Atlantis Chronicles – Barton’s Oddyssey
Atlantis Chronicles
Apathia Records
« C’est un avion supersonique ? Un accélérateur de molécules ? Une pulsar ? C’est Superman ? » Non, c’est le death progressif et technique d’Atlantis Chronicles, une autre formation metal axée sur le thème de la mer. Ça se précipite partout, ça rebondit de tous bords tous côtés, arrachant quelques tympans et quelques lobes au passage, mais moi, ça me plait. Oreilles sensibles, se tenir à au moins 20 000 lieues (sous les mers, ou pas)…
De beaucoup me diront : « mais qu’y-a-t-il de si spécial dans les thèmes nautiques pour que la musique metal s’y adonne aussi fréquemment ? » (on se souviendra entre autres de ma chronique sur M.H.X.’ Chronicles et des groupes que j’y ai cité). Bah, j’en sais fichtrement rien. Je suppose que l’inclination des musiciens metal pour la mer, l’océan et les horizons sans côtes est synonyme de liberté et de fascination par rapport aux forces naturelles. Liberté, parce qu’en mer, personne n’est là pour vous embêter (sauf le capitaine du vaisseau dans lequel vous naviguez). Puis, il y a sur les flots quelque chose de planant, de léger, la vague qui berce l’embarcation et vous éloigne du contraignant plancher des vaches. La fascination devant les forces de la nature, car songer aux effrayantes vagues scélérates, ces légendaires pyramides d’eau qui se forment sans crier gare au beau milieu des océans comme un gratte-ciel, ce doit être beau et terrifiant à la fois (c’est ce paradoxe que l’on appelle «Sublime» en art et en philosophie).
Mais le lien intrinsèque entre le metal et la mer est sans contredit celui de l’exploration. Quelle musique évolue sans cesse depuis des décennies, refusant de stagner et souhaitant s’approprier tous les genres qui rivalisent avec lui ? Bien, c’est le metal ! Il me semble que le metal (et le progressif), font carrément dans l’exploration musicale. Et le metal progressif, bah ça explore les abysses, les confins de l’univers, l’intérieur des volcans, l’étendue infinie et blanche des glaciers, name it… Ça explore, ça fracasse les frontières, ça défie les lois de la musicologie.
Avec Barton’s Odyssey, Atlantis Chronicles rehausse d’un cran les limites physiques du metal progressif. De la batterie à rendre épileptique, de la guitare à engendrer des spasmes et des riffs aussi vifs que le vent qui souffle au cœur de l’impétueux océan. Si je pouvais situer adéquatement la musique du groupe parisien (et oui, c’est joyeux lurons sont originaires de la ville du père Eiffel), je la placerais aux côtés du death technique de Necrophagist, Augury, Sadist, Neuraxis, Cephalic Carnage, Carcass et d’Obscura (sans la basse fretless de Linus Klausenitzer), mais cela me semble encore réducteur. C’est un peu comme si le groupe progressif expérimental The Aristocrat avait allié ses forces à celles de Cannibal Corpse et de Threat Signal; ça donnerait quelque chose de survolté et de puissant. Du bon matos pour substituer les amphétamines, quoi…
Enfin, je ne sais si je pourrai dégoter un comparatif qui tient la route. J’écoute énormément de metal progressif, mais là, j’ai perdu mes repères. Le tremolo picking de Jérôme Blazquez et d’Alex Houngbo ressemble à celui du black metal finlandais le plus typé alors que la façon dont ceux-ci alignent les arpèges les uns après les autres fait écho aux grands noms du prog metal. Le tout branché sur du 220 volts (du 50 Hz, en France) et mené à vitesse grand V par la batterie de Sydney Taieb, avec à l’esprit ce flot ininterrompu de notes et de rythmes pour vous empêcher de reprendre votre souffle.
Au bout de trois albums, le quintet français ne cesse de surprendre par son efficacité, sa rapidité et par l’équilibre totalement calculé de ses compositions. Il n’y a pas une mesure qui manifeste la moindre faiblesse. Le tout est taillé dans le granite (ou coulé dans un moule, puisque c’est du métal). « Back To Hadatopia » et « A Modern’s Sailor’s Countless Stories » sont parmi mes morceaux favoris. Mais en tout et pour tout, Barton’s Odyssey est un album qui s’écoute en intégralité. C’est du moins mon avis.
Si vous êtes un peu plus curieux, le EP Against The Sea (iMusician Digital, 2009) et l’album Ten Miles Underwater (Coroner Records, 2013) valent eux aussi le détour, bien que le plus récent opus représente la quintessence de ce que peut être Atlantis Chronicles. Et puis, le son de la dernière galette est du tonnerre. Apathia Records, petit label aux côtés des géants de Nuclear Blast, Season Of Mist et Roadrunner, a fait du très bon boulot avec le matériel de base. Ils ont su comment « kick it up a notch ». Allez moussaillon, à tes écouteurs, plus vite… allez, plus vite ! Une, deux, une, deux…
Dann
https://atlantischronicles.bandcamp.com
https://www.facebook.com/atlantischronicles
Chronique parue simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily Rock (Québec)
Note : malgré mon aversion envers iTunes, je vous conseille de vous procurer Barton’s Odyssey sur l’infâme site qui affame les artistes, puisque le disque est incomplet sur Bandcamp (shame on them).