Night Verses – Into The Vanishing Light

Into The Vanishing Light
Night Verses
Equal Visions
2016

Une pièce enfumée où l’on discerne quelques silhouettes, des corps lascifs se lovant au rythme des basses, grâce reptilienne, volupté et concupiscence, voilà ce que me suggère « Drift », l’un des morceaux les plus marquants de l’album Into The Vanishing Light. Oubliez le post-hardcore qui a fait la renommée du groupe américain Night Verses, car on en est bien loin !

Into The Vanishing Light est une « time machine », un voyage rétroactif dans les années Depeche Mode, Joy Division, Siouxie And The Banshees et The Cure. Voix au timbre typiquement gothique (une voix plaintive caractéristique), basse très présente, voire dominante, guitare feutrée et embrumée par le reverb, batterie épurée et réglée sans aucun artifice (surtout dans le cas de la caisse claire), aucun art pompier, aucune perle ni tapis rouge pour impressionner. Mais la chose fait tout de même son effet. Sans voir de vidéo associée à chaque titre, on en imagine toutefois quelques scènes. Chaque piste est cinématique. « Drift », par exemple, m’amène à un bal de graduation où l’alcool coule à flot, où l’air est saturé de fumée de cigarette, où des couples sans lendemain se forment, où une main se glisse pour la première fois dans un soutien-gorge, où les caresses pressées et impatientes préludent au sexe d’un soir et aux sanglots du surlendemain. On semble voir une jeune amoureuse chercher désespérément son cavalier, scindant la foule pour le retrouver (mais il est dans le bras d’un autre, tapis dans l’angle mort de l’arrière-scène où joue un groupe de musique pop engagé pour la « prom night »).

La chanson « Vantablack », d’un noir plus sombre que l’absence de couleur en soi, me plonge dans une lourde transe, donnant cette impression de tomber dans le vide, à la renverse, alors qu’on ne fait que se laisser tomber sur son lit, un pétard à la main avec un disque tournant en boucle sur sa platine comme un délicieux et malsain mantra. On part pour un voyage sans destination ni dimension, perdant tout repère pour mieux se retrouver. On a déjà senti ça en écoutant « Enjoy The Silence » ou « Never Let Me Down Again », l’esprit perdu dans l’instant, puis révélé dans ses méditations immatérielles.

On hésite à dire si Night Verses a fait le saut dans le « néo-gothique » et l’indie rock ou si la formation affirme qu’elle n’a pas abandonné le post-hardcore et que tout cela n’est qu’un flirt. On y trouve un peu des deux pôles. Le concept de cet album est peut-être axé autour de la bipolarité, qui sait ? Cela ferait du sens, puisque ce disque est aussi passionné qu’il peut être rageur et violent. On jongle d’une émotion à l’autre sans préavis, on montre les dents sans d’autres signes avant-coureur (et on le fait parfois à l’intérieur d’une même chanson, notamment dans « Panic And Pull Your Heart Out », « Blue Shade Of The Sun » et « Pheonix III »). Cette bipolarité, on la retrouve dans la nouvelle génération de post-hardcore, notamment chez A Lot Like Birds, Sianvar et Artifex Pereo. Pour qui est d’humeur plus ou moins égale (j’en suis), c’est un monde parfait ! Pour qui sait ce qu’il veut à l’instant, cela peut être très déroutant. Pour cette dernière catégorie de mélomanes, vous n’achèterez probablement que des pistes séparées sur iTunes. Et c’est un droit !

En revanche, on comprendra certainement que le groupe a fait une incursion dans l’indie rock parce qu’il en avait envie et parce qu’il en était capable. « Growing Out Of Orbit » nous en fourni la preuve. Un peu survoltée par moment, la pièce nous présente un Night Verses très sûr de ses moyens, un Night Verses amoureux des ambiances faites d’éther et d’éléments vaporeux comme c’est également le cas pour la léthargique et lancinante « Strange Graves ».

De prime abord, j’ai détesté cet album jusqu’à l’ignorer depuis sa sortie à l’été 2016. J’avais plusieurs a priori. J’étais enthousiaste et espérais un album post-hardcore encore plus couillu que Lift Your Existence (bien que le pari de faire plus audacieux et plus déjanté paraissait perdu d’emblée). J’étais certain que le groupe reviendrait avec une plus grande conviction encore, hurlant et décapant les murs à coup de mélodies abrasives. Mais non… et la surprise est encore plus grande pour moi en écoutant l’album à nouveau, lorsque je lui ai donné une seconde chance il y a quelques jours. Et comme Édith Piaf : « non, rien de rien, non, je ne regrette rien… ». Il me fallait seulement avaler la pilule, et puis voilà !

Dann ‘the djentle giant’

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http://www.nightverses.com

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