Anathema – Universal
Anathema
KScope
Groupe phare du doom-death metal à l’aube des années 1990, au même titre qu’un My Dying Bride ou qu’un Paradise Lost, ce combo formé par les frères Danny et Vincent Cavanagh (chant et guitare) et par le bassiste Duncan Patterson a, à cette époque, publié quelques pépites qui ont comblé de bonheur les fans dépressifs du genre. Citons, à ce titre, « Serenades » (1993), « Pentecost III EP » (1995) et « The Silent Enigma » (1995). Puis la formation s’est, dès la sortie de « Eternity » en 1996, émancipée de ses influences suicidaires pour évoluer vers une musique plus atmosphérique et progressive. Depuis lors, le gang des frères Cavanagh (rejoint, depuis 2000, par la superbe vocaliste Lee Douglas et, depuis 2001, par le troisième membre de la fratrie, Jamie, à la basse) célèbre avec maestria un rock atmosphérique de toute beauté, décliné au fil des magnum opus que constituent « A Fine Day To Exit » (2001), « A Natural Disater » (2003), « We’re Here Because We’re Here » (2010) et surtout « Weather Systems » (2012), sur lequel le sextet de Liverpool a atteint un état de grâce qui a laissé plus d’un fan sur le cul.
Emargeant désormais chez KScope (le label britannique qui a le vent en poupe), la formation nous offre aujourd’hui avec « Universal » le sommet de sa carrière. Déclinée sous plusieurs formats (les principaux étant le Blu-ray et le coffret CD + DVD, ce dernier étant toutefois amputé des bonus enregistrés à l’Union Chapel de Londres en 2011) et emballée dans un digibook luxueux, cette œuvre magnifique restitue avec maestria le concert donné par le gang british dans l’enceinte grandiose de l’ancien théâtre romain de Philippopolis en Bulgarie en septembre 2012, avec la présence d’un orchestre philharmonique jamais pompeux ni envahissant. Le cadre d’exception donne, au demeurant, à ce gig un caractère grandiose et le rendu visuel est parfait (pas d’effets aussi chiants que branchés, qualité exceptionnelle du cadrage et du mix, gros plans judicieux durant les soli, etc…).
Ouvrant les hostilités en fanfare avec les deux parties splendides de « Untouchable », tirées de son dernier opus studio en date, puis avec le touchant « Thin Air » (extrait de « We’re Here Because We’re Here »), Anathema nous offre pas moins de vingt morceaux d’exception, sublimés par un jeu de lumière de grande qualité, et essentiellement piochés dans ses quatre derniers opus. Sortez vos kleenex ! Le groupe interprète en effet avec toute son âme la musique qui lui vient droit des tripes, et l’on sent souvent Vincent (jouant la plupart du temps les yeux fermés, à fond dans son trip) au bord des larmes, devant l’accueil exceptionnel réservé par un public qu’il prendra à de nombreuses reprises en photo et qu’il remerciera, avec force émotion, à la fin de « Flying ».
Et la magie opère forcément, comme donc sur ce « Flying » stratosphérique, chanté à pleins poumons par les heureux spectateurs, ou encore sur le splendide « A Natural Disaster », magnifié par la voix exceptionnelle de la belle Lee Douglas. Quant à l’orchestre, il ne « surjoue » jamais, mettant au contraire brillamment en exergue la puissance mélancolique des compositions (de « A Simple Mistake » à « Closer », en passant par « Lightning Song », « Everything », « The Beginning And The End » et « Deep », pour ne citer que quelques unes des pièces les plus bouleversantes).
Le show s’achève sur trois morceaux relativement moyens qui dénotent avec la beauté diaphane de l’ensemble (le diptyque « Panic/Emotionnal Winter » et le quelconque « Fragile Dreams »). Il n’empêche : voici un objet d’exception qui, malgré cette légère réserve, nous présente un combo véritablement habité. Un document brillant et d’une beauté « universelle » qui finira à coup sûr dans mon top cinq de l’année 2013.
Bertrand Pourcheron (9,5/10)