Sequoyah – Perception
Autoproduction
2016
Bonsoir, ladies and djentlemen. Au menu ce soir : djent braisé accompagné d’arpèges citronnés. Nul besoin de demander la carte des vins, le millésime vous est servi avec le plat principal. Excellente cuvée, de remarquables cépages…
Trêve de métaphores culinaires, allons dans le vif du sujet. Les derniers temps ont été plutôt quelconques en matière de djent. Comme plusieurs l’avaient prédit, le djent s’est essoufflé. 2015 fût une année prolifique, mais 2016 m’a paru n’être qu’une période de manipulations génétiques à partir d’une même cellule-souche. J’oserais même dire que le djent de 2016 fût le clone de ses descendants. Peu d’innovation, des voix qui ne sortaient pas du lot, des riffs plutôt banals et une recette qui s’est mise à ne plus prendre.
Il y a bien eu quelques exceptions de-ci, de-là, notamment chez Smoke Signals, Diamond Construct (Event Horizon), ERRA (Drift), Polaris (The Guilt & The Grief), Textures (Phenotype) puis chez l’incroyable formation ukrainienne Jinjer avec leur rafraîchissant album King Of Everything. Beaucoup attendaient également The Violent Sleep Of Reason de Meshuggah et Periphery III : Select Difficulty. Mais qu’attendait-on réellement des groupes djent de la relève ? Pas grand chose, à mon avis. On dirait bien que la formule gagnante est demeurée bien souvent confinée au cercle exclusif des vétérans et que la relève s’est un peu vautrée dans la complaisance et la pure prouesse technique, sans considérer l’énergie et la passion que doit générer la musique pour accéder au succès.
Or, à travers cet ennui et cette stagnation relative, il y a tout de même de quoi se faire les dents. Avec la formation américaine Sequoyah, mon amour pour le djent a repris du service. Mon cœur présente enfin une ligne de fibrillation bien évidente sur le moniteur cardiaque, alors qu’il dessinait une grande ligne toute plate quelques semaines auparavant (lèves-toi, Lazare et ouvre grandes les oreilles !). Le groupe, formé de musiciens originaires de Des Moines (Iowa) et de Long Branch (New Jersey), reprend là où j’ai laissé Periphery avec Periphery II (ne me parlez pas de Clear et de Alpha/Omega, je vais mordre quelqu’un !).
Vivement le djent pur et dur avec ses variations et sa bipolarité caractéristiques. Voix clean dignes de la grande pop, growls abusifs, shredding et palm mute en alternance, passages syncopées et énergie du diable, accalmies et cataclysmes d’une mesure à l’autre… c’est ce que je veux retrouver dans MON djent ! Et ici, on a le droit à tout ça, comme à l’époque où Spencer Sotelo et Misha Mansoor nous livraient ce qu’ils avaient de meilleur. « The Hydra Of My Hatred » et « Closer » me ramènent à cet âge d’or du djent, au temps des impayables titres « Totla Mad » et « Luck As A Constant » sur lesquels j’ai secoué de la tête à m’en déplacer les vertèbres.
Guitares aussi lourdes que possible, shredding à s’en râper les doigts et à ne pouvoir jouer que des moignons, batterie indomptée qui refuse de suivre docilement le rythme des cordes, voix superbes au registre fort large, basses fréquences mises de l’avant pour durcir l’ensemble; tout est là, et à forte dose à chaque fois. Là où a pu se rendre Periphery avec l’aide de labels aussi renommés que Sumerian, Century Media ou Roadrunner Records, Sequoyah a su déployer son arsenal sonore de façon autonome, pour en arriver à des résultats très similaires du point de vue de la réalisation.
Mais comment fait-on pour avoir déjà tout ce talent à un âge si précoce ? Aucune idée, car même si le chanteur Joel Monet œuvre également pour le groupe Circuitry et que le guitariste Mark Willie partage ses temps libres entre Sequoyah et la formation Systems, on se demande comment ces derniers peuvent manier aussi bien la console de mixage avec si peu d’expérience. Épatant, mais surtout convainquant !
Dann ‘the djentle giant’