A.C.T – Circus Pandemonium

Lorsqu’il s’est agi d’établir la liste des meilleurs groupes scandinaves de rock progressif de ces vingt dernières années, certains se sont imposés naturellement (Änglagård, Anekdoten, The Flower Kings…) tandis que d’autres faisaient débat. Et A.C.T a fait partie de cette seconde catégorie, mais surtout pour cause de promotion insuffisante et donc faute de reconnaissance médiatique à la hauteur de son immense talent. Auteur, avec « Circus Pandemonium », de son cinquième album studio depuis le fondateur « Today’s Report » en 1999, le combo suédois originaire de Malmö s’est fait éjecter de l’écurie Inside Out au lendemain de la sortie du tristement sous-estimé « Silence » (2006), opus de grande qualité qui avait pourtant reçu un accueil critique plus que mitigé. Il faut dire aussi que les deux bombes précédentes (« Imaginary Friends » en 2001 et « The Last Epic » deux ans plus tard) avaient vraiment placé la barre très haut, imposant le style assez frais et unique des suédois, sorte de cocktail enjoué et décomplexé du meilleur It Bites (époque Dunnery), de Saga, de Yes 80’s et de Queen 70’s ! Virtuosité, lyrisme, fantaisie et décontraction conjugués étaient déjà en effet la marque de fabrique des musiciens. Et A.C.T s’est, en toute logique, imposé dès son premier opus comme un très grand groupe, aussi professionnel qu’incroyablement volubile et créatif.

Faire l’impasse sur le nouveau disque d’un combo aussi résolument novateur et progressif au sens étymologique du terme eût donc été une pure hérésie. Publié dans un premier temps par le label japonais Avalon Records puis en auto production en Europe, « Circus Pandemonium » déboule enfin dans nos platines et déstabilise tout le monde par son côté « auberge espagnole ». Les musiciens ont en effet glissé, dans leur rock évolutif « métallisé » toujours aussi barge, de la musique de cirque (« Intro ») et une bonne dose de fusion (le fiévreusement moderne « Everything’s Falling »). Bref, la formation s’est, une nouvelle fois, complètement lâchée et nous propose un CD aussi audacieux que ses prédécesseurs, qui sort complètement des sentiers battus un peu à la manière du premier opus des canadiens d’Incura qui, n’en doutez pas, doivent beaucoup à leurs homologues nordiques !

Cet opus est donc un grand bol d’air frais et une belle réussite artistique (qualités qui ne vont pas forcément de pair). On prend ainsi, entre autres, son pied sur le groovy et délirant « The End » qui rompt radicalement avec le prog’ à la grand papa, en offrant un mélange aussi étonnant que détonant de progressif alambiqué et de metal symphonique. Et une fois n’est pas coutume, le titre en question se voit affublé d’un thème mélodique imparable qui restera gravé dans vos méninges secouées comme jamais ! Les quatorze morceaux formant l’ossature de cet album se succèdent ainsi sans jamais lasser, tant les bonnes idées s’enchaînent sans relâche. Le gang de Malmö fusionne brillamment puissance et concision et propose, ici et là, des épanchements électriques d’une rare intensité.

A.C.T a bossé dur pour marier tradition et modernité, canons du genre et expérimentations hautement audacieuses. Citons, entre autres merveilles, le tonitruant « Manager’s Wish », aux distorsions de guitare exaltées et à la rythmique en béton armé, l’imparable single « A Truly Gifted Man », particulièrement haut en couleurs, ou encore le redoutable « Look At The Freak », évoquant le Queen de la grande époque sous LSD.

Pour l’ensemble de son menu, apéritif et digestif compris, « Circus Pandemonium » mérite toute votre attention. Cette cinquième galette du grand A.C.T (si si !) constitue une œuvre inépuisable de bonheur et une nouvelle pierre angulaire du rock progressif. Alors, avis aux gros labels du genre : mais qu’est-ce que vous foutez bon sang ?

Bertrand Pourcheron &  Philippe Vallin (8,5/10)

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