Samoans – Rescue
Samoans
Apres Vous
Ça y est, les Anglais frappent encore ! Non, mais, depuis la conquête de la flotte britannique, il semble que le Royaume-Uni ne cesse de bombarder le monde culturel, et ce, coup sur coup. Et bien au-delà de Trafalgar, les « British » ne cessent de faire mouche. Un jour, mon beau-père m’a dit : « Dany, pourquoi aimes-tu autant les Anglais, je ne comprends pas très bien« . C’est que pour lui, voyez-vous, les Anglais sont les envahisseurs, les colonisateurs, les conquérants qui assimilent (je suis du Québec, vous comprendrez donc la référence). Or, moi qui n’en ai rien à foutre du nationalisme, je n’ai aucune aversion contre la culture du Royaume-Uni, bien au contraire (je suis spécialiste de l’art britannique, il serait donc insensé que je n’apprécie pas). Selon moi, on naît dans un pays que l’on n’a pas choisi, tout cela est question d’héritage, point barre. Je réponds donc à qui veut bien l’entendre, dont mon beau-père, que les Britanniques ont toujours une longueur d’avance sur tout le monde point de vue culturel. Ils ont instauré la plupart des réformes économiques et sociales, ils ont aboli l’esclavage les premiers, ils ont pavé la voie à la Révolution industrielle, et j’en passe.
Pour toutes considérations artistiques, il va sans dire que les Anglais sont aussi les plus innovateurs question art & musique. Et osez affirmer le contraire ! Le rock, le punk, le New Wave Of British Heavy Metal, le progressif, l’indie rock, tout ça vient des îles britanniques. Le pays qui a fait naître les Beatles et Pink Floyd a de quoi s’enorgueillir. Il y a toujours quelque chose de bon près de la Tamise, tant que ce ne soit pas culinaire ou météorologique (les deux pieds d’argile de notre colosse). C’est donc avec plaisir, et un intérêt toujours marqué pour la culture anglaise que je vous présente la formation Samoans.
Samoans est un quatuor de math rock/post-rock originaire de Cardiff dans la Gales du Sud. Et l’origine du groupe s’entend. Des riffs planant emplis de guitares vaporeuses, pleines de reverb et de delay (un classique chez la gent post-rock), une voix faible, mais fantomatique, une voix sensible, doublée et décalée, douce et nasillarde juste ce qu’il faut (dans un ton tantôt Deftones, tantôt Eidola ou Artifex Pereo), des effets de pédale à qui mieux-mieux (un côté plus shoegaze) et un esprit authentique et unique pour la composition. Ceux qui n’aiment pas le math rock, le post-rock, le shoegaze et le genre planant et relax n’aimeront pas d’emblée. Inutile de convaincre ceux-là. C’est un genre peu accessible mais qui, lorsqu’on lui laisse la chance, parvient à nous rejoindre et nous conquérir (encore de la conquête, décidément, ces Anglais ne font rien par consentement… ).
L’album Rescue, le premier LP de la formation, est empli de succès dans le genre. L’ingéniosité et l’efficacité sont égaux à chaque plage. Le ton est donné dès le premier morceau et ne dérive jamais. La ligne de conduite est toujours suivie, considérant la mathématique de chaque air et l’ambiance éthérée de son ensemble. Ça, c’est de la musique ! On a cette impression d’effectuer un voyage en pleine anatomie, parcourant comme un globule le moindre artère, le moindre organe, comme si nous faisions corps avec les musiciens du groupe gallois. À partir d’un air plutôt Deftones/Crosses/Palms/Team Sleep (bref, tout ce qui entoure Chino Moreno), les mecs de Samoans nous ingurgite, réduits à l’état de capsules ingérables, pour entreprendre le voyage au centre du corps.
On atterrit d’abord dans l’âme, siège de l’émotivité, tout au long de « Tightrope Walker Complex » et « Lightning Beneath The Sea », deux morceaux complémentaires qui font rêver, qui font vibrer le centre du plexus solaire à la façon du Aum (ॐ) avant d’aboutir dans l’œil fantasmé du guitariste au moment où commence « I Am Your Density » (mon morceau préféré en ce qui me concerne). Et on a le goût d’y rester, de s’y complaire, de jouir de la vue, de ce regard coincé entre éveil et sommeil, car le sens de notre hôte est ambivalent, on croirait qu’il dort, mais pourtant la main s’exécute sur la guitare. Et lorsqu’on entendre ce drôle de morceau, on a l’impression d’entendre la dernière vague de Nine Inch Nails, cette vague un peu moins industrielle et un peu plus ambiante, comme celle présente à certains moment dans l’album Ghost I-V (2008) ou dans la pièce « Mantra » (en collaboration avec Dave Grohl et Josh Homme)
Et puis là, en introduction de la pièce « The Moth », on a l’impression d’être arrivé au niveau de la poitrine. On le devine par le battement affolé d’un cœur, tout près de notre vaisseau-capsule improvisé. Là encore, ce sentiment d’écouter le post-hardcore d’Artifex Pereo et d’Eidola, mes préférés dans le style. De l’ingéniosité de la première à la dernière mesure. Comme si le génie musical n’avait pas de limite, tant qu’on a des trippes.
Et puis, un court moment, on fait escale dans les veines, les artères et les vaisseaux sanguins, se laissant porter par le doux flux sanguin, côtoyant les leucocytes et l’hématie, au son de la très berçante « Dancing On The Sea Lion », une pièce enivrante et calme qui rappellent le vieux Foo Figthters du temps de The Colour And The Shape (1997).
Puis le voyage se termine aux poumons, profitant de l’air qui s’y trouve pour se revivifier avant la grande sortie pour le grisâtre et asphyxiant réel. On respire un grand coup d’oxygène, emporté par les pièces « Apia » et « Wearing Shorts In Scotland », deux pièces finales qui amortissent en beauté cette élévation, que dis-je, cette lévitation musicale. On n’aurait pu mieux terminer (si ce n’était que la chose pouvait être infinie).
Un joyeux coup de cœur, encore. Je ne peux m’en empêcher. Je suis totalement séduit. Le voyage en aura valu la peine. Et je crois qu’à peine sorti de mon vaisseau, j’aurai l’envie irrépressible d’y retourner !
Dann
https://samoanstheband.bandcamp.com/album/rescue
https://www.facebook.com/samoans
Note : Également disponible, le single Catamaran (2012), le EP Elevated Reflections (2012), le split Samoans/Freeze The Atlantic (2015) et quelques autres pièces détachées parues en singles (toutes disponibles sur Bandcamp).
Chronique parue simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily Rock (Québec)