Our Oceans – Our Oceans

Our Oceans
Our Oceans
2015
Autoproduction

Our Oceans-cover art

Qui a dit qu’il fallait des milliards d’années pour que le carbone ne devienne diamant ? Je ne sais pas pour le carbone, mais la musique ne nécessite pas une maturation aussi longue pour devenir un joyau. Les vétérans de Cynic, Exivious et Dodecahedron (des formations adulées par la scène progressive et jazz metal), nous offrent sur un plateau Our Oceans, un projet très attendu par ceux qui ont contribué à le financer via une fructueuse campagne Crowd Funding tenue plus tôt cet hiver. Le disque qui en résulte est une pure merveille ! Comme certains de mes collègues fanatiques de musique progressive, je suis constamment à la recherche de nouveau matériel musical. Et à chaque fois, j’espère tomber sur  le projet qui m’obligera à m’agenouiller et à crier au génie. Puis, c’est arrivé, je suis tombé sur cet album mélancolique à souhait, un album que j’aurais souhaité avoir réalisé moi-même dans mes rêves les plus fous. Or, sans savoir qui était à la barre de ce projet, je me disais que le phrasé de la basse me disait quelque chose. Ces « slides » sur basse fretless avaient quelque chose de familier, quelque chose d’enivrant et de berçant qui me rappelait à quel point les lignes de basse peuvent tout changer dans une mélodie. Puis, prêtant l’oreille pour en cerner les subtilités, je réalisai que les parties de guitare me disaient aussi quelque chose. Rien d’étonnant, puisque j’entendais là la basse du spectaculaire Robin Zielhorst (ex-Cynic, ex-Exivious) et les guitares de Michel Nienhuis (ex-Exivious, ex-Dodecahedron) et Tymon Kruidenier (ex-Cynic, ex-Exivious), des musiciens pour lesquels je nourris une admiration sans borne.

Éloignés des compositions fort expérimentales de leurs formations respectives, les morceaux figurant sur le premier album de Our Oceans sont davantage axés sur leur sensibilité, leur harmonie et leur profondeur. Plus question ici de démontrer les aptitudes techniques de chaque musicien, de se désarticuler sur une batterie ou de parcourir le manche d’une guitare à la façon d’un fou furieux. Non, le quatuor originaire des Pays-Bas fait maintenant dans un rock progressif accessible.

Our-Oceans-band

Côté guitare, la formation bénéficie de gros canons. Nienhuis et Kruidener maîtrisent leur instrument comme des musiciens de blues. Leur jeu semble d’une déconcertante facilité, tant leur aisance prend le dessus. Rien n’est forcé, tout évolue dans un cadre tout à fait naturel, emmenant les airs post-rock pleins de « reverb » directement à la cervelle (ou au cœur, dépendamment de la façon dont vous écoutez de la musique). Et puis, le solo de la chanson « Tangled«  à lui seul justifie mon enthousiasme pour cette toute nouvelle production. Un peu avant la quatrième minute du titre, la guitare exprime sa douleur lancinante et romantique, comme éprise d’une nostalgie noire, douce et amère. De quoi avoir envie de fermer les yeux et se laisser faner tout doucement.

Et puis, les textes de Our Océans sont de purs morceaux de poésie (tout comme le suggère l’exquise pochette de l’album). Amateur de littérature, d’imageries poétiques et de textes fabuleusement inspirants, je n’ai pu m’empêcher de m’extasier devant la splendeur et le sublime de certains morceaux dignes de Rimbaud ou de Billy Corgan du temps de Mellon Collie And The Infinite Sadness. Bercé par la voix de Kruidenier (qui devait a priori être celle de Noora Häkkinen, chanteuse du groupe Noradrenaline), les vers de certaines chansons illustrent magnifiquement ce que les quatre musiciens du groupe avaient en tête au jour 1 de ce projet :

Colors fade and dissipate, am I still here ?

Touches pale and gray unveils, lost with the tears.

I’ve disappeared.

Les couleurs s’affadissent et se dissipent, suis-je encore ici ?

Des touches pales et grises se dévoilent, perdues dans les larmes.

Je suis disparu. (extrait de la piste « Am I Still Here »)

Sans m’étendre sur la description de chaque morceau, il me semble tout de même primordial de souligner qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des guitares lourdes et une batterie matraquée pour déployer une énergie communicative en musique. Cette énergie peut être intestine, viscérale, sans avoir à exprimer violences et déflagrations. Tout comme chez Radiohead ou Coldplay, l’énergie peut être interne, passionnée, voire tourmentée. Our Oceans existe pour en témoigner. Une phrase toute simple, écrite par Häkkinen, résume bien ce que représente le nom de la formation, mais toute cette énergie qui attend, latente et patiente, pour submerger le monde et le recouvrir, pour tout détruire puis engendrer la vie : Our oceans are either poisonous or unpredictable, never disciplined or moral (nos océans sont aussi empoissonnés qu’imprévisibles, ceux-ci ne sont jamais disciplinés ou moraux). Car après tout, l’océan fait bien ce qu’il veut. Le monde est à lui.

Dany Larrivée

https://www.facebook.com/OurOceans

http://www.ouroceans.net/band.php

https://ouroceansband.bandcamp.com/album/our-océans

Chronique publiée simultanément chez Clair & Obscur (France) et Daily Rock (Québec).

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