The Dear Hunter – Act IV : Rebirth In Reprise
The Dear Hunter
Equal Vision Records
Et voilà, j’en ai attrapé un ! Mais non, pas un gonocoque pfffff, un génie ! Si si, un GÉ-NIE (d’ailleurs, pourquoi y’a un « e » à génie ?). Absolument sans le vouloir, en écoutant les conseils avisés d’un de mes nouveaux amis américains, j’ai fait l’acquisition de Act 4: Rebirth in Reprise d’un groupe dont je n’avais jamais entendu parler : The Dear Hunter. Comme il s’agissait de l’acte 4, je me doutais bien qu’il y avait un acte 3, un acte 2 et un acte 1, ce qui m’intimidait déjà un peu, mais j’étais loin d’imaginer qu’il y aurait aussi un acte 5 et un acte 6 à venir…et puis deux autres albums Migrant (son « single » de 46 mns) et Color Spectrum (145 mns) et puis une symphonie Amour & Attrition écrit en 2013 et interprétée par un philharmonique des pays de l’Est (parce qu’il coûte moins cher… faut pas rêver non plus ! même les génies ont du mal…), et puis un livre tiré du livret des 6 actes, tout fini, qui cherche son éditeur. « À vot’e bon cœur m’sieur dames de l’édition !«
Un génie que j’vous dis ! Au départ, le Casey Crescenzo, du haut de ses 22 ans, il est The Dear Hunter, un peu comme Michel Debré était les Beatles dans le sketch de Coluche. En 2005, pour la maquette de Act I, il a tout écrit, il a tout composé, il a tout joué. Il vient de se faire vider du groupe metalcore/post-hardcore The Receiving End Of Sirens et a décidé qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Pour le produit fini, il ajoute son frère Nick à la batterie et quelques intervenants.
Je te glisse ci-dessous le lien où tu peux le voir en train de faire un concert chez un de ses potes, armé de sa guitare. Pour le même prix, j’y ajoute le lien vers le même morceau, extrait de l’album, comme ça, tu pourras voir le travail d’orchestration assez magistral ! (voir plus bas à la fin de l’article pour la version studio). Elle est pas belle la vie ?
« Wait » acoustique à la maison :
« Wait » version de l’album :
Après la petite histoire, parlons musique. Dans le style, c’est du Prog 100% y’a pas de doute : formaté propret, mais grandiose comme du Neal Morse sauce Casey (les bonbons). Ça va dans tous les sens, ça saute des temps, ça emprunte à tous les styles qui se trouvent entre le classique et le Patato Groove. Ce n’est pas un génie musical genre Zappa ou littéraire comme Peter Gabriel période Genesis, nooon ! Il est très « posé » et très « comme il faut ». Pas rigolo tous les jours ? Peut être, mais bon, on se connaît à peine.. Disons un jeune Mozart du 220 Volt, poli, prolifique et génial quand on l’attend le moins. Même un titre plus « G.R.Q.T » (Gros Rock Qui Tache) comme « Of All Goes Well » semble fraîchement douché et parfumé comme un rocker qui aurait découvert le savon.
Aussi complexes qu’ils puissent être, les morceaux restent des chansons, avec de très beaux refrains, de très beaux contrepoints, de très beaux rythmes. Là où Casey brille vraiment, je trouve, c’est au plan orchestral. C’est d’ailleurs en cherchant sur le net si son instrumentation était digitale ou s’il utilisait de vrais instruments que j’ai découvert… sa symphonie. Mais de celle-là, nous en reparlerons une autre fois.
L’articulation de ce cycle musical, de cette « hexalogie », est également digne d’intérêt. Le livret des six albums nous raconte l’histoire d’un petit gars, fils de prostituée et qui tombe amoureux d’une prostituée (il paraît que la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre, dans son cas c’était simplement un pommier de la rue Saint Denis), à la fin du dix-neuvième siècle. J’ai lu quelque part que le livret est très autobiographique… Bon, je ne voudrais pas faire courir de fausses rumeurs (tiens pourquoi y’a pas de « e » à rumeurs ?). Mais je n’ai rien vérifié de ce côté là, car la bienséance me l’interdisait et le Casey m’a mis un vent quand je lui ai demandé des précisions.
Le quatrième acte, dont il est ici question, se passe à la fin de la première guerre mondiale et le héros (que je vais appeler Umberto pour me faciliter la tâche), va prendre l’identité de son demi-frère (que je ne vais pas appeler du tout parce qu’il est mort et que je n’aime pas appeler des absents). Si tu veux plus d’informations, il va falloir te bouger et aller sur Wikipédia, car moi non plus, je n’ai pas envie de me compliquer la vie à comprendre les textes. Musicalement donc, cet acte est composé de quinze tableaux que je ne vais pas détailler dans cette chronique, car tu ne les connais pas encore, par conséquent, te les décrire, sera aussi utile que de parler plus fort à un « sourd comme un pot » qui porterait sur les oreilles, un casque Bose « noise canceling », hurlant du Thrash Metal. Laisse-moi plutôt essayer de te donner envie de l’écouter : d’abord, beaucoup de tonalités rarement utilisées dans le rock. Casey n’est pas un grateux primaire qui se contente de jouer les tonalités de grateux primaires : Mi, La, Ré et pour les plus aventureux Sol (« ouaaah t’es malade dans ta tête ! »). Les tonalités que j’ai relevées rapidos sont : La et Mi, certes, mais aussi Mi♭ Majeur, Fa mineur, Si♭ mineur, Do# mineur. On n’a rarement entendu des tonalités pareilles en Rock en dehors de notre précieux Tony Banks.
Quant aux mesures, celles-ci sont souvent ternaires, tu sais, celles où tu peux compter UN, 2, 3 / UN, 2, 3 ou poliment bancale comme du 5/8 (du ternaire moins un temps en quelque sorte). Quand il utilise du binaire c’est très très aéré, dans le style « Wot Gorilla » de Genesis. Et puis il a un vrai talent de mélodiste. Certains passages sont franchement accrocheurs mais jamais vulgaires ou horripilants. Il peut même nous écrire des jolies chansons tubesques comme « Remembered » ou « The line ».
C’est beau, c’est doux, c’est large. C’est tout entier dédié à une conception esthétique d’avant la révolution industrielle, quand on pouvait encore entendre entre les contrepoints, le chant des oiseaux plutôt que les marteaux-piqueurs (« ouaaah le pouet’, Anthony Phillips doit être vert de jalousie ! »).
Niveau vocal, il est tellement bon chanteur qu’on l’appelle « Casey, la voiiiiiiix » (je n’ai pas pu résister…). Sa tessiture est aiguë toujours, son timbre puissant ou suave selon les besoins. J’aime beaucoup. Il nous fait même des passages de chœur (où je le soupçonne de chanter toutes les voix mais) qui sonnent d’enfer !
Et puis, comme je te le disais avant que tu t’endormes en lisant cette chronique, le plus impressionnant, c’est son talent d’orchestrateur : le Ravel du Prog. Un mélange « enfin » parfaitement assumé entre instruments électriques et instruments classiques en orchestre comme en chambre. Tu te souviens de la tentative de Deep Purple avec le philarmonique de Londres en 1969 ? « Aïe aïe aïe, pas facile d’être pionnier ! ». Eh bin là, ça n’a rien à voir ; tu vois la nuit ? Là, c’est le jour. C’est enfin, le Grand Vizir de la transition entre les morceaux. Tout est, introduit, amené. Quel talent! Y’a que « King Of swords »…..celle-là, c’est Alésia, je ne veux pas en parler.
En définitive, il sait tout faire le Casey, même terminer l’opus sur un accord ouvert qui nous laisse en suspens, à la manière d’un épisode de The Walking Dead. Je serai d’ailleurs bien curieux de savoir où il a appris à faire tout ça !Bon bin, y’a plus qu’à attendre Act V. Je ne sais pas toi, mais moi, je ne connais pas encore aussi bien les actes précédents alors, c’est pas que je m’ennuie, mais faut que j’y aille.
Pascal Bouquillard
Merci pour cette chronique !!! Une vraie claque ce groupe !!!
Mélodies travaillées, chœurs superbes, titres accrocheurs… tout y est !
Je suis d’accord : un GE-NIE (avec un E, eh oui) !