Swans – The Glowing Man
Swans
Young Gods Records/Mute
Le nouveau chant du cygne. Gira l’a annoncé, The Glowing Man est le dernier album des Swans dans sa formation actuelle. Un arrêt qui survient finalement tôt, compte tenu du temps séparant la réformation du groupe et sa prochaine mort. Et, bizarrement, cela me fait plus d’effet maintenant, dans mon petit cœur en sucre d’orge, que lors de la précédente mouture avec Jardboe. Peut-être est-ce le temps d’avoir compris la continuité de la formule, voire une certaine. Les Swans, ça se mérite, un cheminement, un style à part, une perte de soi. Rock mais outrageant, fort mais démesuré. Tout dans les Swans revient à de l’empirique, de l’expérience, l’exponentielle recherche de l’âme. Le minimalisme obèse, l’importante dureté de chaque note, la répétition quasi orgiaque de ces structures jamais vraiment nées ni jamais vraiment mortes, dans une sorte de mélasse en ébullition.
Ah, on me signale dans l’oreillette que Gira est un gros connard. Forcément c’est méchant, un peu vrai peut-être, mais c’est là, dit, écrit et répété. Le chef d’orchestre despotique, intransigeant et flippant de cette hydre à têtes multiples est aussi celui qui a fait tenir cette formation obscure des bas-fonds de New-York et, par là, l’emmener plus loin que n’importe quelle autre. Ouf, guedin ! Il rajoute des éléments, mets la pédale sur d’autres, il choisit l’orientation globale, le maximalisme comme l’épuration extrême et la bête vit…
Déjà, je me doutais que cet album testamentaire serait moins absolu et frontal que le tétanisant To Be Kind et qu’on retrouverait des éléments folk issus de The Seer. C’est un fait, The Glowing Man paraît plus « calme ». Il est d’une durée équivalente (presque deux heures), mais il paraît plus prendre son temps. Un entre deux, un doigt sur la bouche. Chut ! Ne dis surtout pas ce qui va suivre. Une voix plus présente, des chœurs même et cette montée faite de cuivres, percussions dans ce magma de plus en plus simple dans son assemblage et toujours cette tension fracassante, cette fissure de vitre qu’on observe comme un chat trop curieux, avide de chaque nouvelle vibration qui titillera la pupille. Et The Glowing Man de laisser son charme se déliter. De brèves touches de piano, des montées drone qui s’essoufflent, des uppercuts dosés mais titanesques, et cette attente… Ce temps qui traîne, tirant sur la manche, insidieusement, ce chant las mais profond. Ça arrive, il le sait… Gira, n’a plus le temps. Alors, il le prend au lieu de lui courir après. Et de le décortiquer, de l’étirer à sa convenance dans une hypnose à faire battre la chamade. Et dans tout ça ? Ça marche. Je retrouve l’instantanéité brute, la mélancolie larvée, l’excitation nasillarde et la vague vision d’un envol de papillon désordonné. Et désolé, il y a cette rétention à quitter ce monde. Si on commence un album des Swans, on le termine. Et cela se vérifie encore une fois ici. On ferme les yeux, on compte, on dodeline, on fixe le plafond, ça y est, on y est…
Et la fille de Gira de pousser ses propres cordes vocales dans un beau dialogue avec son paternel sur « When I Will return » avant que le titre annonciateur vienne résonner. Une attente, presque. Ce titre éponyme, c’est tout ce qu’on attend (se référer à plus haut). Un résumé des Swans, mi-chamanique, mi-bruitiste, bancal, jamais sûr mais… si, en fait. Et le sourire sardonique de s’esquisser avant de prendre tout le visage.
Ouais… une transe douce, bruyante, oui, jamais mignonne ou gentille. Une transe radicale, certes, forte et gargantuesque à faire dresser des poils comme jamais auparavant. STOP ! Laissons une dernière fois le temps faire son office. Accordons au moins ça à Michael Gira et sa troupe, ce moment où les regards s’accordent dans la nervosité et la torsion. Redevenons une fois carnassier. Dévorons, croquons son, vie et mort. Ingurgitons, déglutissons, baisons, vivons ! Et finalement, vient la paix. Dur de se quitter, dur de lâcher l’affaire. Dur tout court. Laisse un sourire sur ton visage, s’il-te-plaît. Et merde… c’est fini…
Jéré Mignon
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