Oranssi Pazuzu – Värähtelijä
Oranssi Pazuzu
Svart Records
Oranssi Pazuzu est bizarre. Rien que le nom. Répétez-le trois fois et vous aurez, peut-être, la surprise d’une apparition sortant de je ne sais quelle dimension tirée d’un livre ésotérique en solde sur Amazon. Dans le sujet, Oranssi Pazuzu triture matière et style. Il plonge dans des lacs de psychotropes colorées, brassant du fin fond de sa Finlande le black metal de corbeaux grippé et le spectre aussi large que restreint du rock psychédélique et de cette chose formidable qu’est le Krautrock. Répétitif, ostentatoire et hypnotique, l’ensemble se tord comme un ver de sable sur Arrakis et semble se projeter au delà des arbres, des nuages et des étoiles dans une vague absorbante digne d’un Jodorowsky perdu dans le déchiffrement d’une carte de tarot.
Värähtelijä fait partie de ces albums qu’on aime. mais dont les mots d’une simple chronique semblent insuffisants, et surtout inefficaces, pour décrire les sensations électriques qu’il procure. Le cauchemar. Il y a des papiers qu’on écrits sur le coup; avec celui-là, ça ne marche pas. On a beau retourner dans tous les sens ce Rubik’s cube et de manipuler ses facettes, l’énigme subsiste aussi indéchiffrable qu’un kaléidoscope. Grateful Dead, mais plus dead que Grateful, quoi, et pourtant, je ne peux m’empêcher de remettre cet album aux arcanes scellés, en pure perte. Peut-être parce que son postulat stylistique se suffit. Ses mélodies enfumées procurant une mélancolie sourde, ses jams ritualistes crevant une sorte d’abcès (ou d’accès) à l’immersion soudaine. Et, à la fin, reste l’âpreté d’un paysage figé au milieu de mantras chuchotés et d’une linéarité aussi factice qu’ornementale sous les racines d’un arbre millénaire déraciné.
Cet album est le souvenir d’un voyage au pays des lacs immobiles, un instant de pensée perdu dans les brumes matinales des tourbières. Et, ce Värähtelijä environnemental de grignoter doucement et graduellement la frontière qui relie le rêve à la réalité.
Jéré Mignon