Quand le « Deathcrusher Tour » passe par la Cigale‏ à Paris…

Voivod Napalm Death Obituary Carcass Cigale 2015

Le « Deathcrusher Tour » : Voivod + Napalm Death + Obituary + Carcass à la Cigale‏, Paris, le 23 novembre 2015

Quatre groupes qui ont marqué le métal extrême réunis en une soirée, voilà qui avait de quoi éveiller mon intérêt, d’autant plus que tous ont bercé mon adolescence. Arrivé devant la Cigale après avoir longé le boulevard de Clichy, je croise l’ami Pok et ses compères, ce qui me permet de gagner des places dans une file d’attente aussi longue que la soirée qui s’annonce. Suite aux événements tragiques qui ont secoué Paris quelques jours avant, le contrôle est renforcé à l’entrée mais avec bon sens, car le look des personnes formant le cortège ne laisse aucun doute sur l’objet de leur présence. Une fois à l’intérieur, la gravité passe de verticale à horizontale, puisque c’est en effet le bar qui nous attire. Munis de notre pinte, nous nous rendons dans un premier temps au coin merchandising. Après avoir miré les T-shirts accrochés au mur tel les « tableaux d’une exposition », nous montons à l’étage, d’où nous avons une vue imprenable sur la scène. Entre-temps, la première partie, Herod, les cadets de la soirée, a fait parler d’elle sur scène, mais pas assez pour nous convaincre d’associer la vue à l’ouïe. Rythmes chaotiques et cris lancinants ont en effet du mal à ouvrir l’appétit d’affamés d’un métal à vous mettre dans tous vos états.

Avec Voivod, la soirée prend enfin du relief. Pour plus de détails sur l’histoire et le line-up, veuillez vous reporter au compte-rendu de leur concert de cette année à Eragny-sur-Oise. Tous muscles dehors, le quartet québécois a choisi les morceaux les plus éprouvants (dans leur exécution) pour leur set, comme pour se prouver que l’âge n’avait pas de prise sur leur énergie. Là où Away est toujours aussi imprégné de la fougue qui l’animait aux débuts du groupe, c’est un Snake pétri d’humour qui associe des danses indiennes et des gestuelles théâtrales à un chant tétanisant. Les nouveaux compagnons de route, Rocky et Chewy, secouant la tête dans tous les sens et s’échangeant les places sur la scène, exhibent un savoir-faire tout en retenue sur leur manche. Le chanteur charismatique nous ayant promis des surprises, c’est d’abord Jeff Walker de Carcass qui vient remplacer Rocky le temps d’un morceau, puis le public aura droit à une « pièce » enregistrée sur un « 7 pouces » avec Napalm Death, comme pour assurer la transition avec ce groupe-phare de la scène grindcore. Un beau show avec un public en plein émoi devant les chansons de leur jeunesse (Snake frappant même à la porte de nos souvenirs quand il annonce « une pièce de 1988…quand [nous] étions gosse »).

Voivod

Après un entracte où les effets diurétiques des bières consommées ont contribué à la formation d’une nouvelle file d’attente à l’intérieur, en même temps qu’une autre devait s’être formée à l’extérieur pour combler les places vacantes dans la salle, c’est au tour des cultissimes Napalm Death de suggérer à la Cigale de danser. Et effectivement, c’est un homme au look de skater, Barney Greenaway, qui s’égosille sur des pas de danse hystériques, tel un boxeur sur son ring. Le set est monstrueux, enchaînant les hymnes grindcore, dont la chanson la plus courte homologuée au livre Guinness des records. On se croirait vingt-cinq ans en arrière quand Lee Dorrian propulsait le groupe dans le pandemonium du grindcore. Une nouvelle surprise attend le public, puisque Bill Steers de Carcass vient se substituer au guitariste le temps d’un court morceau (pléonasme chez Napalm Death). Le public a été conquis par la prestation musclée des anglais furieux, et ce retour à une violence sans concession (le groupe avait eu une phase death metal) présage de jolies surprises d’ultra-violence pour la suite de leur carrière discographique.

Napalm Death

Après avoir été sonnés par tous les uppercuts assénés, nous pouvons néanmoins nous relever avec les vétérans du death metal, Obituary, qui proposent une musique où des rythmiques souvent lentes et répétitives servent de fondation à un chant guttural qui donne des frissons par la passion qui l’anime et le naturel qui s’en dégage. On regrettera néanmoins que John Tardy ne se soit pas impliqué davantage, restant souvent à l’écart du microphone pour laisser ses acolytes s’épancher sur de longs développements instrumentaux. Mais dans l’ensemble, l’énergie encore bien présente de nos floridiens a su relever un public qui venait d’être mis KO.

Orbituary

La tête d’affiche, Carcass, est venu ensuite conclure cette soirée avec des rythmiques galopantes ponctuées de blast beats effrénés. Le chant strident de Jeff Walker, agrémenté de cris de terreur et de dégoût, fait toujours autant hérisser le poil, sur des peaux qui commencent cependant à être bien moites à force d’imprimer au corps la même énergie que celle déployée sur scène. Bill se fourvoie cependant dans ses solos, leur donnant des airs distordus. Mais on lui pardonne, le groupe avait fait en effet une pause de près de 15 ans pendant laquelle le guitariste avait délaissé le death metal pour se retrouver, entre autres, chez les blues-rockers de Firebird et au sein du projet folk de Marianne Segal (ex-Jade).

Carcass

Après avoir consommé une dernière pièce de choix que le groupe a fait revenir sur un feu ardent, je vais m’engouffrer dans la bouche de métro. Mais quelques jours plus tard en naviguant sur youtube, je m’aperçois que j’aurais du revenir sur mon choix. En effet, après les prestations vitaminées qui se sont succédées, la scène a été investie par un sosie de Rob Halford, ainsi que par des membres passés et présents des formations-vedettes de la soirée, pour quelques instants d’un power metal au refrain à reprendre en chœur. Une autre surprise qui permet de clôturer une soirée qui n’en manquait pas tout au long de performances à la hauteur de la réputation de leurs auteurs. On ne peut que remercier les organisateurs d’avoir pu réunir quelques gâchettes du metal extrême pour cribler notre esprit d’impacts mémorables et nous faire revivre les grands moments d’une musique à la fois déroutante par son univers horrifique et fascinante par l’exploration extrême des possibilités vocales et instrumentales.

Lucas Biela

Photos : Lucas Biela & Manuwino

http://manuwino.com/

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