Vuduvox – Vaudou Électrique
Vuduvox
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Il faut se méfier des apparences. Quand on regarde la photo de ce duo-là, leurs habits sombres, leur regard de jais et leurs cheveux au ras du crâne, on peut avoir la très mauvaise idée de se croire intelligent qualifiant de sans intérêt la musique de Vuduvox (formation lilloise, qu’on se le dise) avant même de l’avoir écoutée. On y est d’autant plus encouragé que ces gaillards annoncent d’entrée la couleur : »pas de compromis ». Pour les étroits d’esprit, cela veut dire : »ça va être du grand n’importe quoi. Pour les sots seulement ». Mais vous ne l’êtes pas. Alors écoutez cet album, écoutez-le bien. Oui, le son est gros, gras, massif même. Mais ce n’est pas du grand n’importe quoi. C’est même exactement l’inverse. C’est très bien composé en réalité. Les mélodies sont bien dessinées, les séquences sont complexes et travaillées, les rythmes sont malins et hypnotiques. Quant au mixage, il est précis, net et clair. Au final, c’est de l’electro-groove (d’autres préféreront parler d’electro-wave ou d’electronic body music, c’est comme on voudra) dans sa version la plus intelligente. Même le chant est bien dosé et bien posé.
Non, ces gars-là ne sont pas des bas du front, bien au contraire ! Certes, ils disent n’accepter aucun compromis. Et c’est sûr que leur musique n’est pas de la valse ni du musette. Mais c’est sacrément qualitatif. Il faut entrer dans les thèmes et dans les textes pour mieux s’en apercevoir. Les mots sont sélectionnés et les phrases ciselées avec un soin maniaque. Oui, d’accord, dans les titres on voit les mots »renégat » et »charogne ». Ça ne fait pas très policé. Qu’on se penche alors sur les textes de Gainsbourg ou de Brel, (pour ne citer que ces deux monstres-là), on verra alors si Vuduvox est vraiment le pire dans le genre. Et justement, à propos de Gainsbourg, on n’imagine pas que Vuduvox n’ait pas écouté et réécouté son « Requiem Pour Un Con » (oh, le vilain gros mot!) avant de se lancer dans sa « Sérénade pour un renégat ».
Preuve que Vuduvox a de qui tenir dans ses influences ? Alors certes, Vuduvox avoue une sensibilité pour Gainsbourg, ainsi que pour Gérard Manset, William Sheller et Daniel Darc. Mais si on veut être exact, « Sérénade Pour Un Renégat » n’a en réalité rien à voir avec « Requiem Pour Un Con ». Le titre de la chanson est d’abord à penser en anglais (allitération oblige sur les « é » et les « ade » : « Serenade For A Renegade »). C’est sûr que ça « rime » mieux. Cependant, le fond de l’affaire est que « Sérénade Pour Un Renégat » est dédié à Gary Asquith (ancien leader de Renegade Soundwave) qui, mais oui, assure par ailleurs les backing vocals en anglais sur le titre.
Pour le côté musical de Vuduvox, c’est plutôt à un mélange de Kraftwerk version glonflée à bloc et de Front 242 qu’il faut penser (encore que). Car Vuduvox (dont le compositeur/programmeur/chanteur J-C VTH était déjà le leader du groupe lillois Buzz) possède son style bien à lui. Olivier T., le second membre du duo, y est bien sûr largement pour quelque chose, lui qui officie à la guitare sur l’album et est aussi le percussionniste live du mythique Signal Aout 42. Bref, Vuduvox, c’est pêchu, bien foutu (oui, je sais, c’est un »fucking » gros mot, »so what » ?) et les textes sont »rentre-dedans » à souhait, actuels et concernés. L’assassinat de Kennedy, les chambres à gaz des camps de concentration nazis, les camps presque aussi atroces de l’ex-URSS (et j’en passe), tout ceci est traité par Vuduvox d’une manière intelligente, sensible et sans tabou. On aurait facilement pu être plus brutal concernant ces thèmes-là. C’est justement ainsi que le groupe montre qu’il n’est pas dans l’excès pour l’excès, mais dans l’art du mot bien choisi, dans le culte de la phrase bien sculptée, le tout appuyé par une musique bien »punchy » mais sans violence non plus.
Pour tout vous dire, oui, j’aime beaucoup Vuduvox, j’aime leur liberté de ton, la force brute de leur musique. Ce duo me rappelle à certains égards un autre duo : Das Ich. Quand on les voit en photo, on se dit : »Houlala, mein Gott !!! ». Mais quand on ne s’arrête pas à la franche brutalité de leur musique et à leur look infernal, on se rend vite compte que ces gars-là sont très loin d’être de parfaits crétins, bien au contraire. Ils sont même très versés dans la meilleure littérature allemande. Alors, encore une fois, écoutez Vuduvox, ne vous arrêtez pas à leurs inquiétants regards et à leurs tenues d’un noir corbeau. C’est du bon, du très bon !
Frédéric Gerchambeau
https://fr-fr.facebook.com/vuduvox
De la grosse merde, passez à autre chose les mecs sérieux.