Christine Ott – Only Silence Remains
Only Silence Remains
Gizeh Records
On se doute que de jouer, même en virtuose, un instrument hors norme, pour ne pas dire inconnu, n’aide pas à se faire entendre. Christine Ott, multi-instrumentiste (piano et claviers, percussions…) est encore peu connue du grand public, en effet. Et pourtant, elle possède à son arc une corde rare, les ondes Martenot, un instrument discret et mystérieux, parfois inquiétant (tout comme sa sonorité entre la scie à archet et la voix humaine). Un instrument qui fut mis à l’honneur par un compositeur comme Messiaen et qui, par la suite, a largement franchi les portes de l’univers du classique pour venir hanter les B.O. de films, et même faire quelques incursions prudentes ici et là en pop/rock.
En plus de nombreuses collaborations avec divers artistes (on citera Yann Tiersen ou Syd Matters) et à des BO de films, Christine Ott avait sorti en 2009 son premier album solo qui démontrait toutes les possibilités expressives et le raffinement sonore de cet instrument mal connu. Ce nouvel opus est très différent, les ondes Martenot n’y étant parfois qu’invitées ou « guest star » sur une moitié des huit titres, l’artiste utilisant par ailleurs piano, claviers et percussions à la signature sonore plus connue à nos oreilles. Cependant, ce nouvel album reste tout aussi original, inclassable et hors des sentiers battus que le premier. Faut-il parler d’ambient ? Oui et non, ou pas vraiment, le terme étant souvent un peu trop fourre-tout, la formule « par défaut » pour classifier l’inclassable. L’ambiance de cabaret années 30 introduisant le solo d’ondes sur « À mes étoiles » pourrait être un hommage à un certain cinéma des années folles, puis chaque morceau de l’album offre à l’oreille une forme différente de voyage intérieur, que ce soit dans le temps, l’espace (ou notre cher satellite terrestre, par deux fois invoqué), les souvenirs fantasmés ou une subtile dualité rêve/cauchemar aux frontières parfois très floues, une « petite musique de nuit » sans équivalent.
On peinera donc à trouver une couleur unique à cet album qui oscille doucement entre classique lyrique à la Keith Jarrett, cinématique, romantique dans le duo violoncelle/piano de « Szczecin », puis ondes/piano oniriques sur fond de bande son lunaire dans « Sexy Moon », ambient et plus jazzy dans un « Raintrain » entraîné par la contrebasse et la batterie, onirique et élégiaque dans « Danse avec la neige », puis devenant plus sombre et « dark ambient » en fin d’album. Le point commun est qu’il s’agit de musiques instrumentales, toutes propices au voyage dans sa tête et au rêve, ou parfois proches du cauchemar et dignes du groupe Goblin dans « Tempête », avec ses clusters de piano et ses drones analogiques… mais c’est pour la bonne cause et le clin d’œil à ces BO de vieux films d’horreur où sévissaient souvent nos fameuses ondes pour nous faire dresser les cheveux.
Tout cela se conclut sur un « Disaster » dont les nappes et séquences de Jupiter 8 analogique et le texte parlé préludent à un ultime solo de piano éthéré qui nous ouvre les portes du rêve et du sommeil, final d’un voyage intérieur cent pour cent onirique, d’une traversée de paysages imaginaires qui nous a menés vers la lune, les étoiles et ailleurs encore. Chacun pourra s’inventer son propre voyage sur cette bande-son gracieuse et intimiste, lyrique et céleste, parfois un peu plus sombre voire expérimentale sur les deux derniers titres. En en mot, un album d’une poésie et d’un raffinement rares par son approche et ses sonorités, propice au rêve et à l’imagination, bien loin des riffs et des murs de son saturé des rockers ou de la banalité aseptisée et compressée, synthétique et peu authentique de la pop. La classe… mais inclassable, on vous l’avait dit !
Si vous ne connaissez pas encore les ondes Martenot, Only Silence Remains est une introduction idéale à cet univers, à sa magie et sa poésie. Un seul bémol ou crainte (simple extrapolation des parutions de l’artiste ?) : 2009, puis 2016. Nous va-t-il falloir attendre encore sept longues années pour un troisième album de Christine l’ondine… pardon, l’ondiste ! ?
Jean-Michel Calvez
Dans le genre Neo-Classique, j’aime beaucoup Olafur Arnalds. Pas vu de critique sur le site.
http://olafurarnalds.com/
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%93lafur_Arnalds