MaïïN – Elektrees
Autoproduction
2016
MaïïN – Elektrees
– Quoi ? Henri, tu ne vas pas chroniquer de l’electro ?
– Ben si, pourquoi…
– Mais tu n’y connais rien !!!
– Ah oui, c’est pas faux…
– Sois sérieux, et la réputation du webzine, tu en fais quoi ?
– Euh, c’est-à-dire…
– Tu sais parfaitement qu’il y a d’autres chroniqueurs plus qualifiés que toi pour ce style de musique dans l’équipe !
– Peut-être, mais bon, il faut bien sortir de son petit confort de temps en temps…
(Fin de ce dialogue totalement imaginaire. Toute ressemblance avec des personnages…, blabla, blabla.)
MAïïN, ce n’est autre que le side-project, comme on dit en bon français, du claviériste, corniste et choriste de Lazuli, Romain Thorel (enfin, allez savoir, tellement Romain fait feu de tout bois). Article premier : MAïïN est Romain Thorel ! Pour simplifier la compréhension du lecteur, on ajoutera que MAïïN n’est pas seul. En effet, s’adjoint à Romain le sieur Teddy Marin qui co-arrange, joue de la batterie électronique et assure les programmations. Article 2 : MAïïN a l’air d’être un duo. Encore plus fort : Elektrees est le premier EP de MAïïN. Mais comme il est composé de dix titres pour une durée de 36:22, on peut le qualifier de LP ! Article 3 : Elektrees est un EP/LP. Ah ben non : Elektrees n’est pour l’instant proposé qu’en téléchargement. C’est donc, article 4, un album digital. MAïïN fait dans la musique électronique. Mais comme la musique est jouée, voire improvisée en live, on en déduit l’article 5 : MAïïN joue de l’electro vivant ! Si vous ajoutez à cela (en allant jeter un œil sur les clips et le site Internet de l’artiste, bande de petits paresseux à qui il faut donner la becquée) que le concept visuel est superbement travaillé, vous pouvez allègrement en déduire que, article 6 : MAïïN est un projet musical et cinématique global… Et c’est pas fini : l’album a bénéficié d’un financement participatif réussi via Ulule. On en déduit (toutes taxes comprises) que, article 7 : Elektrees est la résultante d’un projet musical et cinématique global très chouette (comme l’atteste le vigoureux titre « Swinging Owl ») !
Le projet de cet album, nous vous en avions déjà parlé dès le mois de mars avec la présentation d’une première vidéo (sur « Aquarium Toy »). Cela pouvait donner une première impression, mais Elektrees va au-delà. En effet, l’éclectisme solide de la formation et des expériences musicales de Romain Thorel – du classique au jazz, en passant par le rap et le progressif – l’amène à aborder ici bien des contrées musicales, au gré de ses inspirations. Par exemple, le titre introductif, « Talisman », commence par un piano léger digne d’Erik Satie, pour ensuite partir dans une dérive electro qui brode sur le même thème, mais cette fois-ci un peu à la façon d’un Ryuichi Sakamoto (dont je trouve l’aura très présente sur cet album). « Spank » démarre à la manière d’un morceau instrumental des Français de TTC. Souvent, on pousserait jusqu’à caractériser la musique de MAïïN de trance progressive, souple et douce, si les titres n’étaient pas tant ramassés (de 1:51 à 5:23), voire de progressive house (s’il s’agissait de samples et non de musique jouée), d’electro-pop (s’il y avait du chant), etc. Bref, l’ami Romain s’en balance un peu des genres pour nous faire entendre une musique souvent dansante, parfois mélancolique (le très beau « Tom’s Waiting » ou l’étrange « No War For Clouds » et son beau passage au cor), essentiellement cinématographique (tellement d’images passent devant nos yeux à l’écoute de titres comme « Kafeïne »). Et puis, rien que pour « Aïna » (voir le superbe clip ci-dessous), l’album vaut le détour (avec un retour évident à mes oreilles au grand Sakamoto, en encore plus actuel).
Je ne sais pas ce que penseront les « spécialistes » du genre (en fait, je crois que je m’en fous un peu…), mais j’aime beaucoup cet Elektrees pour sa musicalité et son expressivité constantes. MAïïN est un mélodiste doué, jouant sur les ambiances, sachant ne pas faire un étalage démonstratif de sa technique pour mieux l’utiliser au seul profit des climats de sa musique. Et comme le projet devrait avoir un développement scénique laissant de la place à l’improvisation (et les aperçus qui ont été esquissés sur scène avec Lazuli font saliver), on attend de voir le duo en live et que MAïïN livre une suite à ces arbres électriques stimulants et poétiques.
Henri Vaugrand
Quelle beauté! Une telle occupation de l’espace sonore ne requiert effectivement pas de chant. Jolie chronique également pour un non spécialiste de l’electro.
Merci Rudy ! MAïïN mérite largement intérêt et louanges !