Recode The Subliminal – The Cost Of Every Man
Recode The Subliminal
Negative Tunes
Bon, eh bien, retour au créneau. Je vous ai farci les oreilles et les yeux de groupes folk, stoner et math rock, du plus soft quoi… De retour à ma confortable alcôve : le djent et le metalcore. Car parfois, le hasard oblige à prendre certaines directions. Là, en parcourant les nouveautés sur Bandcamp, le truc s’est pointé, charmant et prometteur. Voyons voir de quoi il en retourne, maintenant.
D’abord, on entend la voix de Ryan Strain, parfaitement death par passages (tout en growl) et adéquatement progressive et limpide par moments (surtout dans « At The End »). Et la chose convainc quand même très bien, même si le jeune chanteur américain de 24 ans exécute toutes les plages vocales à distance. Or, cette même voix emprunte aussi dans le registre du death mélodique de Soilwork, Disharmonia Mundi et Scar Symmetry dans certains morceaux tels que « Supremacy » et « Resistance ». Maintenant, est-ce que c’est du djent, du metalcore, du progressif ou du death mélodique ? La réponse est : « rien n’est jamais aussi simple, l’ami ! C’est un peu de tout ça… » Comme quoi la musique et la culture en général n’ont pas à se cloisonner elles-mêmes. C’est la critique et l’auditoire qui typent la musique et l’art, pas les artistes. Et Recode The Subliminal ne fait pas exception. La voix et l’instrumentation de cette formation originaire de la République Tchèque sont la somme des influences musicales actuelles. En d’autres mots, le groupe fait ce qui lui chante, selon son inspiration, selon ses sources et ses désirs. Et il en résulte une musique hybride, honnête et déterminée par l’inspiration du moment.
Premier album, première réalisation de groupe, l’album The Cost Of Every Man traite sociologiquement de ce qui ne tourne pas rond dans notre monde carré aux angles équarris. Décadence, solitude dans la foule humaine, urbanisation, désespoir, envahissement par la grisaille et le béton, pauvreté et j’en passe. On est las de ce monde suranné au complexe de grandeur jamais assouvi, à cette édification disproportionnée des Constantinople modernes tout juste sur le point de rupture. Et tout cela s’entend relativement bien, surtout dans l’orchestrale et magistrale « Hope Is Lost », une pièce finale toute en chœurs et cordes pour le fanatique de déploiement musical que je suis. On sent dans la musique en général quelque chose qui sent le refus, quelque chose qui piffe le « j’en-ai-marre ». Bon, vous me direz que les membres de Recode The Subliminal sont un peu jeunes pour se prononcer et qu’ils sont nés directement dans le progrès. Oui, certes, ceux-ci on peu ou pas connu l’époque où l’ordinateur et les téléphones intelligents n’existaient pas et où écrire une lettre ou donner un coup de fil étaient les moyens de communication disponibles. Ceux-ci n’ont pas véritablement de point de comparaison, il faut l’admettre. Mais ils en ont ras-le-bol quand même. Je crois que cette lucidité leur est tout de même louable. Et puis, si ça inspire pour faire une musique dans le genre, pourquoi pas ?
Pour ma part, tout cela est une belle surprise. Comme certains fans de metal tous sous-genres confondus, les nouveaux albums de Killswitch Engage (Incarnate), Obscura (Akróasis), Votum (Ktonik), Polaris (The Guilt & The Thief), Fleshgod Apocalypse (King) Textures (Phenotype) et Megadeth (Dystopia) m’ont agréablement plus. C’est un excellent début d’année ! Et les nouveaux disques de Deftones et d’ERRA qui vont paraître vendredi le 8 avril prochain; nous sommes choyés !
Décidément, le monde de la musique en dehors de la pop n’est pas encore mort. Il y encore un souffle. Et ce souffle semble puisé sa force de l’éclectisme. C’est visiblement une vague dont on commentera l’existence d’ici une décennie, la vague du « fusion metal ». Recode The Subliminal pourrait facilement cadrer dans cette potentielle catégorie de musique actuelle. La formation en a l’étoffe. Pourquoi faire dans un seul genre de metal quand il existe d’infinies possibilités ? Je me pose la question. De nombreux artistes semblent se la poser également. Amen…
Dann
https://recodethesubliminal.bandcamp.com/album/the-cost-of-every-man
https://www.facebook.com/RecodeTheSubliminal
Note : le chanteur Ryan Strain œuvre également au sein de Sea Of Trees, un projet djent digne de mention. À voir en suivant ce lien : https://seaoftreesmetal.bandcamp.com
Chronique parue simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily Rock (Québec)