Khemmis – Hunted
Khemmis
20 Buck Spin
Khemmis, c’est une espèce mise à part, c’est l’arachnide parmi les insectes, la champignon possédant son propre classement parmi les végétaux (sans l’aspect psychotrope, quoi que…). Doom, sludge, stoner ou metal progressif, difficile de confiner la formation de Denver à une seule niche. Par moment, on ressent les vibrations cosmiques du metal progressif dont Mastodon fait son apanage, alors que d’autres fois, on perçoit les esprits frappeurs de certaines formations telles que New Keepers Of The Water Tower, The Sword, Cough et Conan (des noms qui vont sont peut-être inconnus, mais qui font pourtant un stoner tout en velours et en clous de cercueil forgés à la main). Et puis, aussi frappant que le ciel est bleu et que la terre est ronde, on perçoit dans les voix et la lenteur contrôlées une période d’Alice In Chains qui rappellent parfois The Devil Put Dinosaurs Here ou l’album éponyme paru en 1995 (mon album pref !). Ça sent d’ailleurs le parfum de Jerry Cantrell à l’occasion (coïncidence purement fortuite).
Fiers descendants de nos chevaliers hallucinogènes que sont Black Sabbath, Khemmis se situe entre ciel et terre, entre le mystique éthéré et le rituel célébré au niveau terrestre. À travers les relents d’encens et de cire de cierges éteints, on se sent officier au sein du transept d’une cathédrale, dans une immense forteresse aux hautes voûtes et aux vitraux illustrant à la fois les stations de la via dolorosa, la décollation de saint Paul et le combat de saint George contre le dragon.
Bien que la formation soit encore toute jeune, avec ses trois brefs disques, Khemmis (EP, 2013), Absolution (LP, 2015) et Hunted (LP, 2016), la fluidité dont celle-ci fait preuve nous fait douter. C’est coquins de musiciens du Colorado nous cachent assurément leur curriculum. Il est presqu’impossible que ces mecs en soient à leur premier adoubement. Bon, d’accord, ils ne nous cachent pas tout. On sait que Ben Hutcherson, le guitariste et chanteur de la formation a déjà travaillé avec la formation death metal Burial Within étant plus jeune, alors qu’il évoluait jusqu’à tout récemment au sein du groupe doom/sludge Galaxicon. Mais ça n’explique pas ce talent qui lui sort par les oreilles. Il en va de même pour Zach (alias Antinom), le batteur, pour qui le black metal n’a plus de secret (le musicien compte un nombre important de side-projects black metal dont Aat, Dagon, Dominion et Vasaeleth). Vraiment, on s’explique mal toute cette aisance et toute cette efficacité. Dans la même veine, j’estime que Mastodon n’a acquis la maturité que depuis Crack The Skye (2009), alors que la formation existe depuis 1999 ! Pourquoi une formation aussi énorme et ayant remporté autant de succès a pris 10 ans avant de maîtriser son son, alors qu’une petite formation méconnue n’a pris que 3 ans pour y parvenir ? Mystère…
Hunted est un disque fort bref, mais plein d’énergie et de puissance. Un bon concentré de rock et de metal sans ingrédient artificiel ajouté. Les chansons « Candlelight » et « Beyond the Door » à elle seules représentent bien le dynamisme et l’efficacité de cette formation. Les voix sont déployées dans le feutre et le lin brut, douces, à-propos et juste équarries comme il le faut, accordées avec la musique comme le vin avec le fromage. Ça coule tout seul et sans effort comme si rien n’avait été esquissé au départ, comme si les compositions étaient arrivées dans une caisse, avec seulement les pièces à assembler. On peut rarement dire ce genre de choses, puisque la plupart du temps on sent le travail, les ratés antérieures, les compromis, les reculs et les modifications. Pourtant, ici : rien, niet, nada ! C’est d’un naturel fou.
Mais les mecs de Khemmis n’ont pas que du soyeux et du lisse à offrir. Comme tout bon groupe de stoner/sludge/doom qui se respecte, certaines chansons de l’album nous offrent des airs passés au « sandblast », oxydés par la distorsion sursaturée de ces guitares et de ces voix acidifiantes. C’est le cas de la pièce « Three Gates », un autre morceau de génie. Un rythme lent et lourd, assourdi par une couche de goudron et de plumes puis lesté d’une voix aussi basse que possible, celle-ci témoigne du grand talent de compositeur de ces musiciens. Et à travers toute cette pénombre s’insinue par moments une lumière qui se débat, celle des vocalises. Et puis, les amis, je ne saurai oublier de mentionner que les soli de guitares sont, à mon avis, les plus efficaces que la dimension stoner/sludge/doom ait connu. J’en ai les poils dressés sur les bras !
Je m’avoue une fois de plus vaincu, je ne saurais rendre justice à cette récente petite pièce d’anthologie en 5 cours actes. C’est trop pour moi. C’est un coup de cœur indéniable et manifestement durable. Je remercie 20 Buck Spin de m’avoir fourni un press kit pour pouvoir commenter cet album avant sa sortie le 21 octobre prochain (l’extrait disponible sur Bandcamp a momentanément disparu, allez donc sur la page Facebook en attendant). Surveillez ça vous aussi, fans de rouille et de sons parasites arrosés d’octane.
Dann ‘the djentle giant’
https://www.facebook.com/khemmisdoom