Youngblood Supercult – High Plains
Youngblood Supercult
Autoproduction
Texas Chainsaw Massacre, ça vous dit quelque chose ? Eh bien, c’est ce que j’ai tout de suite eu à l’esprit en voyant la pochette du second album du groupe Youngblood Supercult. Puis, en seconde référence, je pense à l’Amérique profonde, aux hillbillies et aux rednecks du sud des États-Unis à bord de leur vieux pick up trucks Ford vert bouteille avec les pneus à flancs blancs, aux fermiers incestueux en salopette en denim qui, avec une fourche et une carabine à double canons sciés, gardent jalousement leur fille unique et ont de terribles secrets cachés au fond de leur grenier ou de leur grange.
Je pense bien sûr à tous ces clichés, car on nous farci la cervelle de ce genre d’images dans les films d’horreur de série B. Bien entendu, l’Amérique profonde ressemble un peu ou pas du tout à cela. Mais on se plait à croire que ce genre de stéréotype débile existe, ne serait-ce que parce qu’on aime les personnages plus grands que nature (bien que dans la réalité, on voudrait que ce genre de péquenaud consanguin et désaxé n’existe pas).
Cela dit, outre ce qu’inspire la pochette du génialissime High Plains, un album tout en rock sale et acidifiant, la musique de Youngblood Supercult est ce qui se fait de mieux en matière de stoner, rien de moins. Je suis littéralement en amour avec la formation originaire de Topeka, dans le Texas (tiens donc, heureux hasard que cette impression de vielle grange avec ses crochets de boucher sanguinolents mentionnée un peu plus haut !).
Youngblood Supercult (YBSC pour faire plus court), fait dans un stoner qui rappelle le vieux Black Sabbath du temps d’Ozzy Osbourne, monument et âge d’or du rock à mon avis. On a l’impression de revivre les classiques « Sweet Leaf », « Children Of The Grave » et « After Forever », les tubes les plus marquants de Master Of Reality (1971), « Tomorrow’s Dream » et « Snowblind » de l’album Volume 4 (1972), ou encore le classique « Wasp » sur Black Sabbath paru en 1970, il y a maintenant plus de 40 ans ! On peut d’ailleurs rapprocher le jeu de guitare de Bailey Smith avec celui de Tommy Iommi et s’imaginer Ozzy prendre le micro en studio, chauve-souris et colombe en main, prêt à prendre une petite bouchée de roussette suivie d’une petite bouchée de paix décapitée à coup de crocs…
Et puis, quand on écoute un peu les paroles, le lien avec Black Sabbath est encore plus frappant. On pense aussi à cet atmosphère du genre Wickerman, ce film où des vierges habillées de voiles blancs diaphanes dansent en rond, dans l’attente que brûle cette immense idole de paille qu’est le wickerman. Mais bon, allez voir les textes de High Plains sur Bandcamp et vous comprendez l’allusion. Cela dit, la poésie noire et psychédélique de YBSC vaut le elle aussi le détour, en voilà donc un bel et éloquent extrait :
«See the devil’s children,
Hopping one-way rides,
Congregating in the chapel,
Under black-mass skies.
Cloaked in velvet,
Shrouds of wine,
Snuff out cigarettes,
On their homemade shrine».
—
«Regarde le fils du démon, sautant dans ces manèges à sens unique, se rassemblant à la chapelle sous ces cieux de messes noires.
Vêtu de velours, linceul de vin, des mégots de cigarettes sur leur tombeau fait maison».
Et puis, en général, le son presqu’embrumé de l’album est hypnotisant, voire planant. Tout ça, avec ou sans gros pétard. On pénètre dans cet album comme à travers un voile de brouillard le long d’un fleuve. C’est mélodique, c’est enivrant, c’est presqu’onirique. C’est Jodorowskiesque ! En ce qui me concerne, l’ensemble m’a séduit à la première écoute. La chose est rare. Mais la recette est efficace : le son vintage de la basse est divin, la fréquence presque fébrile et tremblotante de la guitare est parfaite, la voix fantomatique de Bailey Smith sied à ravir à ce stoner psychédélique de choix. Mes titres préférés, sur lesquels je reviens sans cesse, sont « Monolith » et « Nomad », des morceaux à mi-chemin entre les meilleurs tubes de Wolfmother du temps de leur premier album et les hits du vieux Sabbath osbournien.
Et comme si ce n’était pas assez, l’album termine sa course sur une ballade acoustique totalement géniale où seules une guitare et une voix livrent une incroyable marchandise. Écoutez au moins cette balade, elle vaut le détour. Et si, à la limite, vous n’êtes pas charmé par celle-ci, laissez-vous bercer par le texte qui accompagne cet air savoureux sur lequel je vous laisse en vous souhaitant une bonne écoute :
«Broke down in a ghost town; last train left the station,
Long-faced and lonely, bearing a grave sin.
Out on the prairie, the spook-lights shine,
Lighting up the faces of the dead, the losing kind.
Black night on the boulevard, don your streetlight halo.
Take a spin on my medicine wheel, but stay off the main roads.
Empty streets and tumbleweeds, the only company.
Prying eyes and whisp’ring lies, you crank that skeleton key».
—
«Déprimé dans une ville fantôme, le dernier train a quitté la gare. Le visage étiré et seul, portant un grave péché. Dehors dans la prairie, d’étranges lueurs brillent, illuminant le visage des morts, ceux que l’on a perdus.
Noire nuit sur le boulevard, enfile ton auréole de réverbère. Promènes-toi autour de ma roue d’influences (un cercle sacré tracé par les Amérindiens), mais reste à l’écart des routes principales. Rues désertes et virevoltants (ces boules d’herbes sèches qui roulent au vent dans le désert et les villes du sud états-unien), mes seuls compagnons. Regards indiscrets et mensonges prononcés en chuchottant, tu tournes cette clé passe-partout».
Dann
https://youngbloodsupercult.bandcamp.com/album/high-plains
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