Lightning Dust – Spectre

Spectre
Lightning Dust
Western Vinyl
2019
Jean-Michel Calvez

Lightning Dust – Spectre

Lightning Dust Spectre

Venu de la lointaine Vancouver, le duo Lightning Dust (Amber Webber + Joshua Wells) n’est pas pour autant nouveau venu dans le milieu… quel milieu, au fait ? Car avec quatre LP au compteur, Lightning Dust est inclassable. Après le folk minimaliste mâtiné de shoegaze de leur premier LP éponyme en 2007, suivi en 2009 d’un Infinite Light au superbe visuel onirique, la musique de Lightning Dust, portée par le vibrato d’Amber Webber, se voit d’album en album contaminée par l’électronique, mais aussi par les cordes (cello, violon). Six ans après un Fantasy assez synthpop, électro et presque dansant, voilà que le duo, complété par la guitare électrique, la guitare basse et les cordes, nous replonge dans un registre sombre et grave, presque hanté, rappelant les derniers opus d’Emily Jane White récemment chroniqués. Le visuel énigmatique sur fond olive drab (assez laid, il faut l’avouer : coulure d’encre noire défigurant un portrait énigmatique, comme un Magritte vandalisé) est à l’image de la musique, dark wave. Il est cependant enluminé par la voix d’Amber Webber et par des synthés très seventies, une empreinte sonore proche des premiers opus d’Orchestral Manœuvres In The Dark (l’album éponyme incluant le tube « Electricity », qui les avait lancés vers 1980, puis le LP Organisation). On note que le duo fait aussi partie du groupe Black Mountain, ceci expliquant le délai entre chacun de leurs opus.
Dès « Devoted To », le ton est donné avec une longue intro de synthé hululant et presque lugubre (tout bien réfléchi, je retire le « presque ») laissant penser à un morceau 100% instrumental, avant que surgisse de cette nappe bruitiste la voix d’Amber, haut-perchée et fragile, qui contrebalance à peine ce climat glacial. Avec l’entrée en scène des guitares et des percussions, « Run Away » et « Led Astray » sont plus rythmés, mais la veine folk des premiers albums, mélancolique et minimaliste (voix/claviers), se retrouve intacte sur « Inglorious Flu », « More » ou sur un superbe « Joanna » orchestral accompagné de cordes et d’un son d’orgue vintage. On retrouve sur « A Pretty Picture » les synthés aux sonorités travaillées et organiques et une rythmique s’appuyant sur la guitare rythmique, plutôt que sur les séquenceurs, et sur les percussions (cf. le très bref mais percutant « Competitive Depression ». À noter aussi les superbes sons de guitare électrique sur « When It Rains » (pluck guitar) et « Joanna » (fuzz guitar) complétant la palette sonore d’une richesse sidérante. Bien que souvent assez sombre (on va dire spectral, vu le titre…), l’album se conclut par un « 3AM / 100 Degrees » plus apaisé, presque romantique grâce à la guitare acoustique et à la voix d’Amber Webber. C’est le morceau le plus développé de l’album avec ses 7 minutes, le moins linéaire aussi avec ses changements de climats et son superbe passage psychédélique quasi floydien au tempo ralenti, rappelant le très bucolique « Grantchester Meadows » d’Ummagumma.

Lightning Dust Spectre band1
La plupart des morceaux présentent des sons de synthétiseurs en général produits sur des synthés modulaires analogiques, comme l’intro, le lead solo de « Led Astray » et le synthorgan de « Joanna », loin des habituels presets et « sons d’usine » trop souvent entendus dans le domaine pop/rock. Cette profusion de claviers aux sons lo/fi très organiques est même ce qui caractérise l’album., Celui-ci s’éloigne du néofolk des débuts du groupe (dopé ici par un groupe plus étoffé) tout en renouvelant le genre dark wave par une approche assez peu métronomique. Il fait la part belle à ces sonorités hyper travaillées rappelant celles de la meilleure Berlin School analogique/expérimentale des sixties et seventies.
Il est sans doute dommage que Lightning Dust ait choisi un visuel aussi « spectral » et peu engageant pour porter son album. On pense au fan d’indé cherchant l’inspiration au hasard des bacs de son disquaire ou sur son écran : peu de chances qu’il flashe et cherche à en savoir plus, sur la foi d’un visuel aussi glauque. Après celui, assez génial, d’Infinite Light, qui a dû en faire craquer plus d’un (surtout en vinyle, plutôt que le boitier cristal d’un banal CD !), on mesure l’écart (une évolution, vraiment ?) et la prise de risque, en termes de ventes potentielles. À noter malgré tout le « détail qui tue » : l’arrière du digipack élimé en trompe-l’œil dans sa partie basse, subtile coquetterie qui ne sera comprise que des amateurs de vieux vinyles – Western Vinyle oblige !

Lightning Dust Spectre band2
Mais il ne faut surtout pas s’arrêter à l’emballage : ce quatrième album de Lightning Dust est une vraie pépite et renouvelle avec intelligence une dark wave qui, depuis les eighties, n’avait plus grand-chose de neuf à nous faire entendre. La voix d’Amber Webber y est pour beaucoup, sans oublier un climat spectral à souhait, qui nous change de la légèreté souvent superficielle de la synthpop.

https://www.discogs.com/fr/artist/846311-Lightning-Dust
https://www.facebook.com/lightningdustofficial/
https://lightningdust.bandcamp.com/album/spectre
https://westernvinyl.com/artists/lightning-dust.php

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.