Razer – Razer
Razer
Autoproduction
Les gens qui me connaissent extrêmement bien savent qui sont mes chanteurs préférés. Parmi ceux-là, il y a les rauques et corrosifs Kurt Cobain (Nirvana) et Bjorn Strid (Soilwork, Harmonia Mundi, Coldseed, The Night Flight Orchestra, I Legion), mais il y a aussi les suaves et sensuels Lera Lynn, Michael Stipe (R.E.M.), Nina Simone, David Bowie, Roger Waters (Pink Floyd) et Chris Cornell (Audioslave, Soundgarden). Peu de gens autour de moi savent à quel point les derniers chanteurs/chanteuses de cette liste ont un effet sur moi. La chose est d’autant plus vraie avec Chris Cornell, cette voix d’or au nul pareil.
Mon admiration et mon frisson pour ce chanteur en particulier font en sorte que je tombe en amour avec des voix dans le même registre. C’est ce qui s’est passé avec The Post War et Razer, la formation hard rock d’Arizona dont il est ici question. C’est du solide, du vrai, du dur et du passionné. Une recette pour le fanatique de musique alcaline que je suis. On sent le bar malfamé et mal éclairé, les cadavres de bières et les mégots sur un sol graisseux, on sent la serveuse blasée qui voudrait foutre le camp, mais ne le peut pas (faut bien nourrir les gosses, pardi !). Et ça sent la vieille histoire de vie répétée mille fois, l’amertume partagée autour d’un verre de malt et de houblon, un petit fond de whisky par moment. Mais ça sent l’authenticité, l’intégrité, le lion qui ne fait pas semblant d’être l’antilope. Ça hurle, ça grogne, ça porte un jean délavé et élimé, des vielles bottes de cuir détannées, une barbe mal rasée, le cheveu gras et en bataille, la clope au coin du bec et la chemise à carreaux avec dans la poche avant un gros paquet de Marlboro. Et on aime ça, tant ça inspire le film américain profond, le « barfly » qui vit la vie qu’il a choisie. C’est ce que m’inspire le hard rock/stoner de Razer, un rock « rawwwwwwrrr », un rock « quesse-tu-regardes? », un gros « middle finger » extirpé douloureusement d’un poing américain en chrome.
L’ensemble des pièces de ce premier album me plait. Tout est à sa place. Et quand tout est à sa place et que l’équilibre est bon, c’est un succès pour qui prête l’oreille. Et j’ai prêté l’oreille autant de fois qu’il l’a fallu et tendrai l’oreille aussi longtemps qu’il le faudra. Car, putain, j’aime le hard rock, le bon hard rock… S’il y a quelques morceaux qui se démarquent de ce disque, il y a sûrement « Into The Light », un petit air un tantinet Aerosmith sur les bords, mais un air surtout très Audioslave dont je me délecte joyeusement, me rappelant à quel point j’ai aimé et aime encore autant le projet de Morelo et Cornell (j’ai d’ailleurs dû faire mon deuil à l’annonce de leur séparation, même si Cornell annonçait par la suite son retour avec Soundgarden). Même chose pour « The Things You Do », un air très Badmotorfinger, un rappel à l’incontournable album qui a propulsé les Soundgarden, l’enfant chéri des trentenaires dont je suis. Bon Dieu, j’ai comme une petite montée de plaisir qui confère à l’orgasme (désolé du détail). Ah, ce solo à la Kim Thayil, y’a que ça de vrai…
Puis, il y a « The Last One » et « Chosen Ones », deux tubes très efficaces qui font penser à quelques titres de Facelift, le premier album d’Alice In Chains paru en 1990. On sent la vague grunge et alternative de nos chers 90’s. Et ce n’est pas pour me déplaire, oh que non ! Je ressens les frissons de mon adolescence et l’ivresse musicale de mon jeune âge adulte se combiner et me donner la chair de poule dont j’ai tant besoin quand j’écoute de la musique.
Comme Philippe Vallin et moi le disions entre nous plus tôt cette semaine, la musique ne doit pas être seulement cérébrale ou uniquement récréative. Écouter de la musique exclusivement pour danser sur des rythmes répétitifs et vides ne fait pas beaucoup de sens à mon avis (grand bien fasse à ceux qui peuvent se contenter de ça et y trouver la juste catharsis). Mais écouter de la musique que pour l’analyse et ne pas en jouir intérieurement pour faire frémir l’âme comme il se doit, c’est aussi passer à côté de ce que peut offrir la musique. Une agréable combinaison des deux permet d’exploiter le plein potentiel de ce grand art. Et je suis de ceux qui combinent amour du rythme et amour de la grande intelligence musicale. Mais pour cela, les airs et les compositions qu’on nous offre se doivent de présenter quelque chose de convainquant, quelque chose qui frappe en pleine poitrine. Et à ça, Razer semble s’être amusé allègrement tout en atteignant leur objectif. Je suivrai pour ma part cette formation américaine, car de la musique comme celle-ci, on n’en trouve plus qu’aux puces, entre deux disques rayés de Guns ‘N Roses et Rage Against The Machine et cette musique de nos temps adolescents dont la génération présente n’a rien à cirer (d’autant plus que beaucoup d’entre eux n’ont jamais vu un disque de leur vie !). Bon, je vous laisse, je vais écouter l’album une autre fois, histoire de bien décoller dans mon instant de nostalgie volontaire. Bon week-end tout le monde !
Dann