Mile Marker Zero – Young Rust

Young Rust
Mile Marker Zero
2014
Autoproduction

Mile Marker Zero-Young Rust

Bien que les étoiles du monde musical brillent de leur notoriété et que certaines d’entre elles ont gagné leurs gallons depuis belle lurette, des formations plus discrètes se hissent à leur niveau et parfois au-delà. Ainsi va la vie, l’évolution de la culture et l’évolution des choses en générale. Et je suis de ceux qui s’adonnent davantage à la nouveauté qu’à la nostalgie. Mais attention, il n’en a pas toujours été ainsi. Combien d’années ai-je passé à n’écouter que Nirvana, confortablement vautré dans la certitude qu’on n’a jamais fait ni ne fera une musique aussi honnête et aussi novatrice. Et j’y croyais dur comme fer jusqu’à ce que j’étende mon registre musical et fasse fi de mes plus solides préjugés.

Une fois encore il me sera donné d’aller au-delà de moi-même et de mes propres convictions. Je trouvais que le rock progressif m’avait rapidement charmé pour me laisser tomber presque aussitôt. Ceux et celles qui suivent mes chroniques ont pu constater que je ne traitais que de metal progressif et de ses déclinaisons depuis quelques temps. Bon, la raison première de cette inclination plus agressive est sans doute l’humeur du moment. Certes, j’avais ce besoin d’énergie brute, ce défoulement, cette rage qui ne demande qu’à sortir. Mais la raison plus subtile derrière tout ça est que le rock progressif me semblait faire dans le « pareil au même » ces derniers temps. Après les albums de Dave Kerzner et d’Anubis il ne me semble pas avoir trouvé chaussure à mon pied dans le rock progressif actuel. Je sais, on me jettera des pierres, mais c’est pourtant ainsi que je le sens.

Mile Marker Zero-band

Or, suite à l’obscurcissement du ciel vient l’éclaircissement, la percée du soleil à l’horizon. C’est en ces termes que je sens ma découverte du groupe américain Mile Marker Zero. La jeune formation, issue de l’état du Connecticut, en est à son quatrième disque en carrière. À la première écoute, on peine à croire que l’expérience de ces musiciens ne se résume d’abord qu’à leurs études au sein de la Western Connecticut School of Music. C’est pourtant un fait. En revanche, depuis les débuts du groupe aux environ de 2005, on assiste à la douce et lente montée de popularité du quintet étatsunien. D’abord supporté par Applehead Recordings suite à l’invitation des pères de Coheed & Cambria, les dénommés Michael Birnbaum et Chris Bittner, la formation fait quelques enregistrements officieux (des « sessions » pour être plus exact) qui résulteront quelques temps plus tard en la parution du EP The Haunted (2006). S’ensuivent également les LP Out Of The Ground, Into The Fire (2008) et un album éponyme (2009).

De prime à bord, les premiers enregistrements du groupe me laissent de glace. Rien de bien novateur, rien de bien enlevant. Du rock progressif plutôt générique comme il en pullule un peu partout depuis une dizaine d’années. Rien qui ne sorte vraiment du lot. Bon, Out Of The Ground offre bien quelques morceaux intéressants tels que « Laceration » et « Red Letter », mais l’album Mile Marker Zero ne m’a pas laissé d’impressions véritablement marquantes. Ce dernier est un disque que l’on écoute facilement, sans se casser la tête. Mais ça ne casse pas des briques non plus. Toutefois, Young Rust, le dernier album en date, offre quant à lui une intégralité de succès potentiels. Il me semble même qu’il aurait été intéressant que quelques pièces de Out Of The Ground y aient été greffé, puisqu’elles me semblent dans le même ton (qualité d’enregistrement mis à part).

« The Great Unknown », une pièce toute en emphase sur une batterie à la fois simple et lourde et l’ensemble des basses fréquences, laissent envisager une scène noire où la fumée qui foule les pieds des musiciens est teintée de lumières bleutées et de flashes stroboscopiques. Enfin, il me semble que cette pièce, et la musique de Young Rust en tant que telle, se projette en pensée comme une musique de spectacle et non comme une musique sur disque. La critique confirme d’ailleurs mon sentiment puisqu’il paraît que la formation offre d’excellentes prestations live et qu’elle y est à son meilleur. J’en dirais tout autant du titre très Placebo-esque « Where I Want You » où la voix de Dave Alley nous emporte et nous frappe en plein plexus solaire, alors que la guitare de John Tuohy nous aspire dans son champ gravitationnel à la façon d’un trou noir. Ces musiciens ont d’ailleurs une virtuosité bien à eux qu’il faut souligner au passage. Pas question d’égrener les arpèges comme un Schumacher ou un pilote d’avion de chasse… la virtuosité des musiciens de MMZ réside davantage dans l’efficacité et le phrasé caractéristiques de leur jeu, un peu comme notre cher Gilmour.

Question réalisation, le disque en entier profite d’un mixage parfait. Rien ne dépasse, rien n’est en trop ni en déficit. Les guitares occupent une place adéquate, monarchiques lorsqu’il le faut, plus soumises lorsqu’exigé. La batterie ne s’exerce pas à nous impressionner, mais livre tout de même la marchandise à coup de grosse caisse et de cymbales. Idem pour la basse et les claviers. Nous n’avons pas affaire à des prodiges, mais à des exécutants et des créateurs efficaces. Et c’est ça qu’on aime. De l’honnêteté et de l’effet. Et pour ça, il y en a.

Ma pièce favorite est sans contredit « Trick Of The Tongue », une pièce rock progressive typée, attelée par les claviers magistraux de Mark Focarile qui marquent le tempo et rehaussent l’énergie de l’album d’un remarquable cran. Pour les fans du genre, la pièce vaut sans contredit le coup. Sans avoir vu le quintet en spectacle, je n’ai qu’à écouter ce morceau pour me faire une idée. On sent bien la dynamique, que dis-je, la dynamite du groupe. C’est explosif juste ce qu’il faut. Il me semble même que la pièce est à mi-chemin entre le rock et le metal progressif. Une mince ligne sépare les deux genres, et les membres de Mile Marker Zero ont les pieds dessus.

Surprise dans le flux ininterrompu de sorties à la petite semaine, le dernier disque de Mile Marker Zero sort du lot parce qu’il se suffit à lui-même sans le besoin irrépressible de référence ou de panneau de signalisation où il est écrit : « attention, musique à mi-chemin entre rock et metal ». On aime, et c’est tout ce qui compte !

Dann

https://mmzofficial.bandcamp.com

https://www.facebook.com/milemarkerzero

Chronique parue simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily Rock (Québec)

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