Adimiron – Timelapse
Scarlet Records
2014
Quel drôle de conseil… je cherchais un album semblable à Language de The Contortionist (ce n’est plus un secret d’État, c’est mon album fétiche). Eh bien, je me suis mis à farfouiller parmi l’océan de revues musicales et les sites web à algorithmes avancés où l’on vous suggère des trucs similaires à ce que vous connaissez déjà. Les suggestions qu’on m’a présentées étaient peu pertinentes. On est toujours très loin de l’ambiance recherchée. J’en ai donc conclu que ce disque était aussi unique et authentique que je le croyais a priori (zut !). Mes sentiments étaient mitigés. Réconfort, car je me dis que cet album a du mérite et qu’il est comme un The Wall de Pink Floyd : on n’en fait pas deux comme ça (et c’est pas faute d’essayer). Déception, car j’ai fait le tour de celui-ci mille fois. S’il eut s’agit d’un vinyle, il aurait les sillons creusés et quelques égratignures, puis on verrait au travers…
« Et puis, merde ! On passe à autre chose », que je me suis dit. Au même moment, pris de lassitude, je suis tombé sur un forum de discussion. D’autres personnes éprouvaient le même « craving » que moi et cherchaient un équivalent à ce disque (note au passage, le groupe d’Indiana est en plein enregistrement, un prochain opus est au menu pour la fin 2017-début 2018). Les suggestions étaient alors nombreuses. On citait cependant l’évidence, on nous incitait à aller voir du côté de Last Chance To Reason, Between the Buried And Me et de TesseracT (« bah oui, merci, comme si je ne le savais pas déjà ! »). Je balayai du revers de la main ces suggestions peu originales, car tous les fans de The Contortionist ont déjà mangé de ce pain-là ! Puis, tiens… un nom qui m’était alors inconnu: Adimiron. Je suis tout de suite retourné sur Google et me suis mis à chercher. Voilà, après un pèlerinage qui me semblait vain, j’ai trouvé le saint Graal ! Pour ma centième chronique sur Clair & Obscur, je vais donc vous présenter mon album « all-stars » pour 2017 (même si l’opus en question date de 2014). Ce n’est pas du tout éthéré et planant comme Language, mais c’est foutrement couillu (ça compense !).
Adimiron me fait penser un peu à Dagoba. « The Burning Of Methuselah » me semble d’ailleurs tout droit sorti de Tales Of The Black Dawn (2015) et Frederico Maragoni assure à la batterie comme un Franky Costanza (les fans de Dagoba approuveront, j’en suis certain !). Lourd, technique, intense et à cheval sur le déploiement maximal de tous les instruments, Adimiron ne fait pas de compromis. On investit le plus d’énergie possible dans l’exécution, on met de côté la douleur physique, les crampes, l’arthrite, les clignements d’œil ou toute autre fonction vitale, le temps d’exécuter le morceau. Leur son est passionné, et on l’entend surtout à travers le phrasé de Thomas Arrizzi et de Alessandro Castelli, nos deux guitaristes possédés par le démon.
L’album Timelapse en tant que tel nous offre un éventail fort intéressant de metal. À certains endroits, on cerne le death technique à la sauce Gojira. C’est notamment le cas avec « Furnace Creek » et la chanson « Timelapse », qui pourraient être des compagnons stylistiques au classique « The Art Of Dying » (The Way Of All Flesh, 2014), avec ces shreds en harmoniques qui donnent l’impression qu’on effile un couteau sur une queue-de-rat avec un microphone juste à côté et sa double grosse caisse constamment mitraillée. Très monolithiques, ces morceaux ont carrément l’air d’avoir été composés par la formation de Bayonne, bien que la voix d’Andrea Spinelli ressemble davantage à celle de Troy Sanders de Mastodon qu’à celle de Joe Duplantier. Et non, c’est pourtant un groupe bien différent, d’une origine bien différente, l’un vient de France, l’autre d’Italie. On remarque cependant que les deux formations sont nées à peu près à la même période et qu’elles ont évolué d’une façon similaire (Adimiron, alors sous le nom de Angels Of Darkness, existe depuis 1999).
Nos musiciens romains ne nous offrent pas la musique la plus originale et la plus inattendue qui soit, certes. Les comparaisons que je viens de faire le démontrent assez bien. Cela ne veut pas dire que cette musique ne soit pas digne d’intérêt pour autant. Car à mon avis, le death d’Adimiron est un peu plus recherché que celui de ses mentors. Sur le terrain où Gojira œuvre depuis 1996, Adimiron n’est qu’un novice, un émule. Mais il a acquis un son et un talent pour la construction musicale qui, à un certain stade, ont nécessité le dépassement. Pour ce faire, Adimiron outrepasse les airs death extraits de la roche brute que l’on connaît au groupe français pour exploiter le filon progressif. Un tantinet plus technique, plus nuancé, plus évolutif, plus dérivant, la musique d’Adimiron est résolument associable au death progressif.
Si le cinquième album actuellement en construction s’avère aussi intense et aussi abouti que celui-ci, nul doute qu’on en entendra parler. En tout cas, moi, je ne passerai pas à côté.
Dann ‘the djentle giant’