref, autant vous dire que je ne me suis pas dépêché pour être présent à l’ouverture des portes (18h).
Arrivée vers 19h30 donc, juste à temps pour le show d’Arch Enemy. Au passage, poignée de main avec un ami de six ans, « Pok », grand admirateur de metal extrême et de hardcore, qui m’a permis à l’époque de renouer avec les héros de mon adolescence, et avec qui j’ai pu partager quelques bières au cours du spectacle. De manière à ne pas nous sentir pris en tenaille, nous nous déportons vers le côté latéral de la salle, là où la forêt humaine est plus clairsemée et où nous espérons avoir une meilleure vue sur la scène. Mais notre petite taille nous obligeant à faire des pieds et des mains (surtout des pieds) pour associer le son à ses auteurs, nous nous résignons à rejoindre le balcon où la vue est nettement plus dégagée. Entre-temps, nos suédois ont réchauffé la salle avec leur hymne guerrier « War Eternal », qui passerait allègrement sur les ondes si la voix était plus claire. La nouvelle recrue québecoise, Alissa White-Gluz, ressemblait à ce propos à une vraie lionne avec sa crinière au bleu azur flamboyant lui seyant à merveille. D’ailleurs, pour rester sur le plan capillaire, l’on notera qu’en assemblant les couleurs de cheveux de Michael Amott (guitare), d’Alissa et de Jeff Loomis (guitare), on pourrait reconstituer le drapeau français !
J’attendais beaucoup de ce dernier, par ailleurs nouveau membre du groupe (officiant déjà avec Nevermore), mais il est resté assez effacé, son alter ego aux cheveux rouges lui volant largement la vedette. Par ailleurs, Alissa s’avère être un excellent substitut à Angela Gossow, tant sur le plan visuel (il suffit de voir la vidéo de « War Eternal » pour s’en convaincre) que vocal (une maîtrise totale du chant guttural). Grâce notamment à l’usage de la langue de Molière dans ses harangues, elle a su se mettre le public dans sa poche. Celui-ci s’est d’ailleurs exécuté tout de go quand exhorté à reprendre en choeur les refrains ou à « sauter dans les airs ». Chez la belle, point de chichi, on growle, un point c’est tout. Et on le fait drôlement bien par dessus le marché. Assez ignorant du répertoire du groupe, je ne me risquerai pas à citer les titres qui ont suivi le single tiré du dernier album.
Ce que j’en retiens néanmoins, c’est qu’ils étaient empreints d’un enjouement les rapprochant du monde la pop (si si, je vous assure). Même s’il est de notoriété publique que leur style (le death metal donc) est à caractère mélodique, cette patte mielleuse omniprésente n’a pas manqué de me surprendre. En effet, le petit dernier (écouté en hâte la veille du concert à partir du lien youtube que Diane Messier, la plus grande supportrice de la scène metal québécoise, a partagé sur son groupe Facebook « Juste du Prog »), me semblait receler de pépites de violence brut de décoffrage. Mais on ne va pas faire la fine bouche, le groupe excelle dans son style et on dira que c’était un bon hors-d’oeuvre avant la tornade Kreator.
Et effectivement, avec ceux-là, on passe véritablement à table. Groupe culte de la scène thrash allemande qu’il a marqué de son sceau avec des albums aussi définitifs que « Pleasure To Kill » ou « Coma Of Souls », le retour de Kreator sur les planches deux ans après la tournée du redoutable “Phantom Antichrist” était très attendu. Ici, pas de growls, mais un chant rageur reconnaissable parmi d’autres, et point de chichi sur le plan musical cette fois-ci. En effet, nous voilà plongés dans une violence sans concession, pour le plus grand bonheur des grands enfants que nous sommes restés et qui ne pouvons nous remettre de la déferlante thrash de la deuxième moitié des années 80. Et près de 30 ans après ses débuts, force est de constater que le groupe n’a rien perdu de son énergie. Avec un batteur qui assène ses coups avec une telle violence et une telle vélocité que l’armature de son set en vient à trembler (renseignements pris, il s’agit bien de Ventor, le bougre approche quand même les 50 balais !) et un Mille Petrozza à la verve toujours aussi acérée et au jeu de guitare plus fougueux que jamais, on assiste à la mise en scène d’une véritable apocalypse !
Exhortant à un moment les fans présents dans la fosse à se séparer en deux groupes – tel Moïse ouvrant la mer Rouge – pour ensuite rentrer en collision dans un mosh pit défoulatoire, on comprend que le morceau à suivre va nous infliger une sévère correction ! Par ailleurs, Ventor faisant régner sa loi du tempo blasté, il n’était pas rare de voir des circle pits (vous savez, cette ronde exécutée au pas de course !) et des pogos dans la fosse. L’ami « Tuix », un autre inconditionnel des concerts de metal, ne passait d’ailleurs pas inaperçu dans la foule avec son chapeau de cowboy rose, qui donnait des allures de rodéo à ses crowd surfings. Vous l’aurez compris, le groupe a choisi les chansons les plus percutantes de son répertoire pour assurer son show. Outre les appels aux mosh pits et autres joyeuseries frontales, Mille a également adressé des messages assez contrastés. En effet, sa formule angélique « la musique rassemble les peuples de divers cultures » vient en contrepoint d’un « Au diable la religion ! Au diable les hommes politiques ! » (pour garder un langage châtié) empli de haine.
Après cinq rappels dont une reprise tonitruante de « Number Of The Beast », et le classique « Flag Of Hate », annoncé par un Mille tout excité d’agiter un drapeau sur lequel figure le titre du morceau, c’est l’extinction des feux. Il est 22h30 et on se sent revigorés ! Côté show, on n’a rien vu de neuf sous le soleil, des images projetées sur le fond de la scène et des lumières bigarrées tombant du plafond. Mais encore une fois, les projecteurs aveuglants placés tout le long de la scène (une lumière blanche clignotante) ont sévi, minant quelque peu notre plaisir de temps à autre.
En conclusion, ce fut une belle soirée. D’un côté, du sang neuf avec la belle Alissa et des refrains accrocheurs, de l’autre la vieille garde avec Mille Petrozza et son compagnon des débuts Ventor le terrible, qui arrivent encore à nous sonner avec leurs uppercuts dévastateurs.
Lucas Biela